Retrait de l’Accord de Paris : Les mesures controversées de Trump sur le climat
Hommes politiques et experts africains s’insurgent ! L'administration Trump a publié une série de décrets présidentiels, notamment l'annonce du retrait de l'Accord de Paris, la déclaration d'une « urgence énergétique », la suppression des incitations pour les véhicules électriques et l'abolition du Green New Deal, qui n'existe pas. De nombreux décrets publiés lundi visent à ralentir ou à revoir les dépenses climatiques massives approuvées par l'administration Biden, dont 75 % sont allées à des districts dirigés par le GOP. Les analyses de Jiwoh Abdulai, ministre de l'environnement de la Sierra Leone, entre autres reflexions.
« L’action en faveur du climat nécessite des engagements à long terme de la part de tous les pays. Les catastrophes liées au changement climatique ne se conforment pas aux idéologies politiques. Nous avons besoin d’un engagement multilatéral continu en faveur d’une action collective et d’une réduction des gaz à effet de serre, en particulier de la part des pays qui ont une responsabilité historique dans les émissions de GES », commente Jiwoh Abdulai, ministre de l’environnement de la Sierra Leone à la suite des décrets présidentiels sur le climat, y compris le retrait de l’Accord de Paris, la déclaration d’une « urgence énergétique » et une liste de décrets sur l’énergie et l’environnement, rendus publics par l’administration Trump. Peu après la prestation de serment de Donald Trump pour un second mandat en tant que président des États-Unis, le 20 janvier 2025, il a annoncé son intention de se retirer immédiatement de l’accord de Paris, bien que le retrait prenne officiellement un an. L’administration Trump restera dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), mais l’ordonnance indique qu’elle a l’intention de limiter fortement sa participation, y compris en matière de financement, et qu’elle ne pourra pas envoyer de délégations aux réunions de la Conférence des parties (COP).
« La tentative de Trump de saboter les efforts mondiaux de lutte contre la crise climatique est une énorme menace pour notre avenir », s’insurge Fred Njehu, stratège politique panafricain pour Greenpeace Afrique qui prévient : « L’Afrique, qui est l’un des continents confrontés aux impacts de la crise climatique, ne s’arrêtera pas face à ceux qui choisissent de tout risquer pour le profit de quelques privilégiés ». En effet soutient-il : « L’Afrique est un acteur clé de l’espace multilatéral sur le climat, et cela n’est pas près de changer. Le changement climatique est un problème mondial qui transcende les frontières nationales, de sorte que l’assaut de l’administration de Trump contre l’Accord de Paris est en soi autodestructeur. Les nations ont fait des progrès et vont de l’avant pour s’attaquer à la crise climatique, car sans cela, nous sommes confrontés à des conséquences désastreuses ». Même si cette décision était attendue, non seulement en raison du manque d’engagement envers l’agenda climatique mais aussi des intérêts économiques immédiats du plus grand bénéficiaire du commerce du gaz naturel au niveau mondial, elle n’en est pas moins préoccupante, affirme Faten Aggad, directrice exécutive de l’African Future Policies Hub.
Compenser les échecs des Etats-Unis
Selon cette dernière, le monde ne peut pas se permettre de voir le plus grand émetteur de gaz à effet de serre par habitant et le deuxième plus grand émetteur mondial se désengager d’un accord qui est déjà soumis à de fortes pressions. « En vérité, nous avons besoin que les États-Unis agissent sérieusement. Après tout, ils sont responsables de 13,5 % des émissions mondiales, soit plus de quatre fois la contribution de l’Afrique en tant que continent à part entière. Le moment est venu pour les économies industrialisées d’assumer un leadership plus fort, dont l’ambition plus élevée est le seul moyen de compenser les échecs des États-Unis », suggère-t-elle. Les États-Unis sont déjà le premier producteur mondial de pétrole et de gaz. Ils ont atteint de nouveaux records de production de pétrole sous l’administration Biden. Les compagnies pétrolières affirment qu’elles forent déjà autant qu’elles le peuvent. Une nouvelle analyse de Zero Carbon Analytics montre que l’UE n’a pas besoin de nouveau GNL américain pour remplacer le gaz russe : La demande de gaz de l’UE devrait diminuer de 29 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2024, et de 67 % d’ici 2040. Trump a fait référence à tort au « Green New Deal », un texte législatif qui n’a jamais été adopté par le Congrès, ainsi qu’à ses décrets.
