Nouvelles

Dr Siméon Kenfack: « La ville doit disposer d’un système de traitement pour les déchets toilettes »

De concert avec la communauté internationale, le Cameroun a célébré le 19 novembre dernier, la 7e édition de la Journée mondiale des toilettes sur le thème : « Quand la nature nous appelle ». En marge de cet évènement, l’Association Africaine de l’Eau (AAE), organisation panafricaine qui appuie les acteurs de l’eau et de l’assainissement à améliorer leur compétence pour délivrer des services de qualité, a organisé à l’hôtel de ville de Yaoundé, un « roadshow » sur le thème : « Approches-innovations sociales et technologiques pour un environnement sain au niveau communautaire ». Les dessous de cette rencontre avec Dr Siméon Kenfack, Directeur des programmes d’AEA. L’expert promeut l’assainissement inclusif. Ses explications sur ce concept également dans un contexte où : «  Le manque de compétences et de capacités adéquates dans le domaine de l’eau dans certaines parties de l’Afrique ainsi qu’une fragmentation institutionnelle à large échelle, aussi bien à travers l’Afrique qu’entre l’Afrique et l’UE, constituent un obstacle majeur pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) » 

dr siméon kenfack

« Une toilette s’il vous plaît ». C’est le message perçu pendant les sessions de discussion organisé à Yaoundé à l’occasion de la journée mondiale des toilettes au Cameroun. Comment comprendre ce message ?

Lorsqu’on parle des toilettes, on peut croire que tout le monde en dispose. Mais c’est de quelle qualité ? Lorsqu’on parle de développement durable, c’est dire que vous devez mener des actions aujourd’hui qui ne nuisent aux générations futures, qui garantissent durablement la vie demain. C’est de ces toilettes qu’il s’agit. Cependant, la toilette seule ne suffit pas. Elle doit être accompagnée d’autres services parce qu’une fois la toilette pleine, elle doit être vidangée. Et il y a une manière de faire le système collecte -transport et le devenir de ce qui est vidé des toilettes doit être connu par tout le monde et de façon holistique en sorte que les nouveaux modes de vie soient acquis de tous.

Vous venez d’organiser à l’occasion de la journée mondiale des toilettes une journée baptisée le Roadshow, un quelconque lien avec la route ?

C’est justement la route, mais pas celle de la circulation automobile comme certains pourraient le penser. Le parcours d’un projet. Nous sommes depuis 2016 avec des partenaires européens et africains, 16 organisations engagées dans un processus d’accompagnement des acteurs du secteur eau et assainissement, à mieux préparer leur réponse face aux changements climatiques. Le « Roadshow » est que pendant ce parcours de 5 ans, à des étapes clés, on s’arrête, on identifie les potentiels bénéficiaires des produits de nos actions, on partage avec eux les résultats. Mais plus, comme il est question des changements climatiques, il peut arriver quelque part où nous identifions d’autres solutions de réponse aux changements climatiques développées localement que nous prenons dans le projet pour partager avec d’autres personnes d’autres régions du monde où besoin se fait sentir.

Dans le cas spécifiques du Cameroun, le roadshow se greffe à la célébration de la journée mondiale des toilettes. Voilà pourquoi dans cette exposition, on a vu des toilettes innovantes qui permettent au ménages d’utiliser peu d’eau, etc. Voilà le mariage entre la journée mondiale des toilettes, le projet Afrialliance [Le projet AfriAlliance vise à mieux préparer l’Afrique pour faire face aux défis futurs du changement climatique. Dans ce but, des parties prenantes africaines et européennes collaboreront sur les plans de l’innovation dans le secteur de l’eau, de la recherche, de la politique et du développement des capacités. Dirigé par l’UNESCO-IHE, il a démarré en 2016. Le projet a obtenu un financement du Programme de recherche et d’innovation de l’Union Européenne Horizon 2020, Ndlr] et surtout l’accompagnement des acteurs camerounais du secteur par l’Association Africaine de l’Eau.

Des toilettes au changement climatique, on se rend compte finalement que c’est une question assez transversale. Quel est à votre avis l’état des lieux de l’assainissement en Afrique, au Cameroun ?

Il y a globalement deux modes d’assainissement. A savoir l’assainissement autonome, c’est-à-dire que le système est conçu pour être exploité localement mais également, on parle de l’assainissement collectif. Soit, dans une zone d’habitations, on met des tuyauteries qui collectent les déchets ménage par ménage et les conduisent vers un autre point qui est généralement une station de traitement.

Le cas d’un immeuble par exemple ?

