Les programmes du FMI associés à une déforestation selon un nouveau rapport
Un nouveau document technique du groupe de travail sur le climat, le développement et le FMI étudie les implications environnementales de la boîte à outils de prêt du Fonds monétaire international (FMI) en documentant ses conseils sur la gestion des forêts et en examinant le lien entre les programmes du FMI et la déforestation. L'étude révèle que chaque prêt du FMI est, en moyenne, associé à une diminution de la superficie forestière de 258 km2, soit presque la taille des Maldives ou Douala au Cameroun (300 km2).
C’est prouvé ! La déforestation est un facteur clé de la perte de biodiversité et la troisième source d’émissions de dioxyde de carbone dans l’économie mondiale. Ces dernières années, les institutions financières internationales (IFI) ont augmenté le volume de leurs financements pour soutenir les défis politiques nationaux et mondiaux, mais on sait étonnamment peu de choses sur les impacts environnementaux de ces financements. Selon les conclusions du nouveau rapport technique du groupe de travail sur le climat, le développement et le FMI, chaque prêt de cette institution est, en moyenne, associé à une diminution de la superficie forestière de 258 km2, soit presque la taille des Maldives ou Douala au Cameroun (300 km2). En supposant que la durée moyenne d’un programme du FMI soit de trois ans. Le groupe de travail sur le climat, le développement et le FMI est un consortium d’experts du monde entier qui s’appuie sur des recherches empiriques rigoureuses pour promouvoir une approche du changement climatique axée sur le développement au sein du FMI. Il estime qu’il est impératif que la communauté mondiale soutienne la résilience climatique et les transitions vers une économie à faible émission de carbone d’une manière juste.
Selon les principales conclusions dudit rapport, le FMI cible rarement la gestion des forêts dans ses programmes. Sur les 35 915 conditions imposées aux pays à revenu faible ou intermédiaire au cours des quatre dernières décennies, seules 34 concernent explicitement la gestion des forêts. Entre 2000 et 2020, les programmes du FMI sont, en moyenne, associés à une augmentation du niveau de déforestation annuel de 9,2 %. Bien que les programmes du FMI ne soient pas explicitement conçus pour accroître la déforestation, ils sont associés à l’extraction par les pays emprunteurs de la valeur économique de la déforestation dans le cadre de l’assainissement de leurs finances publiques. En d’autres termes, les estimations suggèrent qu’une partie de la déforestation dans les marchés émergents et les économies en développement a eu lieu au cours des deux dernières décennies, alors qu’elle n’aurait peut-être pas eu lieu en l’absence d’un programme du FMI.
« Cette étude vient s’ajouter à la liste croissante des raisons pour lesquelles le FMI doit modifier son approche de l’assainissement budgétaire », commente Kevin P. Gallagher, directeur du Boston University Global Development Policy Center. Pour ce professeur de politique de développement mondial au Frederick S. Pardee School of Global Studies, Boston University, « La littérature montre que les programmes du FMI sont associés à une augmentation de la pauvreté, des inégalités, des mauvais résultats en matière de santé – et maintenant de la déforestation. Cela montre également à quel point le FMI est en retard sur la question cruciale de la nature et de la déforestation », observe-t-il, précisant que : « La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures va jusqu’à considérer la « nature comme une infrastructure » qui nécessite des investissements pour elle-même, alors que la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement ont une approche « ne pas nuire ». Le FMI doit aligner ses outils de prêt sur les objectifs communs en matière de développement, de biodiversité et de climat ».
En tant que principale institution multilatérale fondée sur des règles et chargée de promouvoir la stabilité du système financier et monétaire international, le FMI a un rôle essentiel à jouer pour soutenir une réponse coordonnée à l’échelle mondiale. « L’urgence d’inverser la tendance à la perte de la nature nécessitera une approche concertée à l’échelle mondiale pour enrayer la déforestation. La protection des forêts a des effets bénéfiques sur le climat, ce qui rend cette tâche d’autant plus urgente. Les résultats de cette étude montrent une forte association entre les programmes du FMI et la perte de couverture forestière, et le Fonds devrait s’efforcer de sauvegarder la nature. Les politiques du FMI devraient contribuer à protéger, et non à dilapider, la richesse naturelle des nations », affirme pour sa part Rishikesh Ram Bhandary, chercheur universitaire principal, Global Economic Governance Initiative, Boston University Global Development Policy Center. En conclusion, « Les IFI, qui réorganisent leurs opérations en fonction des objectifs climatiques et de développement, doivent modéliser explicitement l’impact environnemental dans la conception de leurs programmes afin de garantir l’alignement sur l’Accord de Paris », recommande cette étude.
Ludovick Franklin TCHAMBA