Nouvelles

Dossier SIGIF 2 : Du vent froid souffle entre l’Union Européenne-Allemagne et le Cameroun

Au centre de cette relation plutôt glaciale, l’opérationnalisation du Système Informatique de Gestion des Informations Forestières de 2e génération (SIGIF 2), pierre angulaire du Système de Vérification de la Légalité (SVL). La Plateforme nationale REDD+&CC de la société civile tente une médiation pour réconcilier les différentes parties.

Le 01 avril 2021, le Ministre des Forêts et de la Faune lance officiellement le SIGIF 2 (Système Informatique de Gestion des Informations Forestières de 2e génération). « C’est une application que le Minfof a développé pour mieux contrôler la gestion forestière d’une manière générale au Cameroun », explique Cécile Ndjebet, présidente de l’African women’s Network for community management of forest (Recacof). D’après qui, il s’agit de la version améliorée du SIGIF 1 qui avait montré ses limites. « Plus performant et plus ambitieux, le SIGIF 2 est considéré comme la pierre angulaire du Système de Vérification de la Légalité (SVL) ; il est constitué en pratique de deux éléments à savoir le système de traçabilité du bois et la légalité de l’entité forestière, lesquels conduisent à la délivrance des Certificats de Légalité et des Autorisations FLEGT », renseigne-t-elle. Seulement, la cérémonie organisée par le patron des forêts est boudée par l’Union Européenne et l’Allemagne. Au motif « qu’ils ne reconnaissent pas la version actuelle du SIGIF 2 », ont-ils signifié au MINFOF, dans une correspondance datée du 29 mars 2021. Ces partenaires vont tout de même désigner des représentants en lieu et place des Directeurs respectifs de la KfW et la GIZ qui ont la décision.

Cette attitude jette un froid sur la relation qui unie les parties depuis 2011 date à laquelle le processus a démarré. Informée de cette situation, la Plateforme nationale REDD+&CC de la société civile, dans ses fonctions de veille, de médiation, d’instance critique et d’influence des décideurs sur les potentiels aspects et dimensions dommageables de leurs décisions, ne l’entend pas de cette oreille et entreprend de travailler sur ce dossier. Car, « l’Union Européenne et l’Allemagne sont des partenaires très stratégique. S’ils ne sont pas d’accord, encore que le gouvernement a signé les accords Apv-Flegt, il fallait creuser pour mieux comprendre leur décision ». Pendant près de deux semaines, la plateforme organise une série de consultations auprès d’une diversité d’acteurs et de parties prenantes. Au terme de laquelle avec l’appui logistique du WWF, une rencontre est organisée, le 31 mai à Yaoundé, pour partager les informations collectées sur ce qui convient d’appeler aujourd’hui « dossier SIGIF2 ».

Gouvernance et transparence

D’après les membres de la Plateforme, l’analyse qui en a été faite permet à la société civile de prendre position. « Dans nos consultations et après une démonstration qui a eu lieu le 18 mai 2021, nous avons compris que l’application fonctionne. Le secteur privé est très satisfait. Des exemples sont nombreux. Il y a des documents qu’ils doivent absolument avoir pour leur transaction. Le cas du PAO annuel. Sans cette application, ça pouvait leur prendre six mois pour avoir ce papier qu’ils ont aujourd’hui en trois jours à partir de leur bureau de manière électronique », rapporte Cécile Ndjebet. Cela a permis de réduire la corruption et d’autres maux. Dans cette affaire résume-t-elle, il y a deux types de problèmes : procédure et technique. « La procédure est qu’à un moment donné, le ministère n’a plus informé ses partenaires du développement de l’outil. Ils n’étaient pas au courant de ce qui se passe jusqu’à ce qu’on les invite au lancement officiel. Ce problème ne peut se résoudre que par la diplomatie. Pour nous, il est très important que le Minfof, l’Union Européenne et l’Allemagne s’asseyent autour d’une même table ».

Au niveau technique, « n’ayant pas suivi le processus, ces partenaires se disent que cela ne marche surtout qu’ils ont envoyé un expert évaluer l’outil mais, celui-ci n’a eu qu’une quinzaine ou trentaine de minutes pour ce travail. Il nous a fallu toute une matinée pour la démonstration. Le temps était très insuffisant pour se prononcer. Mais nous pensons que ce niveau technique ne peut être améliorer qu’au fur et à mesure. Il va falloir des mises à jour ». Pour Augustine Njamnshi, secrétaire exécutif du Bioressources Developement and Conservation Programme –Cameroon (Bdcp-C), « L’Union Européenne, l’Allemagne et le gouvernement du Cameroun ont démontré qu’ils ont un intérêt à assainir le secteur forestier au Cameroun ; à le rendre plus rentable et adapté aux besoins des Camerounais. Ce qui est important ».

Le juriste soutient que : « Aucune œuvre humaine n’est parfaite. Ce processus a commencé il y a presque 10 ans. Donc, on ne peut pas recommencer à zéro. Au lieu d’annuler, il est plus indiqué que les parties travaillent à améliorer cet outil afin qu’il réponde aux exigences de l’Apv-Flegt qui est l’intérêt de l’Union Européenne et du gouvernement camerounais qui veut garder sa souveraineté sur certaines informations ». D’ailleurs poursuit-il, « on est en retard. Et, c’est la forêt qu’on perd, c’est la redevance forestière qu’on perd, ce sont les communautés riveraines qui perdent ». Dans les communautés le besoin est pressant en dépit de quelques appréhensions : « Le SIGIF 2 apparait comme un outil qui va nous permettre de mieux appréhender l’exploitation forestière dans ses différents contours. Mais cet outil ne manque pas d’appréhension de notre part. Comment nous en approprier tant il est vrai qu’il est électronique, informatique, qu’il demande un apprentissage et des moyens pour l’acquérir », interroge sa majesté Bruno Mvondo, président du réseau des chefs traditionnels pour la gestion durable de la biodiversité en Afrique et des écosystèmes des forêts.

En tant que leader des communautés, il suggère au gouvernement à travers le ministère des Forêts et de la faune et à ses partenaires technique et financier que sont l’Union Européenne, la partie Allemande de voir dans quelle mesure les capacités des communautés locales, autorités traditionnels peuvent être renforcer en termes de formation, d’acquisition et d’exploitation de ces outils, de développement de banque de données. « Pourquoi pas avoir dans chaque communauté riveraine, des archives qui leur permettent non seulement de conserver les informations mais aussi de donner l’alerte en cas de besoin ».

Nadège Christelle BOWA

Articles Liés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to top button