Financement climatique : « Green Accountability » pour une synergie effective entre les OSc et l’administration
Avec pour objectif d’accroître la contribution de la société civile camerounaise en matière de redevabilité et de transparence climatique en intégrant le point de vue des peuples autochtones et communautés locales (PACL), le projet Green Accountability » ou Redevabilité verte a été lancé au cours d’un atelier de consultation des OSC sur le niveau d’implication de la société civile dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques climatiques à Mbalmayo au Cameroun. Les éclairages d'experts Duclaire Mbouna, Coordonnateur national de World Ressources Institute (WRI); et Timothée Kagonbe Point focal CCNUCC et Giec et par ailleurs Coordonnateur national CDN au ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable (Minepded).
En réponse aux défis des changements climatiques, dont les conséquences préoccupent la communauté scientifique internationale et les pays du monde entier en raison de leurs impacts négatifs, potentiels et avérés, sur les hommes et les écosystèmes, le projet « Green Accountability » en français « Redevabilité verte », vient de voir le jour au Cameroun. Le pays fait face à une récurrence anormale de phénomènes climatiques extrêmes tels que la violence des vents, les températures élevées ou de fortes précipitations qui mettent en danger les communautés humaines, les écosystèmes et les services qu’ils fournissent. Face à ce défi, le gouvernement du Cameroun depuis 2015 a élaboré divers documents stratégiques d’organisation de la lutte contre les changements climatiques sur son territoire à l’instar de sa contribution déterminée au niveau national (Cdn) actualisée en novembre 2021 et son plan national d’adaptation aux changements climatiques (Pnacc).
Ces documents contiennent les objectifs et activités planifiées par le Cameroun pour la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation de sa population aux effets du changements climatiques. « …Dans l’élaboration de ces politiques, la place de la société civile est certes prévue, mais quelquefois dans la mise en œuvre, elles ne sont pas fortement impliquées. C ‘est pourquoi, avec ce financement, on a voulu mobiliser la société civile à être mieux impliquée dans le processus et aussi à bien collaborer avec les administrations pour s’assurer que leur place est vraiment au centre des réflexions en ce qui concerne les politiques climatiques », explique Duclaire Mbouna, Coordonnateur national de World Ressources Institute (WRI), une organisation mondiale qui finance ce projet à hauteur 75 000 dollars sur une période de 12 mois (octobre 2024-octobre 2025). Les organisations de la société civile et les PACL sont les principaux bénéficiaires du projet.
« C’est la société civile qui sert d’interface entre les administrations et les communautés locales et les peuples autochtones. Ils connaissent mieux ce qui se passe au niveau de la base avec les communautés. Quels sont les problèmes au jour le jour ? Et ils peuvent maintenant porter ces problèmes et les adresser à l’administration pour que l’administration agisse véritablement en connaissant de causes et sache exactement comment doivent être dirigés les flux de financement pour atteindre les personnes qui en ont le plus besoin », renseigne Duclaire Mbouna au sujet du choix de la société civile dont les acteurs ont été conviés à l’atelier de lancement et de consultation tenu à Mbalmayo, le 30 janvier dernier. Selon Clarisse Fombana, Chef de projet, l’objectif principal de cet atelier est de consulter les parties prenantes afin de : Déterminer leur niveau d’implication dans l’élaboration et la mise en œuvre du Pnacc et de la Cdn ; Identifier les pistes de plaidoyer pour le renforcement de l’implication de la société civile dans la mise en œuvre du Pnacc et de la Cdn ; et discuter du cadre méthodologique d’évaluation de la responsabilité et de la transparence dans la mise en œuvre du Pnacc et de la Cdn.
Dans la région du Centre, notamment dans le département du Mbam et Kim, un consortium de 3 OSC camerounaises (SAILD, FLAG et GDA) met en œuvre le projet « renforcement de l’implication des OSC et des PACL pour une plus grande responsabilité et transparence dans les politiques et programmes climatiques au Cameroun » qui vise à accroître la contribution de la société civile camerounaise en matière de redevabilité et de transparence climatique en intégrant le point de vue des communautés locales et peuples autochtones. A Bafoussam, le CIPCRÉ travaille avec six communes réparties entre la région de l’Ouest, de l’Est et de l’Adamaoua ; Action for Sustainable Development travaille dans la région du Sud avec deux communes, Djoum et Mintom. Le Cominsud travaille avec la région du Nord-ouest, le Conseil régional et les trois mairies de la ville de Bamenda. Un autre grantee au Sud-ouest, Women for a Change travaille sur la prise en compte des considérations genre dans les politiques climatiques.
