Les jeunes dénoncent le faible accompagnement des pouvoirs publics
Ce sentiment a été exprimé à l’occasion de la table ronde sur l’engagement des jeunes dans la lutte contre le changement climatique, organisée par le Mboa Hub pour célébrer ses deux années d’existence au Cameroun dans le prolongement de la célébration de la 59e Journée nationale de la jeunesse.

Malgré une population dynamique dont 60 % ont moins de 25 ans selon les statistiques de la Banque mondiale en 2022, seulement entre 5 à 7 % des jeunes Camerounais participent au plaidoyer climatique au niveau africain, contre 15 % au Kenya et 12 % au Nigeria (ONU-Climat, 2023). Pour Rex Andho, coordinateur de Mboa Hub, branche camerounaise d’un mouvement mondial des jeunes pour la justice climatique, c’est un écart qui interpelle. Pour son deuxième anniversaire, Mboa Hub a organisé une table ronde sur l’engagement des jeunes dans la lutte contre le changement climatique le 19 février 2025 à Yaoundé. Une occasion de mettre les jeunes face à leur responsabilité à la lumière d’exposés d’experts chevronnés sur les questions climatiques et engagements des jeunes accusés de ne pas s’impliquer. Selon les experts, « condescendants » d’après certains jeunes, plusieurs facteurs expliquent le faible engagement des jeunes. Il s’agit notamment : du taux d’alphabétisation des 15-24 ans estimé à 80 % mais qui côtoie une éducation de qualité faible, inégale (UNICEF, 2021) ; du chômage des jeunes dépassant 6 % et un sous-emploi touchant 75 % d’entre eux (OIT, 2023).
Le changement climatique a intensifié la désertification, les inondations, les vagues de chaleur et les conflits de ressources à l’échelle nationale. Des villes comme Douala et Yaoundé sont confrontées à une intensification des inondations (perte de 30% du PIB annuel dans les zones inondables), à des îlots de chaleur (2 à 3° C de plus que dans les zones rurales) et à une crise de l’assainissement due à des précipitations irrégulières. Banque mondiale 2021 ; Onu-Habitat, 2023
Le pays fait face à une dégradation sérieuse de ses terres agricoles en raison de l’érosion (-30 % au nord) ; à une perte annuelle de 2 % de ses forêts (FAO, 2020) et à des inondations urbaines récurrentes, responsables de la perte de 30 % du PIB dans certaines zones (Banque mondiale, 2021). Mais, « Face aux défis socio-économiques, les préoccupations environnementales passent souvent au second plan auprès des jeunes », analyse Rex Andho. Même si des initiatives louables existent à l’instar de Fridays for future Cameroon ou Green Generation qui se mobilisent pour des campagnes de reboisement. « Les responsabilités sont partagées tant des autorités que des jeunes », défend une activiste. « Côté jeunes, vous avez évoqué les difficultés pour expliquer la faible implication des jeunes. En ce qui nous concerne, en raison de l’impact que cela avait sur nous, nous avons commencé la pré-collecte dans le cadre de la gestion des déchets dans certains quartiers. Nous avons été confrontés à une réelle difficulté lorsqu’il a fallu mobiliser plus de personnes et de ressources pour continuer l’action à une échelle supérieur. On nous a demandé qui nous a donné l’autorisation de le faire. Pourtant c’est bien une action utile ».
Pour un encadrement plus accru
Titulaire par ailleurs d’une Maîtrise dans le domaine des Energies renouvelables notamment en production du biogaz, cette jeune explique qu’elle a dû débourser de l’argent pour se procurer les appareils nécessaires à la phase d’expérimentation concluante. Le laboratoire de l’université n’étant pas équipé. « Mais ce qui fait le plus mal, c’est qu’on vous demande au niveau national, la clairance éthique. Or pour constituer ce dossier qui peut être accepté ou rejeté, il faut débourser 250 000 Fcfa. Ce n’est pas facile. Cela au moins devrait être gratuit pour encourager la recherche en milieu jeune », suggère cette jeune chercheure. De nombreux cas similaires ont été présentés par les jeunes pour illustrer leurs réelles difficultés qu’ils attribuent principalement au non ou faible accompagnement de l’Etat, en dépit de la présence de quelques structures dédiées.

Des solutions ont émergé du débat. Dans ce sens, il a été retenu comme recommandations de : renforcer l’éducation climatique dans les écoles ; promouvoir l’entrepreneuriat vert et développer des plateformes numériques pour amplifier la voix des jeunes. Une initiative déjà entreprise par le Mboa Hub créé grâce au partenariat entre Fryshuset (Suède) et Greenpeace, et se positionnant dans ce registre comme un catalyseur du changement. « Nous voulons atteindre au moins 15 % de participation des jeunes Camerounais d’ici 2027 », ambitionne Rex Andho qui annonce des campagnes de sensibilisation, des formations pratiques et des actions communautaires.
Nadège Christelle BOWA