Les praticiens africains face à la résistance aux antibiotiques
Contraintes
Une étude réalisée par Epicentre au Niger et en Ouganda met en exergue les principales contraintes qui exacerbent la résistance aux antimicrobiens en Afrique subsaharienne. Les enfants de moins de 5 ans sont les plus exposés.
Prescription des antibiotiques: Crédit Photo Mack Alix Mushiti
Taux de prescription et de distribution inappropriées d’antimicrobiens ; infrastructure de diagnostic inadéquate ; accès inapproprié à des soins de santé efficaces et absence ou application sous-optimale des réglementations concernant, par exemple, la disponibilité des médicaments et/ou les pratiques de prescription ; disponibilité généralisée d’antibiotiques de qualité inférieure ou falsifiés. Ce sont là autant de facteurs qui peuvent affecter la prévalence de la Résistance aux antimicrobiens (RAM) selon une étude réalisée par Epicentre, branche de Médecins Sans Frontière (MSF), sur les pratiques et les défis de l’usage des antibiotiques au Niger et en Ouganda. Cette étude donne un aperçu de l’utilisation des antibiotiques. Elle fournit des informations sur le comportement de prescription d’antibiotiques des prestataires de soins de santé dans ces deux pays au système de santé différent.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, la résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement. Elle peut toucher toute personne, à n’importe quel âge et dans n’importe quel pays. Si les experts de l’OMS estiment qu’il s’agit d’un phénomène naturel, ils précisent que le mauvais usage de ces médicaments chez l’homme et l’animal accélère le processus. Toujours selon l’OMS, la résistance aux antibiotiques entraîne une prolongation des hospitalisations, une augmentation des dépenses médicales et une hausse de la mortalité. En 2019, on estime que 1,27 million de décès étaient attribuables à la RAM. L’Afrique subsaharienne occidentale a été estimée comme la région la plus touchée, avec 27,3 décès pour 100 000 personnes attribuables à la RAM et 114,8 décès pour 100 000 personnes associés à la RAM.
Menace silencieuse sur les enfants
La menace est encore plus grande chez les enfants notamment dans les pays à faible ressources où la mortalité est très importante. Exacerbée par le manque de nouveaux antibiotiques dans le pipeline pour les infections prioritaires. Dans les sites de l’observation, l’étude constate que les personnels de santé prescrivent comme ils peuvent, avec ce qu’ils ont à l’hôpital. En raison des ruptures fréquentes de stock, ils sont obligés de faire avec ce qui est disponible dans la pharmacie où selon la législation les antibiotiques sont gratuits pour la catégorie de patients âgés de zéro à cinq ans. Sauf que, quand les médicaments ne sont pas disponibles à l’hôpital, les patients doivent aller les chercher en ville.
Egalement, ils prescrivent des traitements empiriques sans analyse laboratoire parce celles-ci ne sont pas disponibles dans les hôpitaux ou sont trop chères. Ils prescrivent parfois en fonction des moyens des patients et aussi en fonction de la disponibilité du personnel infirmier en charge de l’administration des médicaments aux patients. Responsable de cette étude, Céline Langendorf observe que « les prescripteurs se rendent bien comptent qu’ils n’ont pas toutes les cartes en main pour travailler correctement ». Outre ces contraintes liées aux choix des antibiotiques (problèmes d’accès, de confirmation par un laboratoire, problème économique des familles parce que les antibiotiques ne sont pas disponibles à l’hôpital alors qu’ils devraient être gratuits), cette étude met également en exergue le besoin de formation du corps médical sur la prescription des antibiotiques, sur l’antibiorésistance. Elle pose la problématique de la sensibilisation de la population.
Nadège Christelle BOWA