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Maladies tropicales négligées : L’éradication est-elle possible au Cameroun à l’horizon 2030

Sur les 149 pays affectés dans le monde selon l’OMS, seulement 33 ont pu éliminer au moins une MTN depuis 2012. De nombreuses organisations dont Helen Keller Intl, et l’Usaid s’investissent pour que les objectifs soient atteints.

Agée d’une quarantaine d’années, Matilde est devenue non-voyante à la suite d’un trachome dépisté trop tard. Comme elle, Isidore Belibi, malade de la lèpre depuis 25 ans porte lui aussi les stigmas de la maladie qui ont ruiné sa santé et sa famille. Face au manque de moyen financier, « on est obligé de compter sur les dons pour survivre », confie-t-il. Le trachome et la lèpre font partie des 20 maladies tropicales négligées (MTN) listées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans 149 pays. D’après Pr Emilienne Epee, universitaire et chef service des MTN au ministère de la Santé publique, « Les MTN sont principalement des maladies infectieuses qui sévissent dans des milieux déshérités, surtout dans la chaleur et l’humidité des climats tropicaux. Des maladies des pauvres qui aggravent la pauvreté ».

Les MTN menacent plus de 1,7 milliard de personnes vivant dans les communautés les plus pauvres et les plus marginalisées du monde. La région Afrique de l’Oms porte la moitié de la charge morbide. Plus de 40 % des cas sont concentrés en Afrique subsaharienne, y compris le Cameroun endémique de 15 des 20 MTN, et la plus courante d’après le ministère de la Santé est le trachome qui touche principalement les femmes et les enfants dans 21 districts de santé sur 189. « Ces maladies aveuglent, invalident et défigurent les gens ; les privant non seulement de leur santé mais aussi leurs chances de rester à l’école, de gagner leur vie ou même d’être acceptées par leur famille ou leur communauté », relève Patrick Mbia en charge des MTN à Helen Keller IntL. Cette organisation accompagne le Minsanté dans la lutte contre cinq de ces MTN desquelles l’Onchocercose, une maladie parasitaire affectant la peau et les yeux dont la complication la plus grave est la cécité ; la filariose lymphatique (éléphantiasis), le trachome, les vers intestinaux et la schistosomiase.  

« Chaque année, près de neuf (9) millions de personnes reçoivent gratuitement le Mectizan qui est le médicament phare contre l’onchocercose », affirme Patrick Mbia. La lèpre reste « hyper endémique » dans 15 districts de santé. En célébrant, le dimanche 30 janvier 2022 au côté des pouvoirs publics et d’autres partenaires dont le Cercle des amies du Cameroun (Cerac), Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) ; Fhi 360 ; Sigthsavers, la 3e édition de la Journée mondiale des MTN couplée cette année à la 69e journée mondiale de lutte contre la lèpre, Helen Keller espère : accroitre la sensibilisation du public en vue d’encourager les populations à adopter les bonnes pratiques préventives de lutte contre ces maladies ; renforcer le plaidoyer auprès des partenaires techniques et financier du Minsanté pour un accompagnement constant dans la recherche et la mise en œuvre des stratégies de lutte innovantes et efficientes.

L’objectif est d’« Atteindre l’équité en santé pour mettre fin à la négligence des maladies liées à la pauvreté », thème adopté pour cette édition. Depuis 2012, seulement 33 pays ont éliminé au moins une MTN. L’USAID apporte également un soutien technique et financier au programme MTN du Cameroun depuis 2010, avec un budget annuel d’environ 2,2 milliards de francs CFA (3,8 millions de dollars).

Nadège Christelle BOWA

INTERVIEW

Dr Ismael Teta

« Nous investisons entre 1 et 3 milliards de Fcfa pour accompagner le gouvernement »

Le directeur national d’Helen Keller IntL fait le bilan de la contribution de cette organisation dans la lutte contre les maladies tropicales négligées au Cameroun depuis son installation dans le pays en 1992.

Le Cameroun a célébré la 3e édition de la journée mondiale des maladies tropicales négligées couplée à la 69e journée mondiale de lutte contre la lèpre. Quel est le sentiment qui vous anime à Helen Keller IntL au moment de cette célébration ?

Pour Helen Keller, c’est un sentiment mitigé, à la fois un sentiment de satisfaction parce que le Cameroun fait partie des pays qui doucement mais sûrement s’achemine vers l’élimination de certaines de ces maladies. D’un autre côté, Helen Keller comme les autres partenaires souhaite une accélération de cette éradication et une élimination de ces maladies tropicales négligées. Cette 3e journée mondiale des maladies tropicales négligées vient davantage rappeler aux autorités camerounaises ainsi qu’aux communautés que ces maladies continuent de sévir dans plusieurs districts de santé, à peu près 189 dans le pays ; que ce ne sont pas des maladies des villes, des riches, mais bien des maladies qui touchent les plus pauvres parmi nous, qui vivent dans des zones très reculées, dont les conditions d’hygiène encouragent la recrudescence de la plupart de ces maladies. Ce sont aussi des maladies très handicapantes. Elles créent la cécité, des handicaps très graves. Pour Helen Keller, cette journée représente un moment de rappel, de plaidoyer à l’ensemble de la communauté sanitaire et la communauté des décisionnaires au Cameroun pour redoubler d’efforts dans la lutte contre les maladies tropicales négligées.

