COP 16 : 20 ministres du Sud appellent à une action urgente pour atteindre 20 milliards de dollars pour la nature d’ici 2025
A quelques heures de la clôture de la Conférences des parties qui s’achèvent officiellement ce vendredi 1er novembre 2024 à Cali -Colombie, plusieurs points à l’ordre du jour des travaux restent en suspens. Dans une déclaration rendue publique le 30 octobre dernier, l'Alliance ministérielle pour l'ambition en matière de financement de la nature qui comprend des pays tels que la Sierra Leone, le Nigeria, le Cameroun et la Zambie, demande la fourniture en toute d’un nouveau financement international pour la biodiversité et d'établir un groupe de travail des ministres de l'environnement et des finances pour se concentrer sur la réalisation des objectifs de 20 et 30 milliards de dollars dans les délais impartis.
En tant que groupe croissant de ministres de l’environnement des pays du Sud ayant adhéré à l’Alliance ou soutenant ses objectifs, et abritant la majorité de la biodiversité restante la plus importante de notre planète, les ministres réunis au sein de l’Alliance ministérielle pour l’ambition en matière de financement de la nature, se disent « profondément préoccupés par la crise à laquelle est confronté le monde naturel et par la perte sans précédent d’espèces et d’écosystèmes ». Raison pour laquelle « L’accent doit désormais être mis sur la réorientation urgente de nos économies vers le respect et la protection de la nature, ainsi que sur la réduction de l’énorme déficit de financement de la biodiversité. Sans un financement suffisant, nous ne serons pas en mesure d’apporter les changements significatifs nécessaires à nos économies et à nos sociétés pour mettre en œuvre les objectifs qui ont été convenus et assurer un avenir fondé sur des moyens de subsistance durables », soutiennent-ils.
Réunis en 2022, le monde entier avait adopté d’un commun accord, le cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal et a convenu d’un plan ambitieux visant à stopper et à inverser la perte de biodiversité, mettant au premier plan la cible visant à protéger ou conserver au moins 30 % de la planète d’ici à 2030. Laquelle nécessitait des fonds pour sa mise en œuvre. Il avait été convenu que le financement international de la biodiversité des pays développés vers les pays en développement atteigne au moins 20 milliards de dollars par an d’ici 2025 et au moins 30 milliards de dollars par an d’ici 2030, comme convenu dans le cadre mondial. Cependant, depuis l’adoption du cadre mondial pour la biodiversité, ces ministres n’ont pas constaté d’augmentation significative du financement international de la protection de la nature dans leurs pays. Aussi appellent-ils les pays développés à débloquer d’urgence de nouveaux financements internationaux en faveur de la biodiversité et mettre en place un groupe de travail des ministres de l’environnement et des finances afin de se concentrer sur la réalisation de la cible sur l’augmentation du financement à 20 et 30 milliards de dollars dans les délais impartis.
Rapidité et transparence
« Votre inaction nous paralyse, nos dettes envers vous nous paralysent », a affirmé Safiya Sawney, la ministre de la Grenade lors du lancement de ladite déclaration à l’issu des travaux d’un groupe de travail réuni autour de la mobilisation des ressources en faveur de la biodiversité, en fin d’après-midi de la journée du mardi 30 octobre à Cali en Colombie qui abrite la 16e conférence des parties sur la biodiversité. La cible sur l’augmentation du financement à 20 milliards de dollars est la plus imminente de toutes les cibles du cadre stratégique. « Il est essentiel de mener des politiques de protection, de restauration et de gestion durable dans nos pays et de catalyser davantage de financement de la part de nos trésors publics et du secteur privé », écrivent les ministres de l’Alliance qui invitent les pays développés à prendre des mesures urgentes pour s’assurer que les rapports sur le financement international de la biodiversité soient améliorés de manière significative. Actuellement, le seul décompte officiel à jour des financements internationaux en faveur de la biodiversité date d’avant la signature du cadre stratégique. « Nous avons besoin de rapidité et de transparence dans les rapports sur le financement international de la biodiversité afin que nous puissions savoir combien de nouveaux financements ont été accordés depuis la COP15, en particulier le financement de projets dont l’objectif principal est la biodiversité ».
Pour les ministres membres de l’Alliance, « la COP15 a donné un élan à notre travail de sauvegarde de la biodiversité mondiale. Il est essentiel que nous nous appuyions maintenant sur cette confiance entre les nations et que nous maintenions un niveau d’urgence élevé pour atteindre nos objectifs. Nous sommes impatients de jouer notre rôle dans le Sud et espérons collaborer plus étroitement avec le Nord pour atteindre tous les objectifs financiers du cadre mondial et garantir la réussite de nos plans ambitieux pour la nature ». Bien que la République Démocratique du Congo ne figure pas pour l’instant parmi les signataires de la Déclaration, le pays semble du même avis à en croire les déclarations de Eve Bazaiba Masudi, ministre d’Etat, ministre de l’Environnement et développement durable à la plénière d’ouverture du Segment de haut niveau de la COP 16/CBD, le 29 octobre 2024, puis à la conférence de presse donnée le lendemain sur la position de son pays.
Le cas de la RDC
La RDC, 5e mondiale de par sa méga-biodiversité de faune, flore et ressources halieutiques, a-t-elle déclaré, joue un rôle primordial dans l’atteinte des objectifs de la Convention, de ses protocoles, et du Cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal. « Malheureusement, cette extraordinaire biodiversité de mon pays est menacée et la population congolaise en paie un lourd tribut. Le changement climatique et la pollution à outrance imposent de dommages inestimables à l’humanité, notamment l’érosion de la biodiversité. Les conflits armés en RDC, œuvres des terroristes soutenues par le Rwanda sont devenus aussi les moteurs de perte de la biodiversité et de la destruction méchante de l’environnement », a-t-elle accusé affichant le soutien de son pays à la campagne mondiale Ecocide qui veut que les destructions massives de l’environnement soient reconnues comme crime dans le cadre du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.
Dans cette COP a souligné Eve Bazaiba Masudi, la RDC est venue avec deux importantes initiatives que sont la mobilisation des ressources additionnelles pour le financement en faveur de la biodiversité ; et la synergie entre les trois conventions de RIO en vue de faire avancer la cause mondiale. Pour la première initiative a-t-elle expliqué, « il s’agit de l’approche philanthropique à travers l’implication des privés notamment les entreprises, organisations, structures qui utilisent les images de la biodiversité à des fins publicitaires et lucratives et en tirent des bénéfices énormes au détriment de la biodiversité ». L’autre point et pas des moindres abordé par la ministre d’Etat lors de ces sorties est la création d’un Fonds spécial dédié à la biodiversité. « Tel était notre compromis, dans le cadre du « Deal » convenu à la Cop 15 à Montréal, pour une mise en œuvre pleine et effective des articles 20 et 21 de la Convention », rappelle-t-elle à l’intention de la présidence de la Cop 16 avant de souligner -un tantinet menaçant- pour clore son propos que : « Les pays en développement ne pourront s’acquitter effectivement des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention que dans la mesure où les pays développés s’acquittent des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention, s’agissant des ressources financières et du transfert des technologies ».
Nadège Christelle BOWA à Cali-Colombie
Ce reportage a été réalisé dans le cadre de la bourse 2024 CBD COP 16 organisée par Internews Earth Journalism Network.