Cameroun: 80 450 personnes âgées vivent avec le VIH
VIH et vieillesse
La difficile équation d’une prise en charge embryonnaire
Le succès de la thérapie antirétrovirale qui permet de prolonger la vie des personnes vivant avec le VIH impose de nouveaux défis dans la prise en charge des personnes âgées. Au Cameroun la situation des seniors est préoccupante. Au regard de leur proportion sans cesse croissante depuis 2007. Très exposés, les plus de 50 ans restent peu ciblé par les messages de prévention.
- 80 450 personnes âgées vivant avec le VIH
Comme on le dit trivialement, la stratégie adoptée par le Cameroun dans le cadre de la prise en charge (thérapie antirétrovirale) du VIH a payé. Bien que dans la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, le Cameroun reste le 2ème pays, après le Nigéria, où le poids de l’épidémie à VIH est considérable. Environ 531000 personnes vivent avec le Vih au Cameroun. Entre 2000 et 2017, on note une baisse de nouvelles infections. Egalement, l’EDS 2018 révèle une prévalence en baisse 2,7% contre 3,4% pour l’enquête Camphia publiée l’année dernière. Cette réduction s’observe aussi en termes du nombre de décès. En 2018, d’après le ministère de la Santé publique à travers le Comité national de lutte contre le Sida (Cnls), 281 000 personnes sont sous Arv. 70% sont des femmes et 4% des enfants. La proportion de personnes nouvellement mises sous traitement est de 17% en 2018.
Avec la démocratisation du traitement, les patients Vih vivent plus longtemps. Actuellement, 20% de Pvvih (dont 63% femmes) sont des personnes âgées de plus de 50 ans. Entre 2006 et 2018, la file active est passée de 14% (45 ans) à 20,3% (50 ans +). En valeur relative « ce nombre est passé de 27 202 à 80 450 », précise F. Tsimene. « Au premier semestre de 2019, nous sommes déjà à 21,5% », renseigne Dr Marinette Ngo Nemb Tchato, chef section appui au secteur santé au Cnls. Selon cette dernière, on observe une constante baisse des nouvelles infections mais ce risque reste élevé (75%) chez les femmes. « Cette baisse peut s’expliquer par les différents améliorations de la prise en charge, le renforcement de la prévention par l’intensification de la communication, de que le dépistage ciblé dans les populations clés et groupes vulnérables », ajoute-t-elle.
« La personne âgée a de nombreuses difficultés notamment liées au financement de sa maladie. Elle a également des problèmes métaboliques. On se concentre sur l’aspect médicamenteux, malheureusement, la nutrition est négligée. Ce qui pousse les personnes âgées aux maladies métaboliques comme le diabète, l’hypertension… »
- Prise en charge embryonnaire
Son témoignage se passe de tout commentaire tant il est émouvant. De la longue liste de maladies qui entache son quotidien depuis qu’il a été diagnostiqué positif au Vih, il y a 20 ans, il ne reste que l’Alzheimer. Son état de santé l’oblige à ingurgiter 17 comprimés par jour dont les antirétroviraux (Arv). Au Cameroun, le quotidien des personnes âgées n’est pas facile. Tout se complique un peu plus quand celles-ci sont atteintes du Vih. « La personne âgée a de nombreuses difficultés notamment liées au financement de sa maladie. Elle a également des problèmes métaboliques. On se concentre sur l’aspect médicamenteux, malheureusement, la nutrition est négligée. Ce qui pousse les personnes âgées aux maladies métaboliques comme le diabète, l’hypertension… », résume Charles Noubissi de Recap+.
En juin 2019, 64 518 personnes âgées vivant avec le Vih sont sous Arv. On enregistre 700 patients âgés sous Arv chaque mois. Ces résultats flatteurs mettent cependant le pays face à certains défis parmi lesquels, celui de la prise en charge des « vieux » Pvvih, ancien ou nouveau. « Nous avons des directives de prise en charge du Vih qui jusque là n’incluaient pas les patients âgés. C’est-à-dire que les médecins n’avaient pas un document leur indiquant comment prendre en charge un patient de plus de 50 ans», confesse Dr Ngo Nemb Tchato. En réalité, alors que le programme de prise en charge enregistre de plus en plus de personnes âgées, leur cas est traité comme celui de n’importe quel adulte. Il s’avère donc nécessaire de réviser ces directives afin d’améliorer la prise en charge des personnes âgées.
- Colloque
« Ce n’est pas une prise en charge facile parce que ce sont des patients qui pour la plupart ont des maladies associées (diabète, hypertension, insuffisance rénal, Alzheimer et beaucoup d’autres maladies dégénératives ».
La réflexion a cours en ce moment dans le pays d’autant plus que selon les perspectives, on pourrait atteindre les 44,7% d’ici 2025. Soit 44,1% chez les hommes et 44,5% de femmes. « Ce n’est pas une prise en charge facile parce que ce sont des patients qui pour la plupart ont des maladies associées (diabète, hypertension, insuffisance rénal, Alzheimer et beaucoup d’autres maladies dégénératives. Et il est question de pouvoir savoir quel sont de médicaments appropriés donner à ces patients et comment on devrait les prendre en charge pou qu’ils ne soient pas polymédiqués (plusieurs comprimés à prendre », explique encore Dr Ngo Nemb. Dans le sillage de la cogitation, à l’occasion de la journée mondiale de la personne âgée, l’ANRS-Cameroun, l’IRD et l’Institut Français de Yaoundé ont organisé un colloque portant sur « VIH et Vieillissement réussi au Cameroun », le 1 Octobre à l’Institut Français de Yaoundé.
En effet, si la recherche socio-anthropologique sur le vieillissement avec le VIH est assez avancée en Europe, on en sait très peu sur le sujet en Afrique subsaharienne. « Il nous a semblé nécessaire de se confronter avec les acteurs impliqués dans le domaine des personnes âgées et de l’infection à VIH pour partager les connaissances et les expériences avec l’objectif d’identifier des pistes de recherche à poursuivre dans les années à venir », explique Dr L. Ciaffi du Site ANRS Cameroun. Pour ce qui est de l’évolution, les présentations ont permis de réaliser qu’afin d’assurer une meilleure qualité des soins aux personnes âgées vivant avec le Vih, certaines orientations ont été insérées dans le nouveau document normatif dont la publication est prévue dans les prochaines semaines.
De quoi satisfaire l’une des attentes exprimées au nom du ministère des Affaires sociales par Mme Moussa, Conseiller technique n°1 au Minas en présence du Pr Sinata Koulla-Shiro, Coordonnateur Sud du Site ANRS. La seconde étant la double stigmatisation (âge et santé) dont elles sont victimes. L’Anthropologue Dr Bitouga, rapporte au terme d’une étude que beaucoup de personnes ne réalise pas qu’un « sage » puisse être atteint par l’ « oman Boro » (Briseur d’humain) ; l’Okoan ibamba (maladie du désordre sexuel), le « Bikanga bi gui », maladie des quatre lettres. Champ lexical « noir » qui traduit la perception de la maladie dans certaines communautés.