Quel bilan faites-vous de la contribution de Helen Keller dans la lutte contre les MTN au Cameroun à ce jour ?

Notre contribution est multiforme. Helen Keller est implanté au Cameroun depuis 30 ans. Nous avons fait de l’accompagnement du gouvernement du Cameroun, notre leitmotiv. Bon an mal an, nous investissons entre 1 et 3 milliards de Fcfa pour accompagner le gouvernement dans la lutte contre ces maladies. Notre bilan globalement est positif. Grâce à notre appui et aux efforts du gouvernement, nous nous acheminons tranquillement mais sûrement vers l’éradication à l’horizon 2030 de la plupart des maladies tropicales négligées au Cameroun.

Après 30 années d’investissement, que peut encore attendre le Cameroun d’Helen Keller Intl ?

Helen Keller continuera d’appuyer le Cameroun tant et aussi longtemps que le gouvernement sollicitera notre appui ; tant que le gouvernement restera commis à accompagner la lutte contre les maladies tropicales négligées à l’horizon 2030 pour l’élimination. Donc, en termes de perspectives, nous souhaitons qu’en 2030, nous soyons en train de célébrer la fin de ce travail de lutte contre les maladies tropicales négligées.

Réalisée par

Nadège Christelle BOWA

FOCUS

Cartographie des MTN présentent au Cameroun

Trachome

  • Apparence d’œil normal et sain
  • Inflammation répétée des paupières entrainant la cécité
  • 21/189 districts de santé endémiques (Nord, Extrême-nord)

Onchocercose

  • Maladie parasitaire affectant la peau et les yeux dont la complication la plus grave est la cécité
  • 113/189districts de santé sont fortement endémiques et traités chaque année

Filariose lymphatique

  • Maladie causée par une filaire à l’origine des complications handicapantes (éléphantiasis, hydrocèle)
  • 137/189 districts de santé sont endémiques au Cameroun

Géohelminthiases

  • Vers intestinaux transmis via le sol à l’origine d’un retard de croissance et retard scolaire chez les enfants
  • 189/189 districts sont endémiques à des niveaux très variables

Schistosomiase (Bilharziose)

  • Maladie causée par des vers présents dans les eaux douces pouvant entrainer une croissance lente
  • 80/189 districts de santé sont endémiques 

Lèpre

  • Maladie bactérienne affectant la peau, les nerfs et les membres à l’origine de handicap important en absence de traitement précoce
  • 15 /189 districts restent hyper endémiques

Ulcère de Buruli

  • Maladie bactérienne affectant peau et tissus sous la peau
  • Au Cameroun, elle sévit dans la Vallée du Nyong (Centre, Sud, Est) et dans la cuvette de Bankim (Adamaoua)
  • 150 à 200 cas de cette maladie sont notifiés chaque année dont plus d’un tiers avec des complications graves

Pian

  • Maladie bactérienne affectant peau, os et cartilage 
  • Au Cameroun, la plupart des districts ruraux hébergeant des populations difficiles d’accès sont à risque
  • 1000 à 2000 cas sont notifiés chaque année

Leishmaniose

  • Maladie parasitaire transmise par une mouche affectant la peau et les viscères
  • La maladie (cutanée) est actuellement endémique dans une dizaine de DS la région de l’Extrême-Nord

Trypanosomiase

  • La Trypanosomiase Humaine et Africaine ou maladie du sommeil est une maladie parasitaire transmise par une mouche
  • Au Cameroun le seuil d’Elimination de moins de 1/10.000 habitants/an a été atteint au niveau national
  • On note la persistance de 5 foyers actifs dans les DS Kribi (Campo) de Lolodorf ( Bipindi, Ngovayang)  de Lomie (Est)  et Yokadouma (Est)

Ver de guinée

  • Maladie invalidante parasitaire causée par un ver que l’on ingère en buvant de l’eau contaminée
  • Certification de son élimination au Cameroun depuis 2007
  • Mais résurgence récente dans les DS frontaliers du Tchad, très endémique.

Envenimation par serpent

  • Au cours des 2 dernières années près de 6500 et 7500 cas de morsures de serpents ont été notifiés avec 145 et 115 décès respectivement en 2018 et 2019
  • Les régions à plus forte létalité sont : Nord, Extrême-Nord, Centre et Est.

Rage

Zoonose prise en Charge dans le Cadre du ONE HEALTH en collaboration avec le Secteur de médecine animale

Source : MINSANTE

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