Aires protégées transfrontaliers : L’accord binational Rio Campo- Campo Ma’an ressuscité
Après plus de 10 ans de silence, le processus relatif à la création du complexe transfrontalier binational Rio-Campo Ma’an pour la gestion des Aires protégées de Campo Ma’an et de la Réserve naturel Rio-Campo en Guinée Equatoriale, vient d’être relancé au cours d’un atelier organisé à Kribi. Cet évènement survient alors que se prépare la Conférence des parties sur la Biodiversité (COP16) à Cali en Colombie.
Le 3 octobre dernier, la ville de Kribi au Cameroun a accueilli les travaux de la 3e réunion transfrontalière entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale relatif à l’accord binational Rio Campo et Campo Ma’an en vue de la création d’un complexe transfrontalier dans cette zone. L’un des souhaits des chefs d’Etats exprimé en mars 1999 à Yaoundé lors du tout premier sommet sur la conservation des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale. Ces derniers s’étaient alors engagés pour la gestion concertée de ces écosystèmes forestiers. Selon George Neba Akwah, Senior Programme Management Officer au UN Environment Program, l’objectif de cet atelier est de relancer et de faciliter l’achèvement de l’accord sur les opérations transfrontalières qui a été lancé il y a environ 14 ans dans 22 pays. « Vous savez que les animaux n’ont pas besoin de passeport pour aller d’un pays à un autre. Ce qui oblige les Etats à collaborer pour la protection de cette biodiversité », caricature Nchoutpouen Chouaibou, Secrétaire exécutif adjoint et Coordonnateur technique de la Commission des Forêts d’Afrique centrale (Comifac), selon qui le futur accord entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale rentre dans le cadre de la mise en œuvre de l’axe 3 du Plan de Convergence sur la biodiversité notamment les objectifs portant sur la création des Aires protégées transfrontalières.
Une initiative qui une fois finalisée, rejoindra d’autres qui ont déjà été mise en place dans la sous-région notamment : Le tri-national de la Sangha (TNS) – Cameroun, RCA, Congo ; Le Tri-national Dja-Odzala-Minkebe (TRIDOM) – Cameroun, Gabon, Congo ; Le binational Mayumba Conkouati (PTMC)- Congo, Gabon ; Le binational Lac Télé – Lac Tumba (LTLT) – Congo, RDC ; Le binational Sena Oura- Bouba Ndjida – Cameroun, Tchad. La Mayombe entre l’Angola, la République du Congo, la République Démocratique du Congo, que le Gabon venait aussi de rejoindre. Au moment où la nécessité de cette coopération refait surface, onze années se sont écoulées et certains aspects doivent déjà être mis à jour, compte tenu de l’évolution du contexte. Il s’agissait pour les participants au rang desquels des représentants des pays, des partenaires techniques et financiers (WWF, UICN, AWF), du projet régional GEF 7 IP (UNEP), les gestionnaires des deux aires protégées concernées, les coordinateurs nationaux de la COMIFAC, de reprendre le processus tout en actualisant les informations à travers une analyse des nouvelles orientations pour l’accord en tenant compte de l’évolution contextuelle ; la relecture des termes de l’accord par les deux parties mais aussi élaborer une feuille de route conjointe qui renseigne sur l’intervention et la manière dont sera finaliser cet accord.
Fin de la léthargie…
C’est en octobre 2010 que ce processus a démarré avec l’organisation à Bata en Guinée Equatoriale de la toute première réunion visant la création du complexe transfrontalier binational Rio-Campo Ma’an pour la gestion des Aires protégées de Campo Ma’an et de la Réserve naturel Rio-Campo en Guinée Equatoriale. Puis deux ans plus tard, la cité balnéaire de Kribi au Cameroun a abrité la deuxième session du comité en juin 2013 avec le soutien financier et technique des administrations camerounaise et équato-guinéenne en charge des aires protégées (MINFOF et INDEFOR-AP), du RAPAC, de la GTZ et du WWF. Au terme duquel le Comité Ad Hoc qui avait reçu mandat de préparer le projet de protocole d’accord de Coopération pour la gestion dudit complexe transfrontalier binational avait rendu sa copie. Ce qui a permis au Gouvernement de la Guinée Equatoriale d’autoriser son Ministère en Charge, de signer l’accord, tandis que du côté du Cameroun, le document introduit à la Présidence de la République pour solliciter l’autorisation pour signature par le MINFOF était toujours attendu.
