Cameroun : La plus-value d’Ukuzola pour l’Entreprenariat jeunes
Depuis juin 2023, date du lancement de son premier coliving à Yaoundé, Ukuzola, une start-up dont l’impact transcende la simple création d'entreprises, offre un espace de vie et de travail partagé où les entrepreneurs peuvent se consacrer pleinement à leurs projets. La Demo day du 7 février dernier à Yaoundé, a mis en évidence le potentiel des jeunes entrepreneurs camerounais.

« Je me suis lancé aussi comme ça. Chaque fois qu’on vendait un kilo, on perdait 1 600. J’avais l’impression que c’est la grand-mère du village. Sauf que je n’avais pas véritablement mesuré les coûts. Dès les premiers mois d’incubation à la résidence, on nous a appris à travailler sur nos coûts de production et la ressource humaine. Etc. Aujourd’hui, Tis est en bonne santé. Je n’accuse plus la grand-mère du village », témoigne le jeune entrepreneur Thierry Joel Tsopmo, coliver de la star-up Ukuzola, portée par Viviane Bondoma, Economiste du développement. Promoteur d’un restaurant en mode livraison, le jeune homme est en quête de 100 millions de Fcfa pour s’étendre dans la ville de Yaoundé. « Quand on discute avec nos clients, beaucoup veulent manger sur place. Ces clients représentent une niche de 60 % de notre marché que nous ne pouvons pas accepter pour l’instant. C’est une grosse perte », explique-t-il au cours du Demo Day d’Ukuzola, le 7 février 2025, au centre Jean XXIII de Mvolye à Yaoundé.
Également en incubation à Ukuzola, après avoir identifié les causes de la rareté et de la cherté du poulet dans la ville de Yaoundé, la star-up « Du poulet », promue par la jeune entrepreneure Jacky Bahida, propose une solution en proposant aux restaurants et ménages, des contrats qui respecte les délais de livraison, les gabarits souhaités, etc. « Nous proposons des poulets frais et fumés, en entier, en demi et en quart. Nous incluons également la production locale pour diminuer l’importation de la demande. Nous produisons avec les intrants locaux ». La star-up valorise les sous-produits issus de la production du poulet de chair, ce qui en fait une source de revenu supplémentaire. « Ils ne sont pas des déchets. La fiente par exemple est un sous-produit récupéré pour fertiliser les champs. Les Boyaux ou « missunga » en langue locale sont nettoyés et revendus aux particuliers pour la nutrition entre autres des chiens. Les plumes de poulet sont transformées en fiente de poulet. Tout est revendu ».
Coliver solidaire
Pour cette jeune entrepreneure, le marché du poulet est une niche d’opportunités à exploiter. Et elle entend en tirer parti. « Selon l’Institut National des Statistiques, la population camerounaise consomme 4 millions de poulets par an. Chaque habitant consomme en moyenne 2,2 kg de poulet par an. 90% des personnes interrogées consomment du poulet. Si nous nous partons de cette statistique, nous avons un marché minimum de 10 millions de kg de poulet qui doit être produit chaque année à Yaoundé. Si nous capitalisons seulement 10% de ce marché, nous avons un chiffre d’affaires potentiel de près de 26 millions de Fcfa », affirme-t-elle. Pour atteindre ses objectifs, Jacky Bahida veut lever un capital de 25 millions de Fcfa. Ces jeunes ne sont pas les seuls.
La Fortune Isabelle Makota, Minproff
Ce sont des entrepreneurs aguerris
C’est une initiative que nous ne pouvons qu’encourager et soutenir au niveau du ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille parce qu’en même temps, les femmes sont représentées à 60%, ce qui est une énorme satisfaction à notre niveau parce que notre pays a besoin justement de ces jeunes entrepreneurs pour que le tissu entrepreneurial puisse être effectif et émergent au Cameroun. Il faut féliciter ces jeunes qui maîtrisent parfaitement leurs produits et tous les détails, c’est-à-dire au niveau de la concurrence, du marché qui est un casse-tête. Quand vous n’avez pas maîtrisé le marché, vous ne pouvez pas produire. Avant de vous lancer dans l’entrepreneuriat, il faut avoir maîtrisé le marché, la concurrence, et la RSE. Et je pense que ces jeunes entrepreneurs sont assez qualifiés pour se lancer dans le marché de l’emploi, de l’entrepreneuriat avec l’accompagnement qu’ils ont pendant toute cette année. Après 7 mois, ce sont des entrepreneurs aguerris qui peuvent se lancer facilement sur le marché parce qu’ils et elles savent ce qu’elles veulent, et où ils vont.
