La réélection de Donald Trump inquiète les leaders du climat
Le républicain a promis de faire de nouveau sortir les Etats-Unis de l’accord de Paris, et de démanteler les mesures favorables au climat, a mené une campagne basée en partie sur le déni du climat, en plus de ses défis à la démocratie américaine, des menaces très réelles pour les populations américaines vulnérables et pour l'État de droit, et de l'étalage de la désinformation. Mais pour les leaders du climat, la crise climatique ne s'arrêtera pas pour un négationniste du climat.
« Le résultat des élections américaines a des conséquences sur le climat. Les efforts déployés pour lutter contre le changement climatique et en atténuer les effets sur le monde, et en particulier sur les pays en développement, sont en jeu », observe avec regret Joyce Banda, ancienne présidente du Malawi qui attend cependant que les États-Unis, en tant que superpuissance mondiale fassent ce qu’il faut pour le bien du monde et des générations à venir. Pour Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat, « Le résultat des élections américaines est un revers pour l’action climatique mondiale, mais l’Accord de Paris a fait preuve de résilience et est plus fort que les politiques d’un seul pays », se rassure-t-elle avant de poursuivre : « Le contexte actuel est très différent de celui de 2016. La transition mondiale bénéficie d’un puissant élan économique, que les États-Unis ont mené et dont ils ont bénéficié, mais qu’ils risquent désormais de perdre. Le bilan dévastateur des récents ouragans nous a rappelé que tous les Américains sont touchés par l’aggravation du changement climatique ».
Publié il y a quelques jours, le résultat des élections américaines intervient alors que les négociations de l’ONU sur le climat, la COP29, doivent débuter lundi prochain. La Conférence de l’ONU sur le Climat qui se tient du 11 au 22 novembre 2024 à Baku en Azerbaïdjan est une COP à forts enjeux où la priorité absolue sera de parvenir à un accord solide sur le nouvel objectif collectif chiffré post-2025 en matière de financement climat. « En tant que premier producteur de pétrole au monde, les États-Unis ont l’obligation particulière de soutenir des objectifs climatiques internationaux ambitieux et les actions collectives mondiales soulignent leur importance. Le nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) est l’élément le plus important, qui mérite une plus grande attention. Il est impératif que le résultat des élections américaines n’ait pas d’effet préjudiciable sur l’avenir des préoccupations climatiques et sur les discussions de Bakou », argue Charles Wanguhu, directeur fondateur de l’initiative Enzi Ijayo- Africa.
Espoir
Julius Mbatia, expert en financement climatique à ACT Alliance de rappeler que le changement climatique ne connaît pas de frontières nationales ou géopolitiques. « Nous sommes tous dans des bateaux soumis au même défi, mais les circonstances différentes des pays font que certains d’entre nous sont à peine à flot, avec un espoir de survie limité ou inexistant, tandis que d’autres restent à flot grâce à leurs méga-bateaux technologiquement modifiés ». A son avis, la CoP 29 doit s’attaquer aux obstacles fondamentaux au renforcement de l’ambition et surmonter les graves difficultés financières des pays en développement pour faire face à la crise climatique. « L’ambition en matière de financement se traduirait par une augmentation de l’apport financier et une diminution globale du coût du financement pour atteindre les objectifs en matière de climat et de développement dans des régions telles que l’Afrique », propose-t-il.
Raila Odinga, ancien Premier ministre de la République du Kenya et candidat à la présidence de la Commission de l’Union africaine, a déclaré : « Les négociations sur le climat lors de la COP29 à Bakou, au lendemain des élections américaines, sont l’occasion idéale pour les États-Unis de s’affirmer et d’être les gardiens de la planète. Les États-Unis doivent montrer l’exemple et soutenir la mise en place d’un financement climatique ambitieux, basé sur des subventions et hautement concessionnel, à hauteur des milliers de milliards de dollars nécessaires pour répondre aux besoins d’adaptation et d’atténuation des pays en développement et compenser les pertes et les dommages de manière opportune et transparente ».
Il soutient que les actions des États-Unis en matière de changement climatique, tant au niveau national que mondial, détermineront la manière dont l’Afrique, un continent qui est le moins responsable de la crise climatique mais qui souffre le plus des impacts climatiques, naviguera sur sa propre voie de développement et fournira un accès à l’énergie à plus de 600 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité à l’heure actuelle.
L’Europe
Abondant dans le même sens, Jason Braganza, directeur exécutif du Forum africain sur la dette et le développement affirme que « Le leadership des États-Unis pour garantir le respect des principes de l’Accord de Paris reste essentiel. L’administration américaine ne doit pas renoncer à son rôle mondial en veillant à ce que les obligations en matière de financement climatique soient respectées ». Et Laurence Tubiana de suggérer que « L’Europe a aujourd’hui la responsabilité et l’opportunité de prendre les devants. En poursuivant une transition juste et équilibrée, en partenariat étroit avec d’autres acteurs, elle peut montrer qu’une action climatique ambitieuse protège les personnes, renforce les économies et développe la résilience ».
Sur cette lancée, Jennifer Morgan Secrétaire d’État et envoyée spéciale pour l’action climatique internationale, Allemagne se propose de travailler avec la prochaine administration américaine dans la mesure du possible pour renforcer l’ordre international fondé sur des règles et relever les défis communs en matière de sécurité, y compris la crise climatique. « Pour l’Allemagne et l’UE, la transition vers la neutralité climatique est une pierre angulaire de notre compétitivité future. C’est pourquoi nous travaillerons avec tous nos partenaires pour créer des conditions équitables dans la course aux industries vertes. Nous continuerons à mettre en œuvre nos lois sur le climat et à travailler avec des partenaires internationaux à tous les niveaux du gouvernement, de la société civile et du secteur privé sur la mise en œuvre rapide et complète de l’Accord de Paris », a-t-elle expliqué.
Nadège Christelle BOWA