Oui, mais aussi des habitations isolées où tout est collecté à partir d’une tuyauterie pour être conduit à travers des grands tuyaux vers une station de traitement. Lorsqu’on fait une évaluation en Afrique, plus de 80% de la population – c’est le cas ici à Yaoundé- ne vivent que de l’assainissement autonome. C’est-à-dire que chaque maison a sa fosse où sont stockés les déchets. Le jour où la fosse est pleine, il est obligé d’appeler un vidangeur pour l’extraire pour le déverser dans la nature. Parce qu’à Yaoundé au Cameroun, il n’y a pas de station de traitement. Ainsi, il pollue l’environnement, il transmet les déchets de certaines personnes à d’autres. Est-ce cela qui est recommandé par le développement durable, je dis Non ! Il faut que la ville dispose de système de traitement pour ce genre de déchets ; que les opérateurs des services de vidange soient reconnus comme un service public. Si ce n’est pas fait, l’Etat est obligé de mettre des réseaux d’égouts partout alors qu’on n’en a pas les moyens pour l’instant.

Ainsi, il pollue l’environnement, il transmet les déchets de certaines personnes à d’autres. Est-ce cela qui est recommandé par le développement durable, je dis Non ! Il faut que la ville dispose de système de traitement pour ce genre de déchets ; que les opérateurs des services de vidange soient reconnus comme un service public.

Parlant des défis de l’assainissement au Cameroun. Selon le ministère de l’Energie et de l’Eau (Minee), la ville de Yaoundé (2,3 millions habitants) est dominée par l’assainissement autonome.  Pour 1500 m3 de vidange collectées par semaine. Telle que la capitale politique du Cameroun est construite, pour ne citer que cette exemple, est-il possible de rattraper en y intégrant l’assainissement collectif ?

Voilà pourquoi nous ne parlons plus de réseaux d’égouts ou d’assainissement autonome mais désormais d’assainissement inclusif. C’est-à-dire que là où on peut mettre le réseau, on le fait. Où ce n’est pas possible, on met des toilettes appropriées et on organise le système de collecte avec des systèmes de traitement approprié. Et c’est la ville qui doit être le premier responsable et planifier. Pour les zones réservées à l’assainissement autonome, signer des contrats avec des sociétés qui doivent assurer la vidange et construire la station de traitement qui doit recueillir la boue des vidanges. Et là où la ville pense qu’on peut faire le système collectif, on met les moyens pour canaliser les déchets vers le système de traitement.

Le projet AfriAlliance prend fin en 2021. Quel bilan affiche-t-il à ce jour ?

Le bilan d’AfriAlliance peut être jugé positif. Parce qu’à travers son réseau de membres, AfriAlliance a pu identifier des innovations sociales et technologies dans plusieurs pays qui lors des évènements de ce genre sont partagés. Des flyers sont distribués. AfriAlliance dispose d’un site web où on retrouve toutes ces informations. Le projet a identifié des gaps en termes de connaissances qui sont repris en module de formation en ligne, ouverte à tous, sans frais. Toutefois, d’autres actions de recherche sur d’autres impacts climatiques qui n’ont pas encore de réponse sont en cours. Nous avons bon espoir que les résultats qui en sortiront seront complémentaires pour mieux valoriser le projet.

dr siméon kenfack 2Les femmes sont elles prises en compte dans ce projet ?

La coordonnatrice principale de ce projet est une femme. Ce qui signifie qu’en termes de présence, les femmes sont partenaires du projet. Dans la mesure aussi où, 400 femmes sont à former en leadership eau et assainissement. Egalement, lorsqu’on parle de recherche, des innovations sociales, on s’assure que celles que le projet promeut sont effectivement des innovations qui prennent en compte le genre.

Pour terminer, au regard des actions menées par le gouvernement que vous semblez appuyer, y a-t-il espoir que l’on réalise les ODD notamment celui sur l’assainissement quand on sait qu’on l’a manqué s’agissant des OMD (Objectifs du millénaire pour le développement)?

…Nous avons encore 10 ans de l’agenda 2030. Ce que je retiens s’agissant du Cameroun est que l’Association Africaine de l’Eau est entrée au Cameroun à travers la Communauté urbaine de Yaoundé. Et je peux avouer que le délégué du gouvernement de la Communauté urbaine de Yaoundé a pris la mesure de la chose. Aujourd’hui, la communauté urbaine de Yaoundé est membre de l’Association Africaine de l’Eau. Par ailleurs, à travers le projet de renforcement des capacités des opérateurs de gestion des boues de vidange, elle a reconnu l’association des vidangeurs et les appuie. C’est reconnu par ces acteurs qu’avant, ils fonctionnaient dans la clandestinité. Par contre, aujourd’hui, même si la police les interpelle, ils ont un point focal à la communauté urbaine pour soutenir leur action. Avec cet acquis au niveau local, aujourd’hui nous menons une activité avec à sa tête, le ministre de l’Energie et de l’Eau. Je pense que d’autorité en autorité de différent niveau, le plaidoyer va aller progressivement vers une prise en compte au niveau décisionnel.

Articles Liés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to top button