Il est également attendu que ce complexe puisse contribuer à la lutte contre les effets du changement climatique et aussi sur le plan de la biodiversité, la création de ce parc va permettre de sécuriser un corridor pour les espèces animales qu’on retrouve dans cette zone, Nchoutpouen Chouaibou, Secrétaire exécutif adjoint et Coordonnateur technique-COMIFAC
Une décennie s’est alors écoulée jusqu’à la tenue de cette troisième réunion sur le sol camerounais. Face aux défis qui entachent la bonne gestion de la biodiversité, les attentes relatives à la matérialisation de cet accord sont nombreuses. « Nous attendons de la mise en œuvre de cet accord qu’il renforce la conservation de la biodiversité, la lutte contre le Braconnage et contre l’exploitation illicite des forêts. Cela va également renforcer la lutte contre la pêche illicite non déclarée et non réglementée. Ça va aussi permettre aux deux Etats de faire la promotion de l’écotourisme ; de mobiliser suffisamment de financement pour la gestion de ces Aires protégées ; de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations qui vivent dans et autour de ce complexe binational Rio-Campo Ma’an », renseigne Nchoutpouen Chouaibou. Les avantages de cet accord prennent également en compte l’aspect diplomatique et politique, car, il va favoriser le renforcement de la coopération entre la Guinée Equatoriale et le Cameroun ; et permettre l’harmonisation des politiques de conservation et de gestion durable de la biodiversité dans ce complexe entre les deux pays.
Gouvernance et protection de la biodiversité
« Il est également attendu que ce complexe puisse contribuer à la lutte contre les effets du changement climatique et aussi sur le plan de la biodiversité, la création de ce parc va permettre de sécuriser un corridor pour les espèces animales qu’on retrouve dans cette zone », confie encore Nchoutpouen Chouaibou pour qui cet accord apparaît comme une opportunité pour relever le double défi de la conservation et de développement durable dans cet espace où, agroindustries et projets structurants s’installent pour dit-on, améliorer les conditions de vie des populations. Au sujet de ces derniers, Claude Memvi Abessolo, Conservateur de Campo Ma’an affirme que « cette relance vient à point nommé parce que le Cameroun vient de promulguer sa nouvelle loi forestière qui a voulu tenir compte des populations riveraines. Il y a beaucoup d’innovations. Bien que dans le domaine de la gestion des Aires protégées et de la faune, il y ait beaucoup plus de rigueur en termes de sanction, il y a aussi des ouvertures en termes d’implication des populations riveraines dans la conservation, dans la gestion de la faune car désormais, on parle des Aires protégées à gestion communautaire qui peuvent être créées. C’est vraiment une innovation », vante-t-il.
« L’AWF [African Wildlife Foundation, Ndlr] accompagnera les ministères des forêts et de la faune dans la mise en œuvre des mesures découlant de cet accord en termes de lutte contre la collecte illégale de produits de la faune, d’amélioration des moyens de subsistance des communautés, de développement de l’écotourisme et de la recherche dans ce domaine », Lesly Akenji, Senior Landscape Manager.
Et de soutenir : « En ce qui nous concerne, nous avons toujours œuvré pour l’implication des populations riveraines dans la conservation de la biodiversité au niveau de la gestion du parc de Campo Ma’an. Nous allons continuer dans le même sens. Vous pouvez constater que la plupart des activités qui sont menées qu’il y a vraiment la participation des communautés. L’ouverture des limites c’est avec les communautés, certaines missions de suivi écologique, c’est avec les communautés et les programmes d’habituation des gorilles est pratiquement effectué par les communautés dont les peuples autochtones et bantou riverains ». Il reste cependant un défi : « Nous sommes dans les négociations pour que les retombées des visites des gorilles et d’autres retombées de l’écotourisme soient redistribués au niveau des populations riveraines. Ça reste dans la continuité pour que les populations se sentent vraiment impliquées dans la conservation de la biodiversité », avoue le Conservateur.
L’un des partenaires de mise en œuvre des ministères des forêts et de la faune se veut confiant quant à la suite du processus. « L’AWF [African Wildlife Foundation, Ndlr] accompagnera les ministères des forêts et de la faune dans la mise en œuvre des mesures découlant de cet accord en termes de lutte contre la collecte illégale de produits de la faune, d’amélioration des moyens de subsistance des communautés, de développement de l’écotourisme et de la recherche dans ce domaine », promet Lesly Akenji, Senior Landscape Manager. L’AWF a un rôle pratique qui consiste à garantir la mise en œuvre de ces accords transfrontaliers conformément aux normes internationales. La 3e réunion de Kribi dite de relance, survient alors que se prépare activement la 16ème Convention des Nations unies sur la diversité biologique (COP 16) accueillie par le gouvernement colombien à Cali, du 21 octobre au 1er novembre prochain, au cours de laquelle, les dirigeants du monde entier se réunissent pour parvenir à des consensus quant à la gouvernance et la protection de la biodiversité.
Nadège Christelle BOWA