Cameroun : Une ère nouvelle s’ouvre pour la gestion des ressources génétiques
Le tout premier Forum national sur les ressources génétiques s'est achevé le vendredi 17 janvier autour d'une signature de convention entre la firme internationale Basecamp Research et le gouvernement de la République du Cameroun, représenté pour la circonstance par le ministère de l'Environnement, de la Protection de la Nature, à travers quatre communautés pour l’exploitation des ressources génétiques. Les perspectives selon le Point focal APA au Minepded; la requête des chercheurs; le ressenti des communautés locales.
Pari tenu pour le Cameroun qui vient d’organiser à Yaoundé, son tout premier Forum National sur les ressources génétiques, les 16 et 17 janvier 2025 autour du thème : « A la découverte des trésors cachés des ressources génétiques du Cameroun ». Au soir de cet évènement, le ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable (Minepded), peut afficher sa fierté. Surtout après la signature le vendredi 17 janvier, de la convention [Nous y reviendrons] entre la Compagnie Basecamp Research et le gouvernement du Cameroun, agissant à travers quatre communautés pour l’exploitation des ressources génétiques. « C’est une première pour le Cameroun d’organiser un forum sur les ressources biogénétiques. Et vous avez pu constater la richesse de la biodiversité camerounaise. Le Cameroun dispose de 11 000 espèces. Si l’on exploite 9 000 de ces plants suivant le model APA [Accès et partage juste et équitable des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques, Ndlr] le budget national du Cameroun va gagner plusieurs centaines de milliards FCFA. C’est pour dire que nous avons des ressources naturelles importantes mais cachées. Ce forum est une invitation à aller de l’avant. Il est important désormais que ce travail soit connu à travers des transmissions », a expliqué Helle Pierre, au sortir de ces assises organisées avec le soutien de la GIZ.
L’exposition a permis de mettre en lumière la richesse et le potentiel qu’offrent les ressources génétiques du terroir. « …Je suis moi-même surprise de savoir que même au niveau local, les populations ont des produits qui sont transformés même de façon artisanale », a affirmé Dr Aurélie Dingom Taylor, Point focal APA/Inspecteur N°2 Minepded, maitre d’œuvre de ce banquet scientifique. Les Universités et Instituts de recherche, les organisations de la société civile, les peuples autochtones, communautés locales et coopératives, etc., ne se sont pas faits prier pour déployer leur savoir-faire. Une niche de produits et innovations issus des ressources génétiques comme dans le stand de de l’Ecole Nationale Supérieure des Sciences Agro-industrielles (Ensai) de l’Université de Ngaoundéré dans la région de l’Adamaoua.
Avantages et partage
« Nous sommes ici au forum pour présenter quelques-unes de nos productions dans le cadre de la valorisation des bio-ressources, des ressources génétiques du Cameroun. L’élément que je vais vous présenter est un hydrocolloïde, une gomme hydrocolloïde qui est un extrait de gluant végétaux. Celui-ci on l’a obtenu à partir du Nkui. L’hydrocolloïde peut intervenir dans la stabilisation des émulsions alimentaires, telles que les sauces vinaigrettes, le ketchup, la sauce tomate. Ça peut permettre de stabiliser les mayonnaises », renseigne Pr Richard Nguimbou de l’Ensai. Le Nkui ou Triumfetta pentandra est une plante dont l’écorce en pays Bamiléké, sert à la préparation d’un plat traditionnel, sauce gluante servie avec du couscous de maïs, à l’occasion de la naissance d’un enfant pour la bonne santé de la mère. Sur le plan cosmétique, poursuit l’Enseignant-chercheur, l’hydrocolloïde sert à stabiliser les laits de toilette, à homogénéiser les pommades antiseptiques, antibiotiques.
« À côté, vous avez son homologue qui est de l’amidon de patates douces, mais modifiées. Nous les modifions pour qu’ils acquièrent des propriétés émulsifiante, stabilisante dans le domaine alimentaire et cosmétique également », présente Pr Nguimbou. Le stand expose aussi des probiotiques, substances qui ont la faculté de protéger la flore intestinale. « Ce sont des micro-organismes que nous avons isolés à partir du lait fermenté, notamment les bactéries lactiques qui peuvent, dans cet état stabilisé, être utilisé pour la fermentation alimentaire. Vous pouvez l’utiliser en très faible quantité pour fabriquer du yaourt ou tout autre boisson qui nécessite une fermentation bactérienne ». De nombreux autres « trésors cachés des ressources génétiques du Cameroun », tels que le suggère le thème du Forum, sont dévoilés dans les différents stands, comme celui de l’IMPM, de l’Université Evangélique de Mbouo…les lauréats du concours organisé à cette occasion.
Nadège Christelle BOWA
Réactions
Dr Aurélie Dingom Taylor, Point focal APA/ Minepded
« Créer des connexions entre les parties prenantes pour booster l’économie »
L’opportunité est offerte pour établir des connexions entre ces communautés qui ont un savoir faire qu’elles expriment à travers les produits que vous voyez et la recherche qui sait identifier le principe actif, qui sait identifier la molécule ; et le secteur privé pour développer et mettre sur le marché, les produits innovants basés sur la biodiversité. Il faudrait qu’au sortir de ce forum national, que ces connexions soient établies parce que le dialogue est passé. Les conférences B to B ont eu lieu afin que les parties prenantes puissent voir ensemble ce qui peut être fait. La perspective est économique, elle est celle de faire passer le message à travers l’information, la sensibilisation. La perspective est également de créer des connexions entre les parties prenantes et comme cela, au niveau de l’APA au ministère, nous contribuons à booster l’économie pour le grand bien de la gestion durable et de prospérité de notre pays.
Pr Richard Nguimbou, l’Enseignant-chercheur Ensai
Que la recherche soit davantage encadrée
Nous sommes venus au Forum parce qu’il y a APA qui est l’accès et le partage des avantages liés à l’exploitation des ressources génétiques. C’est une aubaine pour nous. Parce que jusqu’à présent, ce partage n’est pas équitable. Nous avons des bioressources qui souffrent d’une sorte de sous-exploitation. Nous n’avons pas entièrement les technologies pointues qui permettent d’avoir ces produits. Nous sommes satisfaits. Mais que la recherche soit davantage encadrée et que nous ayons la technologie de pointe pour extraire ces actifs, sans plus avoir besoin de souscrire avec un collaborateur extérieur. Lorsque nous sommes allés vers un paysan pour les collectes, nous nous rassurons, surtout pour ce qui est des macro-produits, que nous revenons dans le cadre d’un projet, installer un système d’extraction artisanale.
Sa Majesté Wifried Yinda, chef traditionnel de Ngompém/Pouma
« L’enjeu est de donner de la valeur à nos ressources »
Avant, on était soumis à la biopiraterie. Des incursions de façon inopinée, non autorisée dans nos territoires n’étaient pas encadrées. On ne savait pas dans quel cadre intervenaient certains acteurs. Mais la loi qui a été prise vient encadrer tout cela. C’est de bon augure pour la suite et ça ouvre de bonnes perspectives. C’est ici le lieu pour nous de féliciter les pouvoirs publics qui ont pris l’initiative de concevoir un arsenal législatif pour encadrer tout cela. L’enjeu pour nous c’est de donner de la valeur à nos ressources qui font partir de notre écosystème et de pouvoir de façon générale remonter la chaîne des valeurs industrielles mondialisées de l’amont vers l’aval pour pouvoir capitaliser le maximum de valeur ajoutée liée à la transformation de ces ressources biologiques de nos écosystèmes. C’est un partenariat stratégique.
Rassemblées par
Nadège Christelle BOWA