Bilan mitigé au terme de la première semaine de la COP 16
Les rideaux sont tombés sur la première semaine de la Conférence des parties sur la biodiversité COP 16 baptisée par le pays hôte, « Copa del pueblo ». Alors qu’un nouveau jour se lève sous le ciel de Cali en Colombie, avec le démarrage du segment de haut niveau où sont attendus de nombreux présidents de la République et ministres de l’Environnement ou de l’Ecologie selon la dénomination adoptée par les pays, les inquiétudes sont perceptibles quant aux résultats escomptés. Les négociations achoppent !
« Nous sommes dans la crise, et nous avons besoin que les parties mettent l’argent sur la table. Nouveau fond ou non, pour nous l’essentiel c’est de voir l’argent. Et nous espérons des annonces allant dans ce sens lors du segment de haut niveau », grogne Bonaventure Bondo, chargé de Campagne Forêts chez Greenpeace Afrique au terme de la première semaine des activités relatives à la Conférence des parties sur la biodiversité qui se déroule depuis le 21 octobre 2024 à Cali en Colombie. Cette semaine selon de nombreux observateurs a été très marquée par des divergences autour de la création ou non d’un nouveau fond. Selon certaines organisations, le nombre de parenthèses indiquant des désaccords dans les textes financiers aurait augmenté plutôt que diminué. Le Brésil et l’Afrique sont toujours dans l’impasse avec l’UE et d’autres sur une taxe obligatoire pour les grandes entreprises utilisant les données génétiques des plantes, tandis que pour certaines raisons, la Russie et l’Inde sont opposées à ce que les peuples autochtones obtiennent un organisme permanent pour superviser la protection de leurs droits.
Le paiement des données génétiques de la nature a été jusqu’à présent un sujet de controverse à la COP16. Les entreprises réalisent d’énormes profits grâce aux gènes des plantes. Aussi, le Brésil et l’Afrique veulent des paiements obligatoires, idéalement à hauteur de 1 % des bénéfices, tandis que l’UE, la Suisse, le Japon et les États-Unis sont catégoriques sur le fait que les paiements volontaires sont suffisants. Pour les premiers, les entreprises peuvent se permettre de débourser ces montants car l’année dernière seulement, la compagnie Johnson & Johnson a généré plus de 28 millions de dollars. Les discussions achoppent ! Comment générer les 200 milliards de dollars promis à la COP15 pour atteindre les objectifs pour la nature d’ici 2030, et par quel « mécanisme » (ou fonds) l’argent doit circuler ?
200 milliards de dollars
A ce niveau des négociations, les textes reflètent à quel point il est difficile et lent d’obtenir de l’argent de la « banque » actuelle qui est le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) pour la biodiversité. Estimant que le FEM n’est pas adapté à son objectif, l’Afrique, le Brésil et l’Argentine ont clairement manifesté leur besoin d’explorer une nouvelle voie. Ce à quoi s’opposent l’Europe, le Canada, le Royaume-Uni et le Japon. « Un compromis pourrait consister à mettre en place un processus parallèle avant la COP17 pour trouver une solution acceptable, plutôt que de gaspiller le temps restant à la COP16 ». Il faut lever 200 milliards de dollars, et cela ne se fera pas tout seul. Les pays apprend-t-on, n’ont parcouru que 2 pages sur les 7 détails des négociations. La Colombie a essayé de faire en sorte que des questions comme la dette et la réforme du système financier soient intégrées à la stratégie financière, mais d’autres estiment qu’il est trop tôt dans les négociations pour s’entendre sur les solutions.
« Le temps presse ! Nous exhortons les pays à adopter des solutions pragmatiques et axées sur le compromis », a déclaré Pepe Clarke, responsable de la pratique des océans au WWF International à l’occasion de la journée dédiée aux océans, ce dimanche 27 octobre 2024, à la COP 16. La deuxième semaine s’annonce très éprouvante. A 5 ans et 3 mois de l’échéance de 2030, les négociations ont été jusqu’à présent, lentes. Or le succès de la COP16 dépend de leur accélération et de la prise de décisions fermes sur la manière de mobiliser les 200 milliards de dollars d’ici 2030. « Nous voulons voir l’argent, nous souhaitons voir les parties avoir un fort langage sur ce point, surtout les pays du sud. Et aussi nous plaidons pour que cet argent soit directement accessible aux communautés locales et peuples autochtones car c’est eux qui jouent un rôle majeur dans la protection et restauration de la Biodiversité », affirme Bonaventure Bondo selon qui les parties passent du temps à discuter sur un nouveau mécanisme de financement et moins sur la disponibilité des fonds. Les 196 gouvernements doivent tous proposer de meilleurs plans pour sauver la nature : jusqu’à présent, 35 l’ont fait et les pays en développement accusent le manque de financement.
Ressources génétiques
Pour des pays africains comme la République Centrafricaine, la COP 16 revêt un « enjeu capital ». Selon Cléoface Landry Mabessimo, Coordonnateur national Biodiversité et point focal national primaire de la Convention sur la Diversité Biologique et IPBES, le pays qui participé à l’adoption du nouveau cadre mondial biodiversité, vient aussi d’adopter ses objectifs nationaux en alignement avec les objectifs du cadre. Membre des pays du Bassin du Congo, la République Centrafricaine, revendique une grande richesse en matière de biodiversité. Pour elle, l’un des points pertinents de cette COP porte sur le séquençage numérique de l’ADN qui découle du protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des avantages issus de l’exploitation des ressources génétiques. « Nous disposons des ressources génétiques dont les valeurs nous échappent. Et donc aujourd’hui dans notre valise nous venons pour pouvoir vraiment demander à ce que l’accès à nos ressources génétiques soit payé et soit réglementé », affirme le délégué de la République Centrafricaine.
Nadège Christelle BOWA à Cali-Colombie
Ce reportage a été réalisé dans le cadre de la bourse 2024 CBD COP 16 organisée par Internews Earth Journalism Network.