Pour cette cuvée de colivers, Ukuzola, un incubateur qui permet aux jeunes entrepreneurs de mettre en place leurs produits, d’apprendre, à avoir des aptitudes, des outils pratiques et théoriques pour assurer leur réussite, a mis en résidence six entrepreneurs dans des domaines divers dont Serena Ngo Seck, promotrice de Mamagofish ; Hubert Ondo de Socatrap ; léontine Kafack de Leo Beads Kreation ; Paule Soufo des Ets Soufo. Leur présentation a ébloui le public captivé par la qualité des star-up proposées. « C’était intéressant. Je m’intéresse à la partie financière, mais c’est bon. Le produit, vraiment, il a de la demande », confesse une dame dans le public pendant la phase question réponse qui va enregistrer outre des remarques tout aussi laudateurs, mais également des questions d’intérêt démontrant que les uns et les autres ont suivi avec une attention soutenue et veulent s’engager.
Sérénité
« Nous venons d’assister à une initiative innovatrice. C’est la première fois que nous assistons à ce genre d’initiative où des jeunes entrepreneurs, des jeunes promoteurs et des jeunes promotrices sont pris en charge pendant toute une année dans un internat pour suivre des modules précis qui participent à leur éclosion dans le domaine de l’entrepreneuriat », apprécie La Fortune Isabelle Makota, Directrice de la promotion économique de la femme Ministère de la Promotion de la femme et de la famille (Minproff). « Vous savez, l’entrepreneuriat c’est un risque énorme et lorsqu’on n’est pas accompagné de manière suffisante, on peut perdre les pédales et puis abandonner dans les six premiers mois, voire au bout de trois ans », ajoute-t-elle satisfaite au terme de la démo. De quoi rendre fière la promotrice de cette initiative, Viviane Bondoma. « C’est un défi que nous nous sommes lancés à nous, mais aussi à nos entrepreneurs. Et je suis vraiment très satisfaite aujourd’hui de me rendre compte du niveau qu’on a réussi à atteindre collectivement, que ce soit dans les présentations que nous avons projetées, mais aussi dans les prises de parole », avoue-t-elle toute rayonnante.
Viviane Bondoma, Ukuzola
Créer des entreprises à impact social et environnemental
Ukuzola, qui aujourd’hui accompagne les jeunes au travers de son co-living solidaire, donc c’est une résidence pour entrepreneurs qui leur enlève la charge mentale financière pour qu’ils puissent se concentrer à 100% à leur activité sans plus jamais se poser la question de où est-ce qu’ils vont dormir, qu’est-ce qu’ils vont manger, qu’est-ce qu’ils vont avoir à la fin du mois et surtout en les accompagnant à mettre en place une politique RSE parce qu’on ne peut plus créer des entreprises autrement que des entreprises à impact social et environnemental et en les accompagnant aussi au travers de la mise en place de politiques genre parce qu’on ne peut plus aujourd’hui créer des entreprises sans les femmes. On accompagne 60% des femmes dans nos promotions.
L’idée est née pour réparer une certaine injustice. « Je recevais plein d’appels de personnes de ma classe d’âge qui avaient de belles idées, de beaux rêves, mais qui, pour des questions tout bêtes de précarité financière ne pouvaient pas mettre en marche ce rêve-là. Une vraie injustice, que cette inégalité-là, d’autant plus que c’était de belles idées sociales et environnementales et que nos pays sont vraiment les premiers en ligne sur ces questions-là ». En se demandant comment apporter sa contribution à l’édifice, nait la vision devenue Ukuzola qui signifie « sérénité », en xhosa, une langue bantoue d’Afrique australe parlée en Afrique du Sud et au Zimbabwe, un principe qui guide sa mission de créer un espace où la tranquillité d’esprit permet aux innovateur·rice·s des pays du Sud de se concentrer pleinement sur leurs projets à impact. Depuis le 6 janvier 2025, les candidatures pour le prochain appel à projet sont ouvertes sur https://www.ukuzola.org/nous-rejoindre/entrepreneures
Nadège Christelle BOWA