Forêt et Faune

Comment faire des forêts du Bassin du Congo des pôles de recettes et non plus de dépense

L’Initiative COMIFAC-WWF pour l’augmentation des flux internationaux de financements climatiques et de la biodiversité en faveur des forêts du Bassin du Congo, s’offre comme une alternative, au regard des résultats de la 29e Conférence des parties des Nations unies sur les changements climatiques (COP29) qui s’est tenue à Bakou (Azerbaïdjan) du 11 au 22 novembre 2024. Il semble que l’Afrique ne peut plus compter sur les financements extérieurs tel que pensé par le passé. Ses experts explorent des pistes pour changer de paradigmes.

Une déception ! La COP29 n’a pas apporté grand-chose à l’Afrique en général et au Cameroun en particulier. Selon Timothée Kagonbé, Point focal CCNUCC et Giec et par ailleurs Coordonnateur national CDN au ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable (Minepded), les objectifs visés sont loin d’avoir été atteints. Surtout ceux financiers. Car il était question lors de ce rendez-vous de définir un nouvel objectif financier. En effet, lors de la COP21 en 2015 à Paris, il avait été décidé que les pays développés mobilisent 100 milliards de dollars par an. « Malheureusement après huit ans, on était environ à 80 milliards. Ils n’ont même pas pu mobiliser 100 milliards en huit ans. Dans les négociations à Baku, l’accord conclu prévoit que les pays à revenu élevé mobilisent 300 milliards de dollars par an jusqu’en 2035. Pour les pays africains, c’est une insulte parce que ça ne représente même pas le dixième de ce que nous attendons », s’insurge l’expert au cours du café-science co-organisé le vendredi 31 janvier 2025, par l’Association des Journalistes et communicateurs scientifiques du Cameroun (Scilife), le Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (Remapsen), avec le soutien du ministère de l’Environnement et le Fonds mondial pour la nature (WWF).

Le café-science qui s’est déroulé dans les locaux de l’UNESCO à Yaoundé avait pour thème « COP29, résultats globaux et avancement forestier à haute intégrité dans le Bassin du Congo ». Avec pour objectif : présenter les résultats globaux de la COP29 et leurs implications pour le Bassin du Congo, et les défis liés à la conservation de la biodiversité ; expliquer l’initiative de financement forestier à haute intégrité du bassin du Congo (CB-HIFFI). Concernant l’orientation du fonds créé lors de la COP27 tenue à Charm el-Cheikh en Égypte pour les pertes et dommages de l’article 8, « jusque-là, on n’a pas encore quelque chose de très essentiel, mais les négociations vont continuer en juin à Bonn et encore à Belem pour pouvoir trouver des éléments importants et apporter un plus à l’Afrique qui a besoin de moyens pour s’adapter aux questions de changement climatique », se rassure-t-il. Seul point positif de cette 29e COP, la finalisation des modalités de mise en œuvre et d’entrer dans le marché carbone dont les discussions stagnaient depuis neuf ans. Cependant, « ce n’est pas le carbone qui nous intéresse. C’est d’abord les co-bénéfices, c’est la création d’emplois, c’est le développement d’un environnement sain pour nos populations. Le carbone viendra appuyer », rappelle Timothée Kagonbé selon qui : « le carbone, c’est la cérise sur le gâteau. Il faut d’abord rechercher autre chose, partant de la vision du Cameroun, qui est de transformer les contraintes climatiques en opportunités de développement ».

Transition économique vers une économie verte

Face à ces multiples déceptions qui se succèdent d’année en année, l’Afrique a décidé d’explorer de nouvelles pistes. Au travers d’une initiative de la Comifac accompagnée par le Fonds mondial pour la nature WWF, pour l’augmentation du flux de financement pour les forêts du bassin du Congo. Selon Jonas Kemajou Syapze, expert en financement climatique au WWF, cette initiative consiste à identifier les facteurs économiques inhérents aux forêts du bassin du Congo, leur donner une valeur et les monétiser auprès des partenaires internationaux qui œuvrent pour la préservation de l’environnement. « Ceci vise tout simplement à faire des forêts du bassin du Congo non plus des pôles de dépenses comme c’est le cas en ce moment, mais des pôles de recettes, parce que lorsque ces forêts deviennent des pôles de recettes, cela voudrait dire que ça génère des revenus au pays du bassin du Congo et partant les pays du bassin du Congo devraient pouvoir la protéger et tirer le maximum de bénéfices pour leur économie », explique l’expert financier.

Une étude commandée par la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC) et le Fonds mondial pour la nature (WWF) révèle qu’entre 2017 et 2021, le financement pour la foresterie et la protection de l’environnement dans le deuxième plus grand bloc forestier mondial n’a représenté que 4 %, totalisant seulement 40 millions de dollars américains contre 1 milliard de dollars sur la même période pour les bassins de l’Amazonie et de Bornéo-Mékong Asie du Sud-Est. Cette disparité de financement pourrait avoir des répercussions graves, car le Bassin du Congo joue un rôle crucial dans la biodiversité mondiale et les objectifs climatiques. Ses forêts de près de 180 millions d’hectares de forêt tropicale, gérées par six pays, constituent un atout vital pour la planète. Elle compte les plus vastes tourbières tropicales du monde, couvrant environ 145 millions d’hectares, et séquestre l’équivalent de 10 ans d’émissions mondiales de CO2.

Le bilan carbone des pays du bassin du Congo est net positif de près de 1,5 milliard de tonnes de carbone selon les études de Central African Forest Initiative (Cafi). Attribuer une valeur monétaire à ces forêts pourrait fournir des incitations continues pour leur protection et soutenir les objectifs climatiques définis dans l’Accord de Paris. « Si ces facteurs sont étudiés, analysés, évalués à leur juste valeur et que les négociations sont faites de manière juste et équilibrées pour que ces valeurs soient payées aux Etats, toutes les forêts à haute intégrité du bassin du Congo deviendraient naturellement des pôles de recettes pour les pays et partant pour donner un coup de pouce à la transition économique vers une économie verte de nos nations », soutient Jonas Kemajou.

Nadège Christelle BOWA

 

Articles Liés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page