Afrique : Une étude remet en question les cadres de transparence et de responsabilité dans l’écosystème de financement
Une nouvelle évaluation de la position de l'Afrique sur les réformes de l'infrastructure financière mondiale révèle la lenteur des progrès réalisés pour répondre aux besoins du continent en matière de financement climatique, aux préoccupations liées à la dette et au manque de transparence.
Le African Future Policies Hub a publié un rapport soulignant les principaux défis et opportunités auxquels sont confrontées les nations africaines dans le système financier mondial et le paysage de la finance climatique. Le rapport, intitulé « Assessing Progress Towards Reforming the Global Financial Architecture : An African Perspective », en français « Évaluer les progrès accomplis dans la réforme de l’architecture financière mondiale : une perspective africaine », souligne le besoin urgent de réformes pour remédier aux déséquilibres du système des quotes-parts du FMI, augmenter les flux de financement climatique vers l’Afrique et améliorer l’efficacité des banques multilatérales de développement. « L’évaluation montre qu’il n’y a que peu ou pas de progrès en ce qui concerne les problèmes de dette du continent, le coût élevé des emprunts et les décaissements réels par rapport aux engagements financiers et aux promesses, ce qui remet en question les cadres de transparence et de responsabilité dans l’écosystème de financement », Maria Nkhonjera, Senior Policy Lead (Public Finance), African Future Policies Hub, un centre panafricain d’appui politique destiné à soutenir les ambitions africaines dans les domaines de l’économie verte et de l’économie numérique.
L’étude relève que malgré l’admission de l’Union africaine au G20 et la nomination d’un troisième représentant de l’Afrique subsaharienne au conseil d’administration du FMI qui ont renforcé la représentation africaine dans les réformes de l’infrastructure financière mondiale, le système des quotes-parts du FMI reste fortement déséquilibré en faveur des économies développées, les nations africaines détenant une part disproportionnée. Par ailleurs, si des progrès ont été réalisés dans les mécanismes de pertes et dommages, les engagements en matière de financement de l’adaptation et le respect des engagements en matière de financement de la lutte contre le changement climatique restent insuffisants. « L’Afrique continue de bénéficier des flux internationaux de financement de la lutte contre le changement climatique principalement sous la forme de prêts qui, dans de nombreux cas, sont accordés au taux du marché », note Daouda Sembene, PDG d’AfriCatalyst, une société de conseil en développement global basée à Dakar, au Sénégal. Selon qui, cette tendance insoutenable doit être rapidement inversée, en particulier dans le cas du financement de l’adaptation. « La réforme de l’architecture financière mondiale doit être calibrée pour aider l’Afrique à lever des flux de financement climatique adéquats et abordables, notamment sous la forme de subventions et de prêts concessionnels », suggère cet ancien directeur exécutif du Fonds monétaire international, où il représentait 23 pays africains au conseil d’administration.
L’étude révèle également que la mise en œuvre des réformes globales entreprises par les banques multilatérales de développement est inégale. « Réformer l’architecture financière mondiale signifie beaucoup de choses, mais d’un point de vue africain, en particulier en réponse au processus de la CCNUCC [la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatique, Ndlr], il semble clair que les progrès restent très insuffisants jusqu’à ce que nous voyions un apport international nouveau et supplémentaire significatif de financement équivalent à des subventions pour les pays en développement, à l’échelle des centaines de milliards nécessaires, respectivement, pour répondre équitablement aux besoins d’atténuation, d’adaptation, et de pertes et dommages », commente Iskander Erzini Vernoit, Initiative Imal pour le climat et le développement. Un certain nombre de priorités de l’Afrique doivent encore être mises en œuvre, notamment le réacheminement des DTS par l’intermédiaire de la Banque africaine de développement.
Dette contre climat et échanges de nature
Les chefs d’État africains ont demandé une reconstitution de 120 milliards de dollars de l’Association internationale de développement, mais les principaux donateurs et la direction de la Banque mondiale n’envisagent qu’un montant de référence de 105 milliards de dollars. Le rapport révèle de nombreuses limites notamment en ce qui concerne le Cadre commun du G20 pour le traitement de la dette qui n’a toujours pas été réformé et dont les progrès sont limités en ce qui concerne les coûts d’emprunt élevés et les longs délais de règlement de la dette ; Normes fiscales mondiales sur le climat et mesures commerciales où des progrès ont été réalisés en ce qui concerne les taxes climatiques mondiales, mais aucun progrès n’a été enregistré en ce qui concerne les mesures commerciales unilatérales liées au climat. Également, au sujet de la transparence du financement de la lutte contre le changement climatique où l’on enregistre des inquiétudes quant à la transparence des financements « nouveaux et additionnels » pour le climat, ce qui entrave l’efficacité de l’action climatique et de l’allocation des ressources. En ce qui concerne l’aide publique au développement, l’étude déplore que malgré que les Nations unies aient fixé comme objectif que les pays développés consacrent 0,7 % de leur revenu national brut à l’APD, les niveaux de financement ont diminué.
Comme bon point, des progrès significatifs ont été réalisés en vue de l’établissement d’une convention fiscale juridiquement contraignante des Nations unies, qui pourrait contribuer à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. L’utilisation de la dette contre le climat et les échanges de nature est prometteuse mais a été limitée en Afrique. Les négociateurs africains ont demandé que l’objectif collectif quantifié soit fondé sur une approche axée sur les besoins afin de répondre aux besoins financiers importants des pays en matière d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets. In fine, le rapport appelle à une pression politique continue sur les dirigeants financiers mondiaux et à des efforts de plaidoyer ciblés pour faire avancer la réforme du système financier international. Les négociations à venir offrent à l’Afrique une occasion cruciale d’exprimer sa position et de plaider en faveur d’un système qui soutienne réellement ses objectifs de transformation et de développement. « Alors que nous nous dirigeons vers la COP29 où les décisions de financement seront prises, il est important de faire le point sur les progrès des réformes qui sont censées nous aider à générer les milliers de milliards de dollars nécessaires pour financer l’action climatique dans les pays en développement. Malgré des développements positifs, il y a clairement un travail significatif qui est encore nécessaire, en particulier les réformes demandées par les pays africains en fonction de leurs réalités », suggère Faten Aggad, d’African Future Policies Hub.
Ludovick Franklin TCHAMBA