Production diamantifère au Cameroun : Les populations riveraines des sites d’extraction veulent leur part
La non-conformité des exploitants artisanaux ; la présence de nombreux artisans refugiés et migrants centrafricains en activité au Cameroun, le faible déploiement des points focaux du PK sur le terrain sont autant de défis qui entravent une meilleure production du diamant dans la région de l’Est et plus de bénéfices pour les communautés. Les solutions du Relufa.
Près de 30 000 à 50 000 personnes sont impliquées dans la production artisanale de diamants et l’or dans la Région de l’Est du Cameroun. Mais, autant son exploitation peut permettre l’amélioration des conditions de vie des populations, autant elle peut présenter de nombreux défis sociaux, environnementaux et alimenter les conflits tels que ce fut le cas en Angola, au Libéria et en Sierra Léone dans les années 1990 et actuellement en République Centrafricaine (RCA). Cette situation est à l’origine des qualificatifs « diamants de sang » ou « diamants de conflit ». Après qu’il ait été établi que des groupes rebelles utilisaient des diamants pour obtenir les fonds pour financer des guerres civiles visant à renverser les Gouvernements légitimes, la production et le commerce des diamants, a fait l’objet d’une surveillance internationale étroite dans le monde.
Etabli pour s’assurer que les diamants ne contribuent pas au financement des conflits locaux, le Système de Certification du Processus de Kimberley (KPCS), exige la mise en place d’un système de traçabilité des diamants de la mine au point d’exportation. Au Cameroun, les mineurs artisanaux, pour la plupart, sont des membres de la communauté et sont responsables de la majeure partie de la production de diamants. Cependant, ces activités sont menées dans des conditions de travail difficiles, avec la participation d’enfants, une mauvaise hygiène, santé et sécurité, ainsi que les risques environnementaux. Pourtant, « le commerce du diamant génère les revenus et peut contribuer au développement local si les diamants passent dans les circuits officiels et si les revenus générés sont bien gérés. Le Processus de Kimberley est donc un mécanisme qui, outre la prévention des conflits, peut contribuer au développement si la société civile locale et les membres de la communauté s’y engagent », affirme Jaff Bamenjo, Coordonnateur du Réseau de Lutte contre la Faim.
Droit à compensation
Le Relufa, membre de la Coalition de la Société Civile du Processus de Kimberley qui fait le suivi au Cameroun et à l’international a organisé à Bertoua le 25 mai 2022, un atelier d’imprégnation et renforcement des capacités de la société civile et communautés locales pour l’engagement dans le Processus de Kimberley au Cameroun. « L’objectif principal de l’atelier est de sensibiliser société civile locale et les membres des communautés locales pour plus d’engagement au Processus de Kimberley. Cet objectif principal s’accompagne d’un objectif secondaire qui est d’étendre les bases d’un mécanisme de suivi du SCPK au Cameroun », explique Jaff Bamenjo. D’après le Rapport ITIE du Cameroun, en 2019, l’exploitation du diamant a généré les recettes 148,48 millions de Fcfa. Soit une production de 1736,52 carats. L’exportation au cours de la même année a généré 42,96 millions de Fcfa. En 2020, le total des recettes généré par ce minerai étaient de 7 328 895 Fcfa. « La part de la taxe Ad valorem dans l’exploitation du diamant au Cameroun est de 8% de la production mensuelle. Duquel, 25% selon l’article 239 du Code Général des Impôts est destiné aux populations affectées par l’activité comme droit à compensation. Soit précisément : 10% pour les populations riveraines et 15% pour la commune du lieu de la mine », renseigne Guy Lebrun Ambomo, responsable Programme au Relufa au cours de sa présentation sur le « Flux de bénéfices pour les communautés de l’extraction de diamant ».
Il y relève par ailleurs de nombreux défis qui entachent une meilleure production et plus de bénéfices pour les communautés. Il s’agit notamment de : la non-conformité des exploitants artisanaux ; le nombre d’artisans refugiés et migrants centrafricains en activité au Cameroun, le faible déploiement des points focaux du PK sur le terrain (13 points focaux pour le département de la Boumba et Ngoko et de la Kadey cumulent une superficie totale de 46273 km². Le département de la Boumba et Ngoko, le plus vaste du Cameroun (30 389 km²) et le principal foyer de l’extraction du diamant du pays n’ayant que 03 agents du PK basés à Yokadouma, environ 2 descentes par trimestre et certains sites sont abandonnés ; insuffisance des moyens humains et logistiques pour le suivi de l’activité sur le terrain ; non-respect de l’exigence d’enregistrement de la production et des ventes par les acteurs avec pour conséquence la possibilité pour ces diamants de prendre toutes les destinations. Cette liste à laquelle s’ajoute les problèmes sécuritaires au niveau des frontières Cameroun-RCA n’est pas exhaustive.
Il suggère entre autres recommandations aux pouvoirs publics de : mener des activités visant à faciliter et à encourager l’enregistrement des différents acteurs (artisans et collecteurs) et l’obtention des autorisations ; outiller les artisans miniers sur les plans techniques et matériel ; renforcer les moyens humains, matériels et financiers pour un meilleur suivi de l’exploitation du diamant dans les sites ; renforcer ou améliorer les contrôles à la frontière Cameroun-RCA. Toutefois la société civile a également sa partition à jouer dans cette dynamique. « L’un de ses rôle clé est la réduction de la violence et protection des droits des populations locales, redistribution des bénéfices de l’extraction de diamants aux communautés », soutient Jaff Bamenjo. Pour ce qui est des communautés elles-mêmes, « elles doivent s’engager pour que leurs intérêts soient protégés », leur recommande-t-il.
Nadège Christelle BOWA