Huit priorités pour mieux financer les organisations locales de femmes en Afrique centrale et de l’ouest d’ici 2030
La problématique de financement des organisations de femmes en Afrique Centrale et de l’Ouest (OFACO) constitue un réel défi qui limite considérablement leur champ d’action dans un contexte marqué par les crises multiples. Face à ces différents enjeux, qui nécessitent l’intervention de ces organisations, il est urgent d’identifier les priorités pour mieux financer ces organisations d’ici 2030. Une analyse de Baltazar ATANGANA, expert en genre et développement.

Malgré les engagements pris par les bailleurs de fonds, notamment lors du Sommet pour un Nouveau Pacte Financier Mondial, qui s’est tenu les 22 et 23 juin 2023 à Paris, les organisations de femmes en Afrique Centrale et de l’Ouest demeurent sous-financées, avec seulement 0,13 % de l’aide publique au développement officielle.
Des mécanismes de financements complexes et lourds
Les organisations féminines locales en Afrique Centrale et de l’Ouest sont confrontées à des défis majeurs pour accéder aux financements internationaux en raison de mécanismes de financement complexes et lourds. Les procédures complexes et les exigences de redevabilité alourdissent considérablement la charge administrative, ce qui est particulièrement difficile pour les petites structures disposant de peu de personnel dédié. Malgré leur engagement et leur détermination, ces organisations féminines, souvent animées par des bénévoles, disposent de ressources limitées pour mener leurs actions. Pour garantir leur pérennité, elles ont besoin de financements à long terme qui couvrent les coûts opérationnels et les ressources humaines, plutôt que des financements « projet à projet » qui sont souvent restrictifs.
Pour la construction d’un écosystème de financement solide
La construction d’un écosystème de financement transformateur et équilibré pour les organisations locales de femmes en Afrique Centrale et de l’Ouest permettra aux mouvements féministes et aux financeurs de mieux comprendre quelles sources de financement parviennent à qui et comment. Cela facilitera également l’identification des endroits où les financements pourraient et devraient atteindre les mouvements et les communautés, mais qui n’y parviennent pas.
Ce cadre incitera ainsi les financeurs à situer leurs propres institutions, ressources et influence dans le paysage élargi du financement en Afrique Centrale et de l’Ouest pour le changement social, et à évaluer les lacunes critiques qu’ils pourraient combler. Cela leur donnera l’occasion de s’assurer que leurs ressources et leur pouvoir de défendre des causes sont utilisés de manière stratégique et complémentaire, et de prendre des décisions éclairées pour que les organisations de défense des droits des femmes et les organisations féministes dirigées par leurs membres en Afrique Centrale et de l’Ouest soient correctement financées, afin de combler le déficit de financement qui affecte les femmes en Afrique, estimé à 42 milliards de dollars.
Vers un financement équitable d’ici 2030
L’année 2030 sera essentielle dans l’évaluation, la critique et la revitalisation du paysage des ressources pour la promotion de la justice de genre et des droits humains des femmes en Afrique Centrale et de l’Ouest. Alors qu’une augmentation d’un meilleur financement est urgemment requise, nous devons également mettre en lumière les principaux axes qui doivent être prioriser par les bailleurs de fonds et les financeurs.
Les principaux défis incluent la complexité des mécanismes de financement, l’évaluation biaisée des risques, la persistance du travail non rémunéré et la pertinence des modèles économiques des OFACO. Pour relever ces défis, les parties prenantes doivent assumer leurs responsabilités et s’adapter aux contextes locaux. Ainsi, les huit priorités pour mieux financer les organisations de femmes en Afrique Centrale et de l’Ouest d’ici 2030 incluent :
Financer les organisations de femmes face au changement climatique : Améliorer l’accès aux financements pour les OFACO afin de soutenir leurs initiatives de lutte contre le changement climatique et de promotion de la résilience des communautés.
Renforcer les capacités numériques des OFACO : Développer les compétences numériques des organisations de femmes pour leur permettre de mieux utiliser les technologies pour leur travail et de renforcer leur présence en ligne.
Adapter les mécanismes de financement aux réalités locales et climatiques: Créer des mécanismes de financement flexibles et adaptés aux besoins des OFACO, prenant en compte les défis posés par le changement climatique et les contextes locaux.
Promouvoir la représentativité des OFACO dans les espaces décisionnels internationaux sur le climat et la digitalisation: Renforcer la présence et la voix des organisations de femmes dans les forums internationaux pour influencer les politiques et les décisions relatives au changement climatique et à la digitalisation.
Développer l’éducation et la formation pour l’égalité des genres : Créer des programmes d’éducation et de formation pour les femmes et les filles, ainsi que pour les communautés, afin de promouvoir l’égalité des genres et de lutter contre les stéréotypes et les discriminations.
Encourager les partenariats avec le secteur privé pour la digitalisation et l’innovation : Favoriser les collaborations entre les OFACO et le secteur privé pour développer des solutions innovantes et numériques pour les femmes et les communautés.
Renforcer les capacités et la professionnalisation des OFACO: Mettre en place des programmes de renforcement des capacités pour les organisations de femmes, afin de leur permettre de mieux gérer leurs ressources, de développer leurs compétences et de professionnaliser leurs pratiques.
Favoriser l’engagement communautaire pour l’égalité des genres et la résilience climatique : Promouvoir l’engagement des communautés dans la lutte pour l’égalité des genres et la résilience climatique, en renforçant les capacités des organisations de femmes à mobiliser et à sensibiliser les communautés.
Transformer le système
Pour relever ces défis, il est essentiel de promouvoir la collaboration entre les actrices des mouvements féministes et de femmes, ainsi que les acteurs de la coopération internationale présents en Afrique centrale et de l’Ouest. Cela pourrait passer par le soutien à des projets de recherche visant à approfondir la problématique du financement des organisations de femmes, en identifiant les obstacles structurels et les opportunités de changement. Une telle approche permettrait de mieux comprendre les besoins spécifiques des organisations de femmes et de développer des solutions adaptées à leurs réalités pour un développement inclusif pour les femmes et les jeunes filles. Dans cette optique, nous lançons, à travers cet article, un appel à la collaboration dont le fil d’Ariane transparaît à travers la question suivante : Quels partenariats entre les institutions engagées pour une diplomatie féministe et les organisations de femmes d’Afrique Centrale et de l’Ouest pourraient transformer le système et les règles du jeu pour améliorer le financement dans ces régions, et ainsi renforcer leur capacité à promouvoir l’égalité des genres et les droits des femmes face aux crises multiformes ?
Baltazar ATANGANA
noahatango@yahoo.ca