ATELIER
C’est un record ! En 10 années de lutte contre le paludisme, la sous-région du Grand Mékong est parvenue à réduire de façon considérable le fardeau de la maladie sur son territoire en réalité constitué de cinq pays d’Asie du Sud-Est. Soit de 77% le nombre de cas de paludisme et de 97%, le nombre de décès causés par cette affection. Comment y sont-ils parvenus et que peut apprendre l’Afrique principalement le Cameroun de cette expérience ? La question préoccupe les participants de l’atelier de capitalisation de l’expérience de l’Asie sur l’élimination du paludisme rendu possible par L’Initiative et Expertise France à travers la mise en œuvre du Projet Equité Accès Palu, piloté des mains de maitre par l’ONG Impact Santé Afrique (ISA). Les travaux ouverts ce mardi 2 juillet 2024 à Yaoundé par le Secrétaire général du ministère de la Santé publique, Pr. Louis Richard Njock, vise à présenter les facteurs clés qui ont contribué aux progrès rapides vers l’élimination du paludisme dans la sous-région du Grand Mékong ; Discuter de la manière dont ces facteurs et expériences peuvent être appliqués au Cameroun ; Et déterminer la meilleure façon d’intégrer ces leçons apprises dans la lutte contre le paludisme.
En effet, une étude commandée par Impact Santé Afrique avec le soutien financier d’Expertise France (EF) et l’assistance technique de Healh Management Support Team (Hmst) met en exergue les leçons apprises de l’expérience du Grand Mékong dans un rapport élaboré par une consultante ayant une expérience de la région. Lorina McAdam a examiné les documents disponibles y compris les données qui ont renseigné la demande de financement du cycle 7 de la subvention du Fonds Mondial, ainsi que les rapports et autres informations disponibles auprès des partenaires de la sous-région du Grand Mékong. Elle s’est entretenue avec 20 formateurs clés dont les représentants du Comité de pilotage régional (l’équivalent d’une instance de coordination nationale, représentant cinq pays), un représentant du programme national de lutte contre le paludisme, l’Oms, le récipiendaire principal, les acteurs de la société civile, etc.
Leçons pertinentes
« Bien que les contextes du Grand-Mékong et du Cameroun puissent être différents, il existe suffisamment de similitudes pour qu’on puisse en tirer des leçons pertinentes. Cet atelier revêt donc toute son importance », a relevé le Secrétaire Général du Minsanté en invitant les participants à mettre à profit ces trois jours de travail pour parvenir à un plan d’actions consensuel. Ces derniers sont issus des différents sectoriels, partenaires techniques et financiers, organisations de la société civile, de l’instance de coordination nationale, des députés. Leur présence a-t-il souligné, « …témoigne non seulement de l’importance de la question qui nous rassemble, mais aussi, de l’engagement de tous les acteurs dans la recherche de solutions les plus innovantes pour relever les défis auxquels nous faisons face en matière de lutte contre le paludisme ».
En Afrique, Le paludisme demeure un réel problème de santé publique. Le rapport mondial de l’OMS sur le paludisme en 2023, indique qu’environ 95 % de la morbidité et de la mortalité dues au paludisme persistent sur le continent. Le Cameroun compte parmi les 11 pays du monde qui subisse le plus lourd fardeau de cette maladie malgré toutes les mesures prises par le Gouvernement appuyé par de nombreux partenaires pour l’endiguer. Près de 3 millions de cas de paludisme ont été rapportés au cours de l’année 2023. Les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans demeurent les couches de la population les plus touchées par cette maladie. Ce dernier groupe représente près de 70% des décès enregistrés au niveau des formations sanitaires. Les causes d’une telle situation préoccupante sont liées à plusieurs facteurs entre autres, le faible niveau des connaissances et pratiques des mesures de prévention, le faible accès au diagnostic et traitement du paludisme, les difficultés d’accès aux intrants pour la prévention. Le paludisme est une maladie qui peut être éliminée. Plusieurs pays ont déjà réussi cet exploit parmi lesquels, les Etats de la Sous-région du Grand Mekong en Asie.
Nadège Christelle BOWA
Réactions
Dr Joël Ateba, Secrétaire permanent du Pnlp
L’implication des autres secteurs et ministères est plutôt timide
Tout ce que nous faisons au quotidien c’est pour aboutir à l’élimination du paludisme. Il est de bon ton que nous apprenons de ceux qui sont sur cette voie. Et voir quels sont les mécanismes intimes qu’ils ont pu mettre en œuvre pour y arriver. Nous avons les mêmes stratégies qu’eux, nous voulons savoir comment ils ont décliné cela sur le terrain pour arriver à un résultat aussi appréciable en 10 ans. C’est vraiment un atelier d’apprentissage et de collecte d’informations où nous cherchons ce que nous pouvons intégrer dans notre façon de faire pour nous aussi arriver assez rapidement à ce résultat. La stratégie du Cameroun en matière de lutte contre le paludisme assez vaste est déclinée dans le nouveau Plan Stratégique que nous mettons en œuvre. […] L’une des plus promues est la mise en œuvre des interventions sous directives communautaires par les agents de santé communautaire qui sont dans les fin fonds des villages et qui y apportent des soins préventifs et curatifs contre le paludisme. La première difficulté vous vous en doutez est le financement des interventions. Le dernier plan stratégique a été financé à 50%. Le chef de département travaille dessus avec l’appui des parlementaires pour que les financements soient accrus. Et que nous puissions de façon optimale mettre en œuvre nos activités. Il y a également l’implication qui est plutôt timide des autres secteurs et ministères dont l’action peut impacter la lutte comme la société civile, les leaders communautaires qui devraient davantage s’impliquer pour que nous avancions vers l’élimination.
Lorina McAdam, Consultante international HMST
Il faut avoir une approche qui implique tous les pays voisins
Les régions sont différentes mais il y a beaucoup de similarités aussi. Les défis sont vraiment pareils. Mais il y a beaucoup de leçons que nous pouvons partager. Surtout l’implication de la communauté, de la société civile qui est transversale. L’engagement du secteur privé est primordial dans la lutte contre le paludisme. Avec la coordination, le leadership que j’observe au Cameroun, je vois beaucoup de potentiel, de grande leçon du Grand Mékong et s’adapter à la situation du Cameroun pour accélérer la lutte contre le paludisme. Ils ont une bonne base, ils ont un bon système de traitement du paludisme, ils ont bien géré la prévention, le contrôle des vecteurs. Ils ont aussi un bon système de collecte des données. Ils ont vraiment utilisé beaucoup d’évidence pour informer la stratégie. Tout ceci est en place au Cameroun. Mais le système est un peu différent quand il y a beaucoup de paludisme. Et quand on voit que le paludisme diminue un peu, il faut changer de stratégie. C’est ce dynamisme, cette adaptabilité qu’il faut apprendre à faire. Ce n’est pas facile et même au Mékong, cela a pris des années de changer les comportements, les habitudes. Alors le plus tôt qu’on peut partager les leçons, le plus vite, le Cameroun peut être prêt pour l’élimination. Les moustiques ne connaissent pas les frontières. De ce que j’ai vu au Grand Mékong, il faut avoir une approche qui implique tous les pays voisins pour partager une stratégie, une vision, les données, l’information, pour s’assurer que lorsque les personnes traversent les frontières, elles sont aussi protégées. Cela va demander beaucoup de volonté politique pour arriver à une telle coopération entre pays. Même au Mékong, ce n’était pas facile au début mais avec cette vision partagée maintenant ils sont en coopération.
Rassemblées par NCB