Environnement: Le changement climatique va alourdir le fardeau des maladies
Choléra, paludisme, méningite, dengue, etc. sont dans le viseur. Pour la majorité des chercheurs, ne pas agir va conduire à des conditions de santé dramatiques, à des pertes économiques majeures et à des problèmes agricoles et pastoraux, sans parler d’effets écologiques et humanitaires terribles.
Bien qu’elle en soit la moins responsable, l’Afrique est particulièrement exposée aux effets du changement climatique. Il en résulte des maladies émergentes qui affectent la santé humaine et animale. Ces maladies consistent en de nouvelles maladies mais également en des maladies existantes qui risquent d’accroître leur fardeau. En effet, la grande majorité des recherches s’accordent sur le fait que le changement climatique va amplifier le fardeau de maladies telles que le choléra, le paludisme, la méningite et l’apparition de maladies telles que la dengue. « Ne pas le prévenir conduira à des conditions de santé dramatiques, à des pertes économiques majeures et à des problèmes agricoles et pastoraux, sans parler d’effets écologiques et humanitaires terribles », prévient Pr. Yap Boum II, Représentant Afrique d’Epicentre, qui recommande que : « la lutte contre le changement climatique soit une priorité absolue et multisectorielle dans tous les pays africains afin de trouver des solutions innovantes et élaborées localement qui assureront un avenir sain et prospère à notre continent ».
Pour ces scientifiques, le climat change en raison de l’augmentation de la température ambiante, des fortes précipitations, de la sécheresse et des inondations. Cela a un impact sur les cycles de vie et la transmission d’agents infectieux tels que les bactéries, les virus et les parasites. « D’ici 2050, les pays équatoriaux tels que le Cameroun, le Kenya et l’Ouganda pourraient connaître une hausse de 1,4 ° C», souligne Githeko, A. K. et Cie dans « Climate change and vector-borne diseases: A regional analysis. Bulletin of the World Health Organization ». Dans plusieurs régions d’Afrique, notamment au Cameroun, le choléra et d’autres maladies d’origine hydrique constituent toujours une menace majeure. Avec des infrastructures limitées et des systèmes de drainage médiocres, des épidémies de choléra sont possibles en cas de fortes précipitations et d’inondations. Au cours des 20 dernières années, le pays a connu 14 épidémies de choléra avec des taux de mortalité élevés. Le pic le plus élevé ayant été enregistré entre 2009 et 2011 dans la région du Nord avec un taux de létalité estimé à 6,3%. Or, « le changement climatique est susceptible de causer davantage d’inondations sur tout le continent, certaines régions du Cameroun telles que les régions du Nord, du Littoral et du Centre sont exposées aux risques d’inondations, ce qui accroît la prévalence des maladies d’origine hydrique », soutient Pr Yap.
Shigellose
Il ajoute qu’au-delà du choléra, il est possible que l’augmentation de la température et de la saison sèche soient à l’origine de davantage de maladies diarrhéiques telles que la Shigellose. Egalement appelée dysenterie bacillaire, c’est une infection bactérienne surtout présente dans les pays tropicaux et en voie de développement. Elle tue des milliers de personnes dans le monde chaque année, particulièrement les enfants de moins de 5 ans. S’agissant des maladies transmissibles par l’air, Grace Umerani et Titilayo Mabogunje, jeunes chercheurs, citent la méningite à méningocoque, une infection bactérienne qui touche de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. C’est l’une des maladies les plus sensibles au climat du continent. Elle se transmet par le biais de fluides corporels tels que des gouttelettes d’éternuement, des particules de toux ou un échange de salive.
Et d’expliquer que : « l’incidence de la méningite augmente pendant les saisons sèches. Les zones à risque élevé sont celles de la ceinture de méningite qui comprend actuellement 26 pays, dont le Cameroun, le Sénégal et l’Éthiopie. Au fur et à mesure que la saison sèche (ou Harmattan) s’allonge, la faible humidité pourrait permettre à la bactérie de coloniser plus facilement son hôte humain, permettant ainsi à la maladie de devenir plus répandue », relèvent-ils s’appuyant sur une étude publiée dans The Lancet. Les maladies à transmission vectorielle ne sont pas en reste. D’après les scientifiques, les climats d’Afrique tropicale sont favorables à la plupart des maladies à vecteur, notamment «le paludisme, la schistosomiase, l’onchocercose, la trypanosomiase, la filariose, la leishmaniose, la peste, la fièvre de la vallée du Rift, la fièvre jaune et les fièvres hémorragiques transmises par les tiques».
Terrorisme
Malheureusement, si rien fait, d’ici 2100, l’augmentation des inondations et l’augmentation des températures sur tout le continent créeront un environnement propice à l’épanouissement de nombreuses maladies à transmission vectorielle et à transmission hydrique, y compris le paludisme. « Ceci est corroboré par le fait que la fréquence de piqure des moustiques augmente avec l’augmentation de la température et des gaz à effet de serre dans l’atmosphère », précise Pr Yap. L’onchocercose, la fièvre jaune et le loa-loa, sont d’autres maladies pouvant être propagées par les insectes. La dengue est une autre maladie émergente transmise par les moustiques. Une flambée récente au Burkina Faso en fait une préoccupation croissante. Non seulement elle a touché plus de 9 000 personnes, mais il n’existe actuellement aucun traitement spécifique contre elle. Il est plausible que les tendances qui s’appliquent au paludisme le soit pour la dengue et d’autres maladies à transmission vectorielle pour des raisons similaires. L’on n’oublie pas les maladies d’origine alimentaire comme l’influenza aviaire, infectant à la fois les cultures et les humains. En 2016, des décès liés à cette maladie ont tué près de 15 000 oiseaux à Yaoundé. L’épidémie a également infecté des poules, des poulets, des dindes et des canards.
En plus des précipitations et de la température, les vents sont également à prendre en compte pour faire face au changement climatique. Par ailleurs, les fortes périodes de chaleur et de sécheresse compromettent notre sécurité car elles aggravent les insurrections telles que les attaques de Boko Haram. La population augmente alors que le lac Tchad s’assèche, ce qui crée une pénurie alimentaire et la pauvreté, conditions dans lesquelles des groupes terroristes peuvent prospérer (Maiangwa, B., &Uzodike, U. O. (2012). The changing dynamics of Boko Haram terrorism. Aljazeera Centre for Studies). La Pharmacologiste, Inspecteur N°2 au ministère de l’Environnement et du Développement rural (Minepded) et Point focal Apa (Accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation), Aurélie Taylor Dingom rappelle que le changement climatique est dû à l’action des homo-sapiens sur la biodiversité. Aussi roule-t-elle pour une gestion durable de la biodiversité dont les valeurs alimentaire, économique, scientifique, médicinale, environnementale…ne sont plus à présenter. Pour ce faire, de nombreux partenaires à l’instar du Wwf apportent une contribution aussi bien technique que financière. Cependant, au regard des effets néfastes du changement climatique fortement ressentis sur le continent, l’urgence de l’action est plus que jamais d’actualité.