11% d’enfants ne terminent pas leurs vaccins dans la région de l’EST
Alors que le Programme Elargi de Vaccination (PEV), prévoit un certain nombre de vaccins gratuits pour les enfants jusqu’à l’âge de 5 ans, de nombreux enfants restent encore non vaccinés. Surtout dans la région de l’Est où selon les statistiques le taux d’abandon se situe autour de 11%. De nombreux obstacles entravent la couverture vaccinale. Ceci risque d’impacter l’élan du pays qui voudrait atteindre les objectifs de développement durables dont l’un des plus important est de réduire le taux de mortalité des enfants de 0-5 ans, d’ici 2020. Comme sur l’ensemble du territoire, le Pev-Est a besoin de plus de ressources pour financer la vaccination, dans un contexte où, malheureusement les échéances programmatiques au niveau global à travers, les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) prévoient une réduction de leurs appuis d’environ 15% à partir de 2020 avec l’arrêt des financements de la lutte contre la Poliomyélite dont la diminution est en cours depuis cette année.
1- La vaccination de routine a mal en son fonctionnement
Hôpital régional de Bertoua. Mardi 27 novembre 2018. Dans ce couloir en forme de T qui sert de salle d’attente, les mamans ont honoré le rendez-vous que donne au quotidien dans cette formation sanitaire, Françoise Marie Rota Responsable du Programme Elargi de Vaccination (Pev) et sa collègue Thérèse Wos A Bekos, vaccinateur. Ariane Kelly l’une des mamans présente, a très tôt compris l’importance de ce moment pour sa petite Edeline, âgée d’environ trois mois. En attendant la petite piqûre, affectueusement administrée pour son « bien être », la bambine gazouille. Tout nu en raison de la pesée qui précède la vaccination proprement dite, un autre nourrisson ne semble pas apprécier. Ses hurlements en entraînent d’autres, obligeant les mamans à sortir un sein ou un biberon pour calmer les revendications naissantes. Alors que, toujours pour les petits bouts de chou, les mères doivent se prêter religieusement à la traditionnelle causerie éducative offerte dans cette formation sanitaire par Roméo Bazza Ndomba, agent de santé communautaire (ASC) et point focal communication de cet hôpital qui couvre officiellement sept (07) quartiers.
Au Centre de santé intégré de Mokolo 1. Hélène Kembou, Major de la vaccination, s’affaire pour « libérer » les mamans impatientes et leurs bébés au plus vite. Il ne faut surtout pas les amener à regretter ce moment consacré à la protection de leurs rejetons. Une piqûre, un cri, bébé est protégé. Maman flatte et le tour est joué. « A six semaines, les enfants reçoivent : le Penta 1ere dose, association de 5 vaccins que sont diphtérie, coqueluche, tétanos, hépatite virale B et les infections à Haemophilus Influenzae type b. Ensuite on administre la Pneumo 13, le vaccin à Rotavirus et le vaccin anti-poliomyélite », explique Hélène Kembou. Un tableau idyllique est rendu possible grâce à l’appui des partenaires au développement au rang desquels Gavi, Unicef qui accompagne le gouvernement du Cameroun dans ces programmes nationaux de vaccination à travers l’approvisionnement en vaccins, la gestion de la chaîne de froid et la promotion de la participation communautaire…
2- Loin des apparences…
Dans cette Pmi comme dans plusieurs autres formations sanitaires de la région de l’Est-Cameroun, la présence de certaines mamans dans les postes de vaccination fixe, n’est que l’arbre qui cache la forêt. Car loin des apparences, la vaccination de routine ne porte pas aussi bien qu’il y paraît. De nombreux obstacles entraînent comme conséquences immédiates, la baisse de performance en stratégie de routine. De même, la vaccination en stratégie avancée dans le but de rattraper les perdus de vue voire de recruter des enfants qui n’ont jamais pris un seul vaccin depuis leur naissance, se heurte à de nombreux goulots d’étranglement dont l’insuffisance en ressources humaines. A côté de l’inaccessibilité géographique, cette carence en personnel constitue à elle-seule 40% des contres performances enregistrées dans la région.
