L’Afrique en mode dégradation continue de ses écosystèmes selon WWF
Planète Vivante 2024 : Rendu public ce jeudi 10 octobre 2024, le Rapport Planète Vivante 2024 du WWF révèle un « système en péril » alors que l'Afrique fait face à des points de bascule dangereux et irréversibles causés par la perte de biodiversité et le changement climatique. Sans interventions immédiates, le continent africain pourrait franchir des seuils critiques.
Comme le révèle le Rapport Planète Vivante 2024 du WWF, la biodiversité africaine est menacée. Rendu public à quelques jours de la Conférence des parties sur la Biodiversité COP16 qui s’ouvre le 21 octobre prochain à Cali en Colombie, et quelques semaines de la COP29 sur le climat, prévue pour le mois de novembre dans la ville de Baku en Azerbaïdjan, le rapport met en garde contre la dégradation continue des écosystèmes africains, qui pourrait faire franchir à la région des seuils critiques sans interventions immédiates. Le Rapport Planète vivante est une étude exhaustive des tendances mondiales en matière de biodiversité et de la santé de notre planète. Il présente l’indice Planète vivante, qui suit les populations d’espèces sur 50 ans afin de fournir des informations cruciales sur l’état de la nature. Outre d’autres indicateurs clés, le rapport met en évidence les actions urgentes nécessaires pour protéger la faune et les écosystèmes en Afrique et dans le monde.
Selon cette 15e édition qui montre une baisse significative de la taille moyenne des populations de la faune sauvage à travers le continent, l’Afrique a connu une diminution de 76 % de la taille des populations de vertébrés -représentant les mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles et poissons- surveillées entre 1970 et 2020, principalement due à la perte d’habitat, à la surexploitation, à la pollution et aux impacts du changement climatique. Cette tendance alarmante souligne l’urgence d’une action transformative pour protéger les écosystèmes naturels de l’Afrique et les moyens de subsistance qui en dépendent. Le déclin mondial s’élève à 73 %. « La biodiversité africaine appelle une action urgente. Les crises interdépendantes de la perte de biodiversité et du changement climatique poussent la faune et les écosystèmes africains à leurs limites, avec des points de bascule mondiaux menaçant de déstabiliser des écosystèmes entiers », commente Martin Kabaluapa, Directeur Régional pour le Bassin du Congo au WWF.
Sécurité alimentaire, eau et résilience climatique
Lorsque les écosystèmes dépassent ces points de bascule, leur capacité à soutenir à la fois la faune et les moyens de subsistance humains est compromise, avec de graves conséquences pour la sécurité alimentaire, la disponibilité en eau et la résilience climatique. Pour le WWF, les cinq prochaines années seront cruciales pour l’avenir de la biodiversité africaine, « mais nous avons le pouvoir et l’opportunité de changer cette trajectoire ». Une voie qui mène pour l’instant vers l’extinction de certaines des espèces les plus précieuses d’Afrique, comme les éléphants de forêt et les gorilles. Seulement, la conservation à elle seule ne suffit pas pour inverser la tendance. « …Il nous faut un changement systémique. Cependant, nous disposons des outils, des connaissances et de l’opportunité pour renverser ces tendances si nous agissons maintenant », soutient Alice Ruhweza, Directrice globale pour l’influence et l’engagement politiques au WWF.
Pour elle, « Il est crucial de renforcer les solutions basées sur la nature à travers l’Afrique pour faire face aux crises interconnectées de la perte de biodiversité et du changement climatique. La reforestation, la restauration des zones humides et les projets d’agroforesterie ne permettent pas seulement de préserver la biodiversité, mais améliorent également les moyens de subsistance en créant des emplois, en améliorant la sécurité alimentaire et en renforçant la résilience face au changement climatique ». En indiquant que les Gorilles des montagnes dans le Grand Virunga (Ouganda, Rwanda et République Démocratique du Congo), dont les populations avaient fortement chuté, ont vu leur nombre augmenter de 3 % entre 2010 et 2016 grâce à des efforts de conservation réussis, le rapport offre néanmoins un espoir. A ce propos, les sommets internationaux sur la biodiversité et le climat qui auront lieu cette année – la COP16 et la COP29 – représentent une opportunité pour les pays de se hisser à la hauteur du défi.
Stratégies et plans d’action nationaux
Aussi, WWF appelle les pays à produire et à mettre en œuvre des plans nationaux plus ambitieux pour la nature et le climat (NBSAPs et NDCs), comprenant des mesures pour réduire la surconsommation mondiale, stopper et inverser la perte de biodiversité locale et importée, et réduire les émissions – de manière équitable. Contrairement à certains pays, le Cameroun a-t-on récemment appris a déjà révisé sa Stratégie mais ne l’a pas encore soumis. WWF exhorte les gouvernements à débloquer davantage de financements publics et privés pour permettre des actions à grande échelle et à mieux aligner leurs politiques et actions en matière de climat, de nature et de développement durable.
Alors que les pays africains se sont déjà engagés à stopper et inverser la perte de biodiversité dans le cadre du Cadre Mondial de la Biodiversité (GBF) et à lutter contre le changement climatique grâce à l’Accord de Paris, le Rapport Planète Vivante avertit que les stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité (NBSAPs) sont insuffisants, avec des points de bascule critiques comme la dégradation des récifs coralliens, des écosystèmes de savane et des forêts tropicales qui continuent de menacer. En effet, 85 % des écosystèmes d’eau douce mondiaux sont parmi les plus gravement touchés, reflétant les pressions croissantes exercées sur les rivières, lacs et zones humides en raison de la construction de barrages, de la surpêche, de la pollution et de l’extraction d’eau. Tandis que 69 % des écosystèmes terrestres mondiaux montrent également des déclins significatifs, principalement en raison de la déforestation, du changement d’utilisation des terres et du surpâturage.
Nadège Christelle BOWA