Changement climatique

Des experts explorent la piste du méthane d’origine animale

Changement climatique

 Il s’agit d’un puissant gaz à effet de serre qui a le plus d’impact sur le climat après le CO2. S’il reste moins longtemps dans l’atmosphère, son pouvoir de réchauffement est plus de 80 fois supérieure à celui du dioxyde de carbone sur une période de 20 ans. L’augmentation de la consommation de produits d’élevage est un puissant facteur de croissance des émissions.

« Les vaches ne produisent pas seulement du lait et de la viande. Elles émettent également du méthane, un puissant gaz à effet de serre », singe swissinfo.ch dans l’une de ses publications sur le sujet. Cette tournure comique cache assez mal l’ampleur des dégâts de ce gaz sur le climat. Une évaluation publiée par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et la Coalition pour le climat et la qualité de l’air, révèle même que la réduction des émissions de méthane liées à l’agriculture serait essentielle dans la lutte contre le changement climatique. Sans une baisse drastique de ses émissions dans les années à venir, il ne sera pas possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C apprend-t-on. L’heure est donc grave ! Toujours selon le PNUE, les émissions générées par le bétail, provenant du fumier et des rejets gastro-intestinaux, représentent environ 32 % des émissions de méthane d’origine humaine. La croissance démographique, le développement économique et la migration urbaine ont stimulé une demande sans précédent de protéines animales et, la population mondiale approchant les 10 milliards d’habitants, cette demande devrait augmenter de 70% d’ici 2050. 

« S’ils étaient un pays, les animaux de ferme seraient le plus grand producteur de gaz à effet de serre après la Chine et les États-Unis » swissinfo.ch

Le méthane est à l’origine d’environ 30 % du réchauffement de la planète depuis l’ère préindustrielle et il prolifère plus rapidement que jamais depuis que l’on a commencé à tenir des registres dans les années 1980. En fait, d’après les données de la National Oceanic and Atmospheric Administration des Etats Unis, même si les émissions de dioxyde de carbone ont ralenti pendant les fermetures liées à la pandémie de 2020, le méthane atmosphérique a augmenté. Chez les bovins et autres ruminants, le méthane est produit par des bactéries dans le rumen, le premier des quatre estomacs de l’appareil digestif. Il se forme principalement lors de la fermentation des fibres végétales et s’échappe surtout par la bouche lorsque l’animal expire ou rote. Ce gaz est également produit lorsque le fumier se décompose dans le sol. D’où la forte odeur désagréable qui se dégage des pâturages. Une vache émet entre 70 et 120 kg de méthane par année. Les bovins élevés dans le monde entier pour la production de viande et de lait, ainsi que d’autres animaux d’élevage, rejettent l’équivalent de 3,1 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère par an. « S’ils étaient un pays, les animaux de ferme seraient le plus grand producteur de gaz à effet de serre après la Chine et les États-Unis », caricature swissinfo.ch

Que faire

« le secteur mondial de l’élevage est la plus grande source de méthane provenant des activités humaines. Pourtant, les technologies permettant de réduire les émissions n’en sont qu’à leurs balbutiements et ne sont pas encore rentables pour les agriculteurs en l’absence d’un soutien politique fort »

Mark Howden, directeur de l’Institute for Climate, Energy and Disaster Solutions

Le tableau est sombre et chez les scientifiques et universitaires, ça cogite. « Nous devons investir dans les solutions aux émissions du bétail. Dans les pays à faibles et moyens revenus, nous avons besoin de plus de soldats sur le terrain pour collecter les données nécessaires à une bonne gestion du méthane », propose Ngoni Chirinda, professeur de Sustainable tropical Agriculture (En français, Agriculture tropicale durable) à l’Université polytechnique Mohammed VI au Maroc. « Nous devons également investir davantage dans les services de vulgarisation et les innovations qui aideront les agriculteurs à améliorer la nutrition et la santé du bétail et leur permettront d’accroître leur productivité sans augmenter la taille des troupeaux et les émissions de méthane », poursuit l’universitaire. Mario Herrero, professeur Sustainable Food Systems and Global Change (Systèmes alimentaires durables et de changement global) à l’Université de Cornell aux États-Unis, dont la pensée rejoint celles de certains groupes de défense des animaux et de l’environnement tels que Greenpeace préconise de réduire drastiquement le nombre de têtes de bétail et la consommation de viande et de produits laitiers. « Nous ne pourrons pas obtenir les résultats escomptés en matière de méthane en nous concentrant uniquement sur les mesures relatives à l’offre – nous devons également modérer la demande », recommande-t-il.

Dans les pays à faibles et moyens revenus, de nombreuses personnes devront continuer à consommer des produits animaux, mais dans les pays à hauts revenus, où la surconsommation de bétail et d’autres produits alimentaires présente des risques importants pour l’environnement et la santé humaine, nous devons réduire la consommation. Mario Herrero, professeur Sustainable Food Systems and Global Change, Université de Cornell aux États-Unis

Pour lui, le changement de régime alimentaire est un élément important de la solution. « Dans les pays à faibles et moyens revenus, de nombreuses personnes devront continuer à consommer des produits animaux, mais dans les pays à hauts revenus, où la surconsommation de bétail et d’autres produits alimentaires présente des risques importants pour l’environnement et la santé humaine, nous devons réduire la consommation. La bonne nouvelle, c’est qu’au cours des 20 dernières années, la consommation de viande rouge par habitant a diminué, en particulier dans les pays à revenu élevé ». Face au changement préconisé, « la réticence des consommateurs, agriculteurs, entreprises des chaînes de valeur et responsables politiques a parfois orienté les conversations dans les médias et les politiques vers des voies improductives telles que la tentative de modifier les mesures au lieu de se concentrer sur les moyens de réduire les émissions de manière rentable, éthique et équitable », regrette Mark Howden, directeur de l’Institute for Climate, Energy and Disaster Solutions (Institut pour les solutions en matière de climat, d’énergie et de catastrophes), à l’Université nationale australienne. Alors que  « le secteur mondial de l’élevage est la plus grande source de méthane provenant des activités humaines. Pourtant, les technologies permettant de réduire les émissions n’en sont qu’à leurs balbutiements et ne sont pas encore rentables pour les agriculteurs en l’absence d’un soutien politique fort », déplore ce dernier.

Nadège Christelle BOWA

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