Ressources naturelles au Cameroun
Le calvaire des populations riveraines des sites d’exploitation
Alors qu’elles devraient jouir des retombées des exploitations naturelles dans leurs environnements, les communautés riveraines des sites d’exploitations des mines (or, diamant) ; des carrières de pierres et des barrages hydroélectriques souffrent le martyr. Selon le rapport 2022-2023 d’Earth Cameroun sur l’état des lieux de la situation du respect des droits des populations riveraines des projets d’exploitation des ressources naturelles au Cameroun.
Il ne fait pas bon d’être riverain d’un projet d’exploitation des ressources naturelles au Cameroun comme le démontre ce rapport d’Earth Cameroun sur l’état des lieux de la situation du respect des droits des populations riveraines des projets d’exploitation des ressources naturelles au Cameroun. Un rapport rédigé sur la base des enquêtes réalisées auprès des populations riveraines des carrières dans la région du Centre ; des sites d’exploitation minières à l’Est du Cameroun ; des barrages hydroélectriques dans la région de l’Ouest en l’occurrence celui de Bamendjing et des données secondaires issues des rapports d’autres ONG. « Au Cameroun, l’exploitation minière fait partie des secteurs que l’Etat a choisis comme pilier de son émergence à l’horizon 2035. Donc on ne peut pas parler d’exploitation des ressources en mettant en périphérie l’exploitation minière. L’exploitation des carrières est assez récente et cause de graves conséquences dans la vie des communautés riveraines. C’est la raison pour laquelle, on a souhaité nous rapprocher des populations de ces zones pour pouvoir cerner les véritables problèmes auxquels elles sont confrontées », explique Dr Jeannette Leumako, présidente d’Earth Cameroon.
En réalité, l’exploitation des carrières fait partie des projets nouveaux qui entrainent de conséquences nouvelles qu’on ne rencontrait pas dans l’exploitation minière. « Or cela intègre le Code minier comme si c’était des projets miniers comme les autres alors qu’ils entrainent de graves conséquences avec l’utilisation des tirs de mines et les conséquences sur les investissements des populations ; la santé en termes de poussière, de projections des pierres…c’est quelques choses qu’il faut mettre en lumière ». Selon Alain Djawa Walidjo, principal investigateur et rédacteur dudit rapport, plusieurs violations se dégagent de l’enquête auprès des populations victimes en fonction du type d’exploitation réalisé dans la localité. Par exemple relève-t-il : « L’une des infractions notables que nous avons observées lors de notre visite des sites de carrières concerne le non-respect du périmètre de sécurité ». En effet, selon l’article 93 de la Loi n°2023/14 du 19 décembre 2023 portant Code minier, un périmètre de sécurité de 500 mètres doit être respecté autour du site d’exploitation.
Soupçon de détournement
Cette disposition indique que : « les travaux de prospection, de recherche ou d’exploitation ne peuvent être entrepris à moins de 500m des limites : d’une exploitation minière ou de carrière ; des propriétés bâties, des villages, des groupes d’habitations, des puits, des édifices religieux, des lieux culturels ou cultuels ; des voies et réseaux divers, notamment les voies de communication, les conduites d’eau et d’énergie et les ouvrages d’art ; de toute aire protégée au sens des lois forestière et environnementale et sous convention internationale ». Ces dispositions selon le rapport ne sont pas respectées dans les carrières industrielles du Cameroun. Qu’il s’agisse de Fébé-village où se situe la carrière industrielle Jinli ; de Nyom II et Akak II qui abritent respectivement les carrières industrielles Gaoda et Vaste ; de Kolondong avec la carrière industrielle Gracam ou encore de Nkometou et Eloumdem II où se trouvent les carrières Rasel-Bec et Arab-Contractor, les sites sont situés à moins de 500m de lieux permanemment utilisés par le public. Les carrières sont situées à proximité immédiate des habitations, ainsi que des édifices publics sensibles tels que les écoles, les hôpitaux et les lieux de culte.
« Si les gens sont toujours là, cela signifie qu’aucune action n’a été entreprise. Et je peux le confirmer, rien n’a été fait. Les relocalisations et les indemnisations ne sont que des promesses sur papier, des paroles en l’air, mais sur le terrain rien n’est fait », dénonce le chef d’un village proche d’une carrière dans ces périphéries de Yaoundé. D’après ce dernier, un recensement a été réalisé avant l’installation de la carrière. Tous les propriétaires de maisons ont été recensés et chacun a indiqué la valeur de son investissement. Mais personne n’a jamais reçu d’indemnisation. Lorsque le périmètre de sécurité n’est pas respecté, les vibrations, les nuisances sonores, les jets de pierres et la pollution de l’air et de l’eau entravent les attributs essentiels des droits de propriété environnants, à savoir l’usus, le fructus et l’abusus. Les titulaires de propriétés foncières riveraines ne peuvent plus user, jouir et disposer de leur propriété comme ils le souhaitent en raison des perturbations suscitées.
Impacts
« Je peux dire que cela nous affecte. En tant qu’autorité et autochtone, il y a des gens qui souhaitent acheter le terrain, mais la carrière pose problème. Les tirs, surtout pour les hypertendus, sont un autre souci majeur. Si vous êtes sur place lorsqu’il y a un tir et que vous envisagez d’acheter un terrain, vous me diriez probablement que vous préférez attendre. Cet impact ne contribue pas à améliorer les conditions de vie des populations », confie un riverain de la carrière Vaste d’Akak II. « Dans le cas de Bamendjing avec le barrage de rétention d’eau, on réalise que la survie des populations est réellement menacée. En raison de la raison de l’eau, il y a des inondations, les plantations des populations sont inondées les empêchant de pratiquer l’agriculture ; ceux qui vivaient de la pêche ne le peuvent plus. Des villages entiers ont été déportés sans que rien ne soit fait. Des gens se débrouillent pour pouvoir trouver une solution parce que leur habitation sont inondées. Il y a des véritables problèmes sociaux qui se posent avec l’exploitation des ressources naturelles au Cameroun », résume Dr Jeannette Leumako.
Le rapport interpelle les pouvoirs publics notamment le ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt) pour l’élaboration d’un texte réglementaire définissant les « règles de l’art minier » applicables aux sites d’exploitation minière et précisant les normes pour encadrer les tirs d’explosifs dans les carrières du Cameroun ; le ministère de l’Eau et de l’Energie en ce qui concerne l’organisation des audiences publiques avec les populations riveraines des barrages hydroélectriques afin de garantir l’intégration harmonieuse du barrage dans son contexte socio-économique et environnemental. Et même le ministère de l’Environnement, de la protection de la Nature et du développement durable en collaboration avec les autres départements pour veiller à l’application des normes, lois et règlements qui ont déjà été élaborés pour que les populations ne soient plus victimes de l’exploitation des mines et carrières au Cameroun.
Nadège Christelle BOWA