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Dr Patrick Ngou: « Plus de 200 fois, j’ai dû annoncer à un parent que son enfant allait mourir »

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Dr Patrick Ngou, « Le premier médecin de l’enfant c’est le parent »

Quel message voulez-vous véhiculer à travers le slogan « santé par tous » promu par votre association et vos partenaires à la faveur des 1ères journées nationales de promotion de la santé que vous organisez en ce moment à Yaoundé ?

Nous voulons faire comprendre à la population, aux malades qu’ils sont les premiers acteurs de la santé. La population ne subie pas les soins. La raison d’être des hôpitaux, c’est les malades. C’est pourquoi, nous parlons de « santé par tous », et non de « santé pour tous ». Ce n’est pas seulement quand on est malade que nous devons rechercher l’information sanitaire. La meilleure médecine est la médecine préventive. Nous n’allons pas inventer la roue. Prévenir mieux vaut que guérir. Pour ce faire, nous voulons vraiment rapprocher davantage le corps médical de la population ; les faire sortir un peu des hôpitaux pour les amener vers la population. Ce congrès a pour objectif premier de faire comprendre à la population et aux décideurs notre vision. Que ce slogan de « santé par tous » soit considéré, et si possible accepté par tous. Ce serait une grande victoire. Pour la suite, nous ambitionnons de pouvoir organiser de pareilles journées dans toutes les spécialités, tous les domaines de la santé. C’est de pouvoir faciliter l’accès à l’information sanitaire.

Quel est le problème que vous espérez résoudre en promouvant ce nouveau slogan en remplacement de l’ancien qui était « santé pour tous » ?

Cette question m’amène à vous parler de ma petite expérience en tant que médecin. Je suis pédiatre et cela fait sept (07) ans que j’exerce. Et en 07 ans, j’ai vu plus de 200 enfants mourir. Ça veut dire que plus de 200 fois, j’ai dû annoncer à un parent que son enfant allait mourir. Pour nous, c’est grave ! La première cause de mortalité que nous avons constaté, c’est le retard de prise en charge. On a des enfants qui meurent de paludisme, de diarrhée…qui sont pourtant des maladies évitables et traitables. Nous pensons qu’il y a un problème dans l’information sanitaire, l’action à temps. Donc l’information sera un gain de temps, un gain d’argent pour sauver des vies.

N’ya-t-il pas déphasage entre ce projet innovant et la réalité sur le terrain lorsqu’on observe un repli des médecins vers les cliniques privées ?

Nous ne pouvons pas parler de déphasage puisqu’il faut de tout pour faire une société. Il y a des médecins de santé publique par exemple qui ne sont pas dans les hôpitaux, il y a des cliniciens. Mais, c’est aussi de susciter des vocations dans le domaine de la santé communautaire. Nous ne demandons pas que tous les médecins sortent des hôpitaux, mais qu’on se rapproche encore plus des malades, qu’on ne les attende pas seulement à l’hôpital. Mais qu’on aille vers le potentiel malade. Chacun a une pierre à apporter à l’édifice de la santé. Le paludisme est la pathologie qui illustre le mieux notre slogan. On ne peut pas parler d’éradication du paludisme sans parler de la voirie municipale ; de la Communauté urbaine ; de l’urbanisme et l’habitat ; de l’éducation de base et même des médias… Chacun quelque part a quelque chose à apporter pour l’amélioration de la santé. Donc nous ne pouvons pas dire que nous ayons des cibles spécifiques.

Vous parlez des parents comme acteur de santé. Comment peuvent-ils le devenir véritablement ?

Aux urgences, on reçoit en moyenne 45 à 60 malades par jour. On ne peut donc prendre 45 minutes pour expliquer le fonds de la maladie au parent. Surtout qu’aux urgences, nous devons régler rapidement les problèmes. Donc, nous n’avons pas toujours le temps de faire des causeries. Le premier médecin de l’enfant c’est le parent. Si nous donnons l’information aux parents surtout en passant par les médias de masse, nous pensons pouvoir atteindre nos objectifs plus rapidement.

Pour terminer, quels sont les axes du 1er congrès de médecine communautaire qui s’ouvre demain ?

Nous sommes restés au maximum dans notre concept de « santé par tous ». Trois activités majeures qui sont organisées. La première est la campagne de santé qui a eu lieu samedi à l’hôpital de district de Soa avec l’association Ascovime du Dr Bwele ; où nous avons soigné gratuitement 700 patients, effectué 14 chirurgies, offert des soins dentaires et pédiatriques, distribués des médicaments gratuitement aux populations. Même le cahier, ils n’ont pas acheté. En plus de cela, nous avons fait beaucoup de causeries éducatives. C’est vraiment le corps médical au contact de la population. Ceci dans une ambiance bon enfant. Pour la suite, nous avons le congrès scientifique qui dure trois jours, du mercredi 18 au vendredi 20 avril). Ce congrès porte sur le paludisme de l’enfant dans tous ses états. Les associations qui font dans la promotion de la santé sont représentées. L’activité qui clôture le congrès est le don de sang. Puisque nous savons que la première cause de mortalité dans le paludisme, c’est les anémies sévères. Or il n’y a pas de sang dans nos banques de sang. Donc, le médecin sera limité à un moment ou à un autre et il aura sur lui la responsabilité de dire au parent que son enfant est décédé alors qu’il n’est pas responsable du décès. Là encore, nous montrons que c’est le camerounais lambda qui vient à la banque de sang donner de son sang qui sauve des vies.

Réalisée par

Nadège Christelle BOWA

 

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