Forêt et Faune

Extrême-Nord: Les Toupouris s’opposent à la création du Parc Ma Mbed Mbed

Dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, la création du Parc de Ma Mbed Mbed suscite une vive opposition des populations locales, notamment des Toupouris. Entre dénonciation de fausses déclarations publiques et craintes de conflits hommes-faune, ce projet soulève des tensions sociales et environnementales.

En 2020, le gouvernement camerounais a promulgué un décret portant création du Parc de Ma Mbed Mbed, une aire protégée de plus de 12 000 hectares située dans l’arrondissement de Guidiguis, Région de l’Extrême-Nord. Ce projet, censé contribuer à la lutte contre le changement climatique et à l’insertion socioprofessionnelle, est aujourd’hui au centre d’une controverse. Les communautés locales, particulièrement les Toupouris du Cameroun et du Tchad, s’y opposent fermement, dénonçant un manque de consultation préalable et les risques liés à la cohabitation entre les humains et les éléphants. Dans une lettre adressée au gouverneur de la région de l’Extrême-Nord le 8 février 2025, les Toupouris expriment leur profonde colère face à ce qu’ils considèrent comme une décision arbitraire et dangereuse.

Ils soulignent que le parc empiète sur leurs terres ancestrales où vivent plus de mille âmes depuis des décennies. « Quel genre de sevrage tous azimuts voulez-vous entreprendre? » demandent-ils, dénonçant la menace que représente l’installation des corridors d’éléphants à proximité de leurs habitations. Le ton monte également contre les autorités locales. Les Toupouris reprochent au gouverneur d’avoir faussement déclaré sur les antennes de la Crtv que la tension était apaisée et que leurs revendications étaient insignifiantes. « Vous avez corrompu la journaliste Nicole Massaï de la Crtv pour dire que vous avez réglé le problème », accusent-ils dans leur lettre. Ils exigent désormais l’intervention directe du Premier Ministre ou du Président de la République pour résoudre cette crise.

« Les éléphants ne font pas de distinction entre ethnies, religions ou professions. Leur présence est une menace pour tous, y compris le camp du Bir à moins de 12 km. Si l’État s’entête, l’extermination des éléphants deviendra inévitable »

Pr Ngoussandou Bello Pierre, Coordonnateur national de Jag Sir

Entre conservation et survie des populations locales

Le projet du Parc de Ma Mbed Mbed s’inscrit dans une volonté de conservation environnementale et de lutte contre le changement climatique, mais ses conséquences sur les communautés locales semblent avoir été sous-estimées. Greenpeace Afrique, par la voix du Dr Lamfu Fabrice, chargé de campagne forêt, appelle également à une révision du projet. « Ce parc a été créé pour la lutte contre le changement climatique et pour l’insertion socioprofessionnelle. Ce sont des objectifs à saluer. Toutefois, ce projet réduit considérablement les terres et ressources disponibles pour les populations locales », a-t-il déclaré. Le professeur Ngoussandou Bello Pierre, coordonnateur national de Jag Sir, l’Association nationale culturelle Toupouri, va encore plus loin, évoquant une menace directe pour la sécurité des habitants . « Les éléphants ne font pas de distinction entre ethnies, religions ou professions. Leur présence est une menace pour tous, y compris le camp du Bir à moins de 12 km. Si l’État s’entête, l’extermination des éléphants deviendra inévitable », a-t-il averti.

Rhino, Springboks, zebra, Elephant and lion in Serengeti National Park, Tanzania.

L’insécurité dans l’Extrême-Nord est déjà un défi majeur, avec une région affectée par des vagues d’inondations, l’insécurité alimentaire et des incursions de ravisseurs. L’ajout d’une aire protégée sans consultation adéquate des populations ne fait qu’aggraver la situation, selon les acteurs locaux et les observateurs. Le cas du parc de Ma Mbed Mbed fait écho à d’autres tensions similaires au Cameroun, notamment dans le Sud, où des populations riveraines du projet Camvert à Campo ont récemment manifesté pour exiger une révision du cahier de charges de la compagnie impliquée. Dans ces deux cas, les griefs des communautés locales convergent: manque de consultation, accaparement des terres et conflits hommes-faune.

Pour Greenpeace Afrique, ces conflits soulignent l’importance de garantir le consentement libre, informé et préalable (CLIP) des populations locales dans la mise en œuvre de projets de grande envergure. « Lorsqu’une décision est prise sans leur consentement libre, informé et préalable, cela peut malheureusement conduire à des situations aussi délicates que celle-ci », a déclaré Dr Lamfu Fabrice.Tandis que les Toupouris attendent une réponse du gouvernement central, la tension reste palpable dans l’Extrême-Nord. La gestion de cette crise pourrait bien devenir un test de la capacité des autorités à concilier conservation environnementale et droits des populations locales.

Michel NONGA

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