Afrique : Les gouvernements doivent investir dans la promotion de l’arrêt du tabac
Telle est la substance d’une déclaration conjointe d’organisations africaines de lutte contre le tabagisme à l’occasion de la Journée mondiale sans Tabac célébrée ce 31 mai 2021 sous le thème : « s’engager à arrêter ». Un message particulièrement opportun à l’heure où le monde continue de lutter pour contenir la pandémie de COVID-19.
D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « les fumeurs courent un risque plus élevé de développer une maladie grave et de mourir du COVID-19 ». S’engager à arrêter de fumer en ce moment permet non seulement de garantir la bonne santé et le bien-être de la population, mais aussi de réduire considérablement les énormes charges économiques et sociales que les gouvernements subissent actuellement en raison de la pandémie. « Nous devons apporter aux consommateurs du tabac l’aide dont ils ont besoin pour arrêter », lancent de concert African Centre for Tobacco Industry Monitoring and Policy Research (ATIM) ; Alliance pour le Contrôle du Tabac en Afrique (ACTA) ; Centre for Tobacco Control in Africa (CTCA) ; Framework Convention Alliance (FCA) dans un communiqué conjoint publié à l’occasion de la journée mondiale sans tabac.
Le thème de cette année non seulement fait une demande spéciale aux fumeurs, mais donne l’occasion de souligner l’importance du sevrage tabagique. En effet, soulignent les signataires : « Offrir une aide pour arrêter de fumer est l’une des six mesures rentables et à fort impact qui aident les pays à réduire la demande de tabac ». Ces mesures, connues sous le nom de MPOWER, comprennent également la surveillance de la consommation de tabac et des politiques de prévention, la protection des personnes contre la fumée du tabac, la mise en garde contre les dangers du tabac, la mise en œuvre de l’interdiction de la publicité, de la promotion et du parrainage du tabac et l’augmentation des taxes sur le tabac. Malheureusement, bien qu’il soit l’une des mesures MPOWER les plus importantes, l’aide à l’arrêt du tabac a été identifiée comme la mesure la plus sous-utilisée.
Une mesure sous utilisée
Alors que l’article 14 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) encourage la sensibilisation au sevrage tabagique et l’accompagnement de personnes dépendantes du tabac, le rapport de l’OMS 2017 sur l’épidémie mondiale de tabagisme, présente moins d’un pays à revenu intermédiaire sur 10, offrant un soutien complet à l’arrêt du tabac. En Afrique, seul le Sénégal était cité. L’édition 2019 du rapport note que les pays d’Afrique subsaharienne ont un bilan médiocre dans la mise en œuvre des initiatives de sevrage. Selon le rapport, le soutien au sevrage tabagique était proposé dans certains établissements de soins de santé primaires dans 10 pays, mais le coût n’était que partiellement couvert dans quatre pays et pas du tout dans trois pays. Le rapport révèle également que sept pays d’Afrique subsaharienne disposent d’une stratégie nationale de sevrage tabagique et que dix pays ont des directives cliniques nationales, mais seulement quatre pays ont mis en place des lignes téléphoniques gratuites pour l’arrêt du tabac.
Le consortium estime toutefois que plusieurs mesures peuvent être prises pour intensifier les efforts de sevrage en Afrique. Par exemple, le fait de confier les conseils relatifs à la cessation tabagique à des travailleurs de la santé de niveau inférieur limitera les demandes multiples imposées aux professionnels de la santé de haut niveau, qui sont souvent surchargés et en nombre insuffisant. Le suivi et l’évaluation des stratégies et des programmes d’arrêt du tabac permettront de s’assurer qu’ils sont alignés sur les meilleures pratiques. « En fin de compte, il est nécessaire de renforcer les systèmes de santé existants pour mettre en œuvre des initiatives de promotion du sevrage tabagique et de traitement de la dépendance au tabac ». Pour ces organisations, les gouvernements africains doivent également investir dans la promotion de l’arrêt du tabac, en développant des stratégies et des directives nationales fondées sur des preuves et rentables, et en allouant des ressources adéquates pour la mise en œuvre des programmes.
Méthodologie
Des conseils gratuits doivent être fournis aux personnes qui renoncent au tabac, et les initiatives de communication de masse qui encouragent l’arrêt du tabac doivent faire partie des programmes de sevrage. Pour un effet optimal, les gouvernements doivent mettre en œuvre ces programmes en conjonction avec d’autres politiques de réduction de la demande de tabac, notamment des taxes plus élevées sur le tabac, des espaces non-fumeurs, l’interdiction de la publicité, de la promotion et du parrainage du tabac, des avertissements sanitaires illustrés de grande taille sur les paquets de tabac et des campagnes médiatiques antitabac.
« L’industrie du tabac voit un énorme marché en Afrique et continuera sans doute à tenter d’attirer le plus grand nombre possible de personnes vers ses produits », préviennent-elles. Les compagnies de tabac investissent massivement dans des stratégies et des technologies visant à initier les jeunes à leurs produits. Au moins 1,3 milliard de personnes utilisent ses produits, dont plus de 80 % vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. L’industrie cherche à inonder l’Afrique de nouveaux produits tels que les e-cigarettes, en les présentant de manière trompeuse comme des aides à l’arrêt du tabac et des produits de réduction des risques. A ce sujet, l’Oms est claire: les preuves ne sont pas encore concluantes et les e-cigarettes sont souvent utilisées en même temps qu’un ou plusieurs produits du tabac, ce qui les rend très nocives pour la santé.
Tous unis contre le tabac, Fatou Diouf, Coordinatrice Régionale de FCA en Afrique ; Dr. Jim Arinaitwe, Manager de CTCA ; Léonce SESSOU, Secrétaire Exécutif, ACTA ont donné une conférence de presse virtuelle, le vendredi 28 mai 2021. « La Journée Mondiale Sans Tabac 2021 nous rappelle que notre responsabilité en tant que acteurs de la lutte antitabac ne se limite pas seulement à tenir l’industrie en échec et à la faire payer pour les dommages qu’elle cause, mais aussi à faire en sorte que les quelque 20 % de la population mondiale qui utilisent actuellement leur produit obtiennent l’aide dont ils ont besoin pour renoncer au tabac », ont-ils ensemble réitéré.
Nadège Christelle BOWA