La santé génésique des adolescents préoccupe au Cameroun
Réflexion
Afin d’éclairer les délibérations autour des politiques de santé sexuelle et reproductive dans cette tranche de la population, des chercheurs présentent une synthèse des données probantes relatives au problème ainsi que les options pour améliorer les indicateurs.
Rapports sexuels précoces, grossesses précoces non désirées, infections sexuellement transmissibles, mariages précoces, violences et abus sexuels, avortements clandestins et multiplicité des partenaires sexuels. Tels sont les problèmes de santé génésique (santé sexuelle et reproductive) identifiés chez les adolescents et les jeunes adultes au Cameroun. « Dans cette tranche de la population, les indicateurs de santé génésique sont préoccupants », dénonce Pr Pierre Ongolo-Zogo, Analyste des politiques et systèmes de santé. En effet selon les statistiques répertoriées par le Centre pour le Développement des Bonnes Pratiques en Santé (Cdbps) qu’il dirige, la fécondité précoce est élevée avec un taux de 119-127 ‰ chez les 15 à 19 ans soit le double de la moyenne mondiale dans la même tranche d’âge (MICS, 2014).
Une adolescente sur quatre (25,6% des adolescentes de 15-19 ans) a déjà commencé sa vie reproductive : 21 % ont eu au moins un enfant et 4 % sont enceintes du premier enfant. L’âge médian au premier rapport sexuel des filles ayant été scolarisée jusqu’en fin du cycle primaire est de 15,9 ans contre 18,6 ans pour celles ayant atteint le cycle secondaire et supérieur. Par ailleurs, 55,4% des victimes d’abus sexuels se situent en période pré pubertaire et pubertaire. L’âge moyen des victimes de prostitution infantile était de 16,6 ans avec des extrêmes de 9 ans et 20 ans en 2009. Une enquête de l’Oms en 2002 signale que 37,3% de filles et 29,9% de garçons ont vécu une initiation sexuelle forcée à Bamenda (Nord-Ouest). Une étude du Minas/Unicef(2004) identifie des cas de tourisme sexuel à Kribi et Limbé impliquant des victimes dont l’âge varie entre 12 et 18 ans.
Impréparation patente à la sexualité
Pour les chercheurs, ces problèmes de santé génésique résultent d’une part d’une impréparation patente à la sexualité (manque d’éducation complète à la sexualité et les abus sexuels) ; d’autre part de l’identification approximative des besoins spécifiques en matière de santé génésique. Comment dès lors promouvoir la santé génésique chez les adolescents et jeunes adultes en milieu scolaire et universitaire au Cameroun ? Une réflexion entreprise dans le cadre du projet SURe-KT (Supporting the Use of Research Evidence- Knowledge Translation) financé par NWO (Netherlands Organisation for Scientific Research) propose des stratégies qui se déclinent en cinq options. La première consiste à instituer un mécanisme d’Assurance qualité, pour que : « Les programmes d’enseignement qui ont été validés par le ministre de l’Education de Base et celui des Enseignements secondaires soient effectivement dispensés », explique Pr Ongolo selon qui la deuxième option est qu’il faut engager la communauté pour lutter contre le harcèlement sexuel et les abus sexuels dans les établissements scolaires et les universités.
La 3e option poursuit le chercheur, « …tourne autour de comment renforcer les capacités des enseignants dans leur formation initiale pour qu’ils soient capables d’assumer cette fonction qu’il devrait assumer puisque l’approche pédagogique est de dire : « tout enseignant doit pouvoir aborder cette question de la santé et de défense du droit à la santé, du droit de l’enfant, pas seulement confiner cet enseignement aux enseignants de Biologie ». La quatrième option porte sur comment rendre les services de santé scolaires et universitaires, des inspections médico-scolaires aux centres médico-sociaux, capables d’offrir les services et les soins essentiels de santé génésiques aux enfants… La 5e option concerne la lutte contre les discriminations contre les élèves ou étudiantes qui tombent enceintes ou contre les filles-mères.
Pour chaque option, l’institution ayant la légitimité de diriger la stratégie proposée a été identifiée ; de même que les acteurs et les difficultés envisagées. C’était au cours du forum délibératif sur les données probantes pour éclairer la stratégie de promotion de la Santé sexuelle intégrée des adolescents en milieu scolaire et à l’université au Cameroun. Laquelle rencontre a réuni à Yaoundé le jeudi 9 août 2018, les représentants de divers ministères, les partenaires internationaux, etc. « A partir de ces informations, le centre va chercher les voies et moyens pour contourner les obstacles. Au bout du compte, il s’agit de faciliter les prises de décision afin d’améliorer la situation de la santé génésique des adolescents et jeunes adultes », justifie Pr Ongolo.