« Il est inconcevable que les États-Unis se retirent de l’Accord de Paris et éteignent leur rôle stratégique dans l’élaboration de l’avenir vert et sûr qui est en train de se dessiner. Ce n’est pas le leadership requis à un moment où la majorité des peuples et des États se mobilisent pour l’action climatique et affichent un engagement inégalé pour faire face à la crise climatique », se désole Julius Mbatia, expert en politique climatique de Just. Cet accord -rappelle Mouhamadou Sissoko, secrétaire général Teranga Lab, Sénégal- représente un pacte essentiel pour limiter les effets dévastateurs du réchauffement climatique, en particulier pour les populations les plus vulnérables, comme celles de notre continent africain. « Ce retrait compromet non seulement la coopération internationale, mais aussi les engagements financiers nécessaires pour soutenir les pays en développement dans leur transition écologique et leur adaptation aux impacts climatiques. Cette décision constitue un recul majeur alors que l’urgence du changement climatique appelle à plus de concertation, de solidarité et d’ambition. Face à cette situation, nous réaffirmons notre engagement à œuvrer pour un financement équitable du climat et des solutions inclusives pour la transition énergétique », observe-t-il.
L’urgence d’agir pour l’Afrique
Joab Okanda, expert en changement climatique et en énergie de relever que : « L’empressement de Trump à verser de l’huile sur une planète déjà brûlante dès son premier jour de mandat rappelle clairement que les démolisseurs du climat ne se sont pas contentés de s’acheter un siège dans le bureau ovale, mais un canapé entier avec un programme clair de maintien de la hiérarchie économique et géopolitique coloniale extractive. Ils sont prêts non seulement à mettre les populations et les économies africaines sur la sellette, mais aussi à saboter l’économie américaine pour maintenir cette hiérarchie. C’est regrettable ». Cependant poursuit-il : « L’Afrique ne doit pas considérer cela comme un revers, mais comme une opportunité de s’unir, d’utiliser son influence géopolitique, de transformer sa vulnérabilité en résilience et de mener la charge vers la construction d’un monde durable pour son peuple en utilisant ses minéraux stratégiques et son énergie renouvelable. Les autres dirigeants mondiaux doivent démontrer leur engagement à construire une planète vivable en tenant compte de la science et en assumant leur responsabilité historique et juridique, telle qu’elle est inscrite dans l’Accord de Paris ».
Et Joyce Kimutai, climatologue, Imperial College London & Kenya Meteorological Department, de marteler : « Notre monde a un besoin urgent d’action climatique à tous les niveaux. Si le dépassement de l’objectif de l’Accord de Paris semble inévitable, des mesures audacieuses et immédiates doivent être prises par chaque nation. […] Le coût de l’inaction dépasse de loin le coût de l’action. Les communautés vulnérables, qui ont le moins contribué à cette crise, en supportent le plus lourd fardeau. La fréquence et l’intensité croissantes des phénomènes météorologiques extrêmes réduisent les progrès réalisés en matière de développement et plongent les pays dans l’endettement ». Pour Christopher Trisos, titulaire de la chaire de recherche AXA sur les risques climatiques en Afrique, « Le retrait de l’administration Trump de l’Accord de Paris ne change rien au fait que l’augmentation de la combustion du charbon, du pétrole et du gaz ne fait qu’aggraver le changement climatique. Cela entraînera une douleur et une souffrance plus importantes liées au changement climatique, y compris aux États-Unis. Il est impossible d’y échapper. Des politiques sont nécessaires pour maintenir les combustibles fossiles dans le sol ».
Aussi, il ne faut plus attendre : « Plus nous attendons, plus le redressement sera difficile, et la planète subira des pertes et des dommages considérables. Grâce à son immense potentiel et à sa résilience, l’Afrique est prête à faire partie de la solution à cette crise. Il est temps pour le continent d’avancer ensemble, unis, même si d’autres choisissent une voie différente », recommande Joyce Kimutai. Trump a également annulé de nombreux décrets de l’ère Biden, notamment le décret visant à « restaurer la science pour lutter contre la crise climatique », de nombreux décrets de 2021 liés au COVID-19, la dissolution du Conseil des conseillers du président pour la science et la technologie, et d’importants décrets de Biden sur la lutte contre la crise climatique à l’intérieur du pays et à l’étranger et sur la justice climatique. Les États-Unis, sous la présidence de Trump, restent la seule nation sur les 193 autres parties à sortir de l’Accord – le seul forum multilatéral où toutes les parties ont un siège à la table. Dans un autre décret, Donald Trump a également annoncé le retrait des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé.
Nadège Christelle BOWA