Au poste de vaccination l’Hôpital régional de Bertoua, « il faut au moins 4 personnes avec des tâches définies et spécifiques », confie Marie Françoise Rota, qui par ailleurs décline les tâches affectées à chaque personnel. Ainsi : La première serait affectée au tri (c’est-à-dire, séparer les carnets par antigène ou simplement repérer pour transfert au bureau compétent, les enfants de mamans séropositives, etc.) ; la seconde serait chargée d’assurer le service d’IEC ; la troisième pour la pesée et le renseignement de la courbe de croissance dans le carnet de vaccination des enfants ; la quatrième serait en charge des registres. « Si elle oublie d’enregistrer un seul enfant, on va penser que c’est un enfant perdu de vue pourtant ce dernier a été vacciné. Mais, on ne l’a pas pris en compte pendant le pointage. Maintenant il faut un personnel qui doit vacciner. Parce que quitter de l’eau pour le Bic n’est pas aisé ».
3- Un taux d’abandon élevé
La surcharge de travail impacte négativement la qualité de service, contraignant les mamans à souvent quitter le centre pour aller ailleurs dans le meilleur des cas. Car, dans le pire des situations, l’enfant est sorti du circuit de protection par la vaccination. Ces abandons ont des répercutions dans les autres centres de santé. Surtout, au niveau de l’approvisionnement. « Notre commande est toujours sous estimée. Nous sommes dans une zone urbaine, nous recevons toujours plus d’enfants que nous attendions. Parfois, nous attendons 50 enfants, mais nous en recevons 100 voire 150. Ce qui fait que les commandes que nous avons fait pour une semaine, nous pouvons les utiliser en un jour», relève Nicole Claire Nkee, chef de centre pmi Mokolo 1. Et d’ajouter : « Ça nous pose problème au niveau du district où généralement, on nous demande d’attendre, de penser aux autres centres. Je ne sais pas s’il y a une répartition officielle au niveau du district qui demande un certain quota pour chaque formation sanitaire. On ne peut empêcher les mamans de venir faire vacciner leurs enfants ici ».
En 2017 renseigne Gaetan, Data Manager Pev Est, sur les 35 323 enfants cibles étaient attendus, 34 825 ont été effectivement vaccinés. Soit 99%. En 2018, rendu au mois d’octobre, la région affiche déjà un taux de couverture estimé à 96%. Un beau score –au dessus de l’objectif national qui est de 90% et pas moins de 80% pour le district de santé- mais qui pourrait occulter la réalité car, « tous les districts de santé, n’ont pas atteint cette cible », confesse Dr Christine Pouth Nkengue, Coordonnatrice régionale du Pev-Est. Conséquence, on mesure la performance en fonction du taux d’abandon. Et là, évaluée à 11%, très au dessus du 7%, niveau scientifiquement acceptable, la région n’affiche pas bonne mine. « Il reste des couches non atteintes. Ce qui pose un problème d’équité », regrette Dr Pouth Nkengue.
« L’un de nos gros problèmes dans cette région est celui des longues distances. A ceci s’ajoute les zones d’insécurité en raison du conflit qui sévit chez nos voisins Centrafricains », confie une habitante de Bertoua, chef lieu de la région. En effet, l’enclavement de certains villages et les longues distances sont un réel problème. Il faut parfois parcourir jusqu’à 50 km pour trouver un poste de vaccination. D’où la nécessité de l’institution des stratégies avancées. Laquelle bute au déficit de logistique (manque de moyen de transport). Par exemple, pour disponibiliser les vaccins à Garoua Boulaï (80 000 habitants) situé à 250 km de Bertoua, Dr sylvain Tcheumaga, chef de district de santé est obligé d’utiliser les services des transports en commun. « Bien sûr qu’on a les moyens de protéger», souligne ce dernier. Cependant, il n’en demeure pas moins qu’il y a des risques liés aux intempéries. Le car pourrait par exemple tomber en panne, le temps de se redéployer, le vaccin peut en prendre un coup. « Ce n’est pas encore arrivé », se défend le chef de district. Il fini toutefois par admettre que « ce risque est possible », avant de solliciter un véhicule de liaison pour le district de santé de Garoua Boulaï. Autre problème identifié ici, le poste de santé à la frontière qui fait office de Centre de santé intégré à Garoua Boulaï n’a pas de bâtiment. Logé dans les locaux de l’ancien Snec, il est en train d’être déguerpi. Même pour la vaccination en poste fixe, il squatte un espace à l’hôpital.
Nadège Christelle BOWA
De retour de l’EST