Cameroun : Moins de la moitié des femmes enceintes reçoit le Traitement Préventif Intermittent
La formation des Agents de Santé Communautaire polyvalents (ASCp) à la recherche active des perdues de vue et une sensibilisation ciblée sur la précocité des Consultations Prénatales (CPN) est primordial car elle pourrait améliorer la couverture des services de santé, suggère un récent rapport de l’Institut National de la Statistique (INS) sur la morbidité palustre chez la femme enceinte au Cameroun.

Selon l’Enquête sur les Indicateurs du Paludisme au Cameroun (EIPC) 2022, cité par le Data Brief, rapport sur la morbidité palustre chez la femme enceinte au Cameroun, produit par de l’Institut National de la Statistique (INS) en collaboration avec le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp) et le ministère de la Santé publique, seulement 46% de femmes enceintes ont reçu trois doses ou plus de Traitement Préventif Intermittent (TPIg). De ce fait, la couverture en troisième dose de TPIg reste en deçà de la cible fixée bien que le pourcentage de femmes ayant reçu au moins trois doses soit passé de 12% en 2011 à 32% en 2018, puis à 46% en 2022. Le rapport souligne également une diminution significative du pourcentage entre chaque dose, passant de 83 % pour la première dose à seulement 46 % pour la troisième. « Bien plus, on observe une déperdition de la couverture en TPIg. De la même manière que la multiparité semble s’accompagner d’une baisse de la couverture en TPIg ».
Pendant la grossesse, la femme est vulnérable au paludisme du fait de son système immunitaire affaibli. Les changements hormonaux peuvent influencer l’exposition aux piqûres de moustiques et créer un environnement favorable à la multiplication des parasites. De plus, des recherches indiquent que des augmentations d’hormones de stress peuvent impacter le taux de réplication du Plasmodium, le parasite responsable du paludisme. Lequel est associé à des complications sévères, tant maternelles, fœtales que néonatales. Notamment : le retard de croissance intra utérin, des accouchements prématurés, des fausses couches, de l’anémie maternelle et de la mortalité périnatale. En Afrique subsaharienne, le paludisme est responsable de 20% de tous les décès néonataux. D’après le rapport mondial 2020 de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la prévalence du paludisme gestationnel en Afrique était de 35% pour une incidence de 40% en Afrique centrale ; par ailleurs, une association significative a été retrouvée entre le faible poids de naissance et le paludisme en grossesse.
Fluctuation
Après une légère baisse de 2011 à 2012 au Cameroun, la morbidité palustre chez les femmes enceintes quant à elle connait des fluctuations. Elle est passée d’environ 13% en 2013 à environ 26% en 2021, tandis qu’en 2023 elle est autour de 21%. Afin de prévenir efficacement le paludisme et les complications qui en découlent l’OMS recommande la prise du TPIg durant la grossesse, l’une des deux stratégies clés pour prévenir le paludisme en grossesse. La seconde étant l’utilisation de la Moustiquaire Imprégnée à Longue Durée d’Action (MILDA). Malgré les actions déjà entreprises par le gouvernement et les partenaires au développement, des causes profondes continuent de soutenir la morbidité du paludisme chez les femmes enceintes.
Il s’agit entre autres de : La faible couverture en Consultations Pré Natales CPN4+ (65%) pouvant s’expliquer par le recours tardif à la CPN, la faible assiduité des femmes enceintes aux CPN du fait de l’éloignement des FOSA dans les zones rurales et semi-urbaines comme dans l’Adamaoua, le Sud et l’Est. D’après les données de supervision des formations sanitaires (FOSA), seulement 62% des femmes enceintes atteignent la CPN 3 et 40% la CPN 4. L’on relève aussi la faible accessibilité aux FOSA (Le manque d’argent/Pas de formation sanitaire/ professionnel de santé à proximité) explique ce phénomène dans 63% des cas ; Les ruptures de stock de SP dans les FOSA qui conduisent généralement aux prescriptions de la Sulfadoxine-Pyrimethamine (SP) par les prestataires. Par ailleurs, l’absence de la contrepartie de l’Etat pour l’achat des médicaments contribue à renforcer cette rupture de stock. A titre illustratif, en 2023, le nombre de mois de stock de SP variait de 2,2 à 3,3 mois (PNLP,2023).
Renforcer les interventions communautaires
Il y a enfin, la faible capacité des Agents de Santé Communautaires polyvalents (ASCp) à fournir les SP en communauté. Au regard des différents facteurs indexés dans la faible couverture en TPIg, les auteurs dudit rapport suggèrent de nouvelles stratégies qui peuvent être engagées avec effet à moyen et long terme sur l’approche communautaire. « En effet, le facteur communautaire peut être modifiable, nécessitant une logistique et des ressources relativement peu couteuses », soutiennent-ils avant de proposer trois options à savoir : Assurer la disponibilité pérenne et continue de la SP dans les différents lieux de prestation des CPN en vue de réduire la survenue de rupture de stock de SP ; Renforcer la mise en œuvre de la Communication pour le Changement Social et Comportemental auprès de femmes enceintes par le biais des ASCp ; Rechercher activement les perdues de vue et l’intensifier la mise en œuvre de la stratégie avancée.
Au Minsanté, ils recommandent « vivement » de prendre des mesures pour renforcer les efforts de prévention et de traitement du paludisme. La première consiste à assurer l’engagement de l’Etat pour le financement de contrepartie. A leur avis, un financement effectif de l’Etat pour l’acquisition du médicament recommandé pour le TPI démontrerait un engagement national fort dans la lutte contre le paludisme. Ils suggèrent également d’Intensifier (plaidoyer) les efforts de lobbying auprès des partenaires financiers pour faciliter l’achat de la sulfadoxine-pyriméthamine (SP) et assurer sa distribution gratuite, en supprimant les barrières financières à l’accès. Il faudra enfin renforcer la mise en œuvre des directives communautaires en intégrant le TPI communautaire dans les services de santé existants, afin d’élargir la portée et la durabilité des efforts de prévention du paludisme.
Nadège Christelle BOWA