Biodiversité

COP 16 : Les droits des populations autochtones et communautés locales en priorité

C’est l’une des principales attractions pour de nombreuses organisations qui entendent scruter les décisions prises pendant cette rencontre importante, deux ans après l’adoption du Cadre mondial pour la biodiversité. Selon ces dernières, les dirigeants et leaders mondiaux à la COP 16 sur la biodiversité qui va s’ouvrir à Cali dès lundi, doivent reconnaître le rôle crucial et les connaissances des personnes qui vivent dans et autour des Aires protégées depuis des générations.

« La COP16 ne sera pas une COP de grandes décisions […] mais c’est une COP particulièrement importante parce que c’est la première occasion pour les pays de signaler leur engagement à mettre en œuvre ce qui a été convenu deux ans plus tôt », commente Dr Dilys Roe, responsable de la biodiversité et la conservation à l’International Institute for Environnement and Developpement (IIED) à la veille de la COP16 sur la Biodiversité qui se tient du 21 octobre au 1er novembre 2024 à Cali en Colombie sous le thème « Paix avec la nature ». Il s’agit du tout premier évènement organisé depuis l’adoption de l’Accord de Kunming-Montréal le 19 décembre 2022, lequel a fixé le cadre de l’action internationale face à la crise de la biodiversité. L’on se rappelle que des engagements audacieux avaient alors été formulés en décembre 2022 lors de la COP15, soit de préserver et de restaurer la nature, de promouvoir la finance durable et de proposer un cadre pour aider les entreprises à divulguer leurs impacts sur la nature. Plus important encore, le Cadre mondial de la Biodiversité de Kunming-Montréal y avait été adopté. Ce cadre définit des cibles essentielles pour protéger les écosystèmes mondiaux et réduire les menaces pesant sur la biodiversité. Les 23 cibles du cadre ont été fixées pour 2030, dont la cible ambitieuse 30×30 qui vise à protéger 30 % des terres et des océans.

« Nous allons donc chercher des preuves de cet engagement. Plus précisément, nous attendons des preuves que les priorités, les besoins et les droits des populations autochtones dans les communautés locales seront au cœur des décisions qui seront prises », poursuit Dr Roe, précise quant à l’intérêt de cette organisation à la COP 16. « Le gouvernement colombien a présenté ce projet comme la COP du peuple et nous, à l’IIED, nous voulons voir de bons résultats pour les gens et pour la nature. Nous savons que la nature se porte mieux sur les terres gérées et entretenues par les populations autochtones et les communautés locales, et nous pensons franchement qu’il est consternant qu’elles luttent encore pour que leurs droits soient reconnus, qu’elles doivent encore se battre pour cette reconnaissance. Nous voulons donc que les discussions et les décisions reflètent un engagement à mettre leurs droits, leurs besoins et leurs priorités au premier plan, de manière à ce que la conservation soit une priorité ». L’IIED espère que les pays donateurs et les dirigeants mondiaux feront preuve d’une plus grande ambition en matière de financement de la protection de la nature.

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2 décembre 2023

Des financements innovants

« Bien que le montant des fonds alloués à la biodiversité soit important, nous pensons qu’il y a autre chose de plus important. Il est essentiel que nous examinions la qualité des financements dont nous disposons déjà avant de nous préoccuper d’en obtenir de plus en plus. Je veux dire par là qu’il faut examiner les financements existants, voir où ils vont, ce qu’ils font et ce qu’ils ne font pas », suggère Nicola Sorsby, Chercheur (nature-climat), sidérée par ce que, « pratiquement aucun argent ne parvient aux peuples indigènes et aux communautés locales, dont nous savons qu’ils jouent un rôle essentiel dans la conservation de la nature. À l’heure actuelle, ils ne reçoivent qu’une infime partie d’un gâteau qui n’est en fait pas très grand. C’est donc une somme alarmante qui est allouée au niveau local. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’un objectif qui permette de mesurer le financement reçu directement ».

La question du financement de la nature axé sur les peuples autochtones et communautés locales retiendra donc l’attention des représentants de l’IIED à Cali. Également chercheure à l’IIED, Anna Ducros travaille sur les mécanismes financiers innovants et sur la manière dont ils peuvent être conçus pour accroître la qualité et la quantité des financements qui atteignent à la fois la nature et les gens. « Nous travaillons notamment sur les crédits de biodiversité, qui sont un certificat ou une garantie représentant une unité mesurée et fondée sur des preuves, une valeur positive pour l’environnement ». Ce mécanisme explique-t-elle, est conçu de manière à ce que les peuples autochtones et les communautés locales ne se contentent pas de percevoir les fonds provenant des crédits de biodiversité, mais qu’ils aient également un rôle actif sur le marché. Aussi, ils jouent donc un rôle dans la conception de l’architecture financière, de la gouvernance et de la politique relative aux crédits de biodiversité.

De l’agriculture et de la pêche

L’objectif « 30 x30 » à savoir protéger 30 % des terres et des mers d’ici à 2030, est l’un des éléments du Cadre mondial pour la biodiversité. De nombreuses organisations se disent très préoccupés par la manière dont cet objectif pourrait être mis en œuvre. La base mondiale des aires protégées dénombre aujourd’hui plus de 270 000 aires protégées et conservées terrestres et marines couvrant 16,8 % des terres et 8% des mers (Union Internationale pour la Conservation de la Nature-UICN, novembre 2022). « Nous suivons donc ce dossier avec intérêt et nous sommes particulièrement attentifs à l’impact qu’il aura sur les populations autochtones et les communautés locales, ainsi qu’à leur degré d’implication dans ce processus », affirme Dr Roe. Selon Barbara Lassen, Chercheuse senior (conservation, communautés et équité), ce serait une « grave erreur » de chercher à atteindre cet objectif « simplement en clôturant de nouvelles zones pour créer de soi-disant forteresses de conservation », ironise-t-elle convaincue qu’il existe de meilleures façons d’atteindre l’objectif « 30 x 30 ». La première à son avis consiste à s’assurer que les zones protégées impliquent les populations locales et la prise de décision, et qu’elles ne leur sont pas imposées.

Une hutte Baka dans la région du Sud au Cameroun

« Il s’agit d’abord de veiller à ce que les populations locales soient impliquées dans les processus décisionnels et non pas imposées, et ensuite d’essayer d’augmenter la superficie des zones protégées. D’une certaine manière, nous pensons qu’il est grand temps de passer de la rhétorique à la réalité en ce qui concerne la conservation gérée par les communautés. Sinon, nous n’aurons aucune chance d’enrayer la perte de biodiversité. Et tout ce que nous tenterons de faire se fera au détriment des plus vulnérables », prévient Barbara Lassen. Outre les 30 % de terres à protégées, la gestion des 70 % de terres non couvertes par des zones protégées et la façon dont la biodiversité prospère sur ces terres est une autre source de préoccupation. « Nous voulons que l’agriculture soit beaucoup plus au centre de la mise en œuvre de la COP, en particulier les petits exploitants agricoles et les pêcheurs », relève Duncan Macqueen, directeur des forêts à l’IIED car explique-t-il : « L’agriculture, et en particulier les exploitations agricoles et les incendies, continue d’être le principal facteur de perte de forêts dans la plupart des pays du monde. Au lieu de diminuer, la perte de forêts primaires a progressivement augmenté au cours des 20 dernières années, à raison d’un peu plus de 3 millions d’hectares par an. Pour vous donner une idée, c’est comme si l’on perdait 10 terrains de football par minute pendant 20 ans, à chaque minute ».

Nadège Christelle BOWA

 

 

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