Nadège Christelle BOWA
Interview
Timothée Kagonbe
Nous avons l’obligation de travailler avec toutes les parties prenantes
C’est l’une des principales conditions pour les résultats des travaux soient reconnus sur le plan international sur la base de l’article 13 de l’accord de Paris sur la transparence. Point focal CCNUCC et Giec et par ailleurs Coordonnateur national CDN au ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable (Minepded), Timothée Kagonbe, a présenté un exposé sur les différents processus et politiques en matière de climat au Cameroun. L’expert évalue le niveau de transparence et l’implication des autres parties prenantes dans ce processus.
Quelle place la transparence occupe dans la mise en œuvre de l’accord de Paris au Cameroun ?
La transparence occupe une place de choix dans la mise en œuvre de l’accord de Paris, particulièrement l’article 13. Tout ce que vous faites doit prendre en considération toutes les parties prenantes, à savoir la société civile, l’aspect genre, les populations les plus vulnérables, etc. Parce que c’est sur cette base-là qu’on devra vous évaluer. Il est donc important pour nous de prendre les mesures par rapport à cela et aujourd’hui, le Cameroun est en train de mettre en œuvre un projet important, le CBIT, qui est le renforcement des capacités dans le domaine de l’implémentation de la transparence. Et là, nous parlerons donc de la redevabilité, le travail avec la société civile, qui est quelque chose de très important pour l’accord de Paris.
Vous avez mentionné un grand nombre de politiques que le Cameroun a déjà mis sur pied pour lutter contre les changements climatiques. Cependant, les organisations de la société civile veulent mettre au point un plaidoyer pour impliquer davantage de personnes. Est-ce que vous êtes d’accord avec eux qu’il n’y a pas de transparence au Cameroun dans la lutte contre les changements climatiques ?
Renforcer davantage, ne veut dire qu’il n’y en a pas. La transparence, elle est là. La preuve, c’est que nous travaillons avec la société civile depuis fort longtemps déjà. Peut-être que l’implication n’est pas encore suffisante selon la société civile. Et c’est tout à fait normal. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre d’Osc qui existent au Cameroun. C’est des dizaines de milliers. Par exemple, quand vous organisez un atelier et que vous avez 60 personnes, vous ne pouvez pas dépasser 5. Parce que si vous prenez les administrations, le secteur privé, vous allez vous retrouver peut-être avec 5 représentants de la société civile. Ce qui est tellement minime par rapport au nombre global de la société civile. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne le prend pas en considération. Il va falloir davantage que les OSC s’organisent en réseau de 100, de 200, de 10, de 20 ONG qui partagent le même point de vue dans un domaine fera voir véritablement leur implication dans tous les éléments que le ministère ou bien le gouvernement camerounais est en train d’élaborer. Sinon ce sera disparate.
D’après vous, comment est-ce que les populations autochtones et les communautés locales vont-elles contribuer ?
L’accord de Paris exige aussi que les peuples autochtones soient être pris en considération dans tous les travaux d’élaboration des documents que nous menons. C’est une obligation. Par exemple, dans le projet CBIT, il nous est imposé d’introduire l’aspect genre. Pour le nombre de personnes à l’atelier, vous devez avoir minimum 30% de femmes. Dans l’élaboration, minimum 30% de femmes. Même quand vous recrutez les consultants, vous devez prendre cela en considération. C’est la même chose pour les populations autochtones. Au niveau de la Redd, il y a par exemple le CLIP (Consentement libre, informé, préalable). Qui impose que pour faire un projet dans une communauté, vous prenez d’abord en considération ce que les peuples autochtones veulent. Et s’ils vous disent non, vous arrêtez. On les consulte d’abord. Vous leur montrez le bien fondé, ce que ça va apporter, ce qui sera de négatif et c’est à eux de décider s’ils veulent continuer avec vous ou pas. Donc nous avons l’obligation de travailler avec les peuples autochtones, avec les peuples locaux, avec la société civile, bref, avec toutes les parties prenantes, si nous voulons que nos travaux soient reconnus sur le plan international sur la base de l’article 13 de l’accord de Paris qui parle de la transparence.
Propos recueillis par NCB