Les prix des produits de base pourraient devenir plus volatils
Chocs climatiques et géopolitiques
C’est l’un des faits marquants du rapport du FMI sur les perspectives de l’économie mondiale. Rendu public lors des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI qui se sont achevées dimanche 15 octobre à Marrakech, au Maroc, celui-ci montre que le ralentissement de l’économie mondiale se poursuit dangereusement.
Selon le rapport du FMI sur les perspectives de l’économie mondiale, cette dernière devrait ralentir de 3,5 % en 2022 à 3 % en 2023 et à 2,9 % en 2024. Ce chiffre est bien inférieur à la moyenne historique (2000-19) de 3,8 % et les pays en développement et émergents sont les plus durement touchés. Le rapport montre que les prix des produits de base, y compris ceux des minéraux essentiels, pourraient devenir plus volatils en raison des chocs climatiques et géopolitiques, ce qui pourrait poser des risques macroéconomiques, notamment pour la transition climatique. A-t-on appris au cours des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI qui se sont tenues la semaine dernière à Marrakech au Maroc. Ces réunions se sont déroulées sur le continent africain après 50 ans, dans un contexte de tensions géopolitiques mondiales croissantes qui s’ajoutent à la multitude de crises mondiales auxquelles les pays en développement sont confrontés en raison des défis croissants en matière de climat, de développement et de politique. Autre point important à retenir de ces assises : La mission « planète vivable » de la Banque mondiale promue par Ajay Banga, président de la Banque mondiale, a été approuvée par ses gouverneurs. Cette nouvelle vision vise à instaurer « un monde sans pauvreté sur une planète vivable, dans le but de stimuler le financement de la lutte contre le changement climatique. Egalement, de nouvelles réformes ambitieuses ont été approuvées par les 25 membres du comité de développement, ce qui devrait permettre d’accroître les investissements dans l’action climatique et le développement durable.
« La Banque mondiale devrait s’assurer que dans sa nouvelle orientation, elle se concentre sur : l’accès à l’eau pour les écoles et les centres de santé ; la sécurité alimentaire devrait aller de pair avec la sécurité nutritionnelle ; l’augmentation de l’infrastructure numérique publique ; et le financement ciblé pour la connectivité des écoles », a commenté Neema Lugangira, membre du Parlement Tanzanien. Il soutient que la Banque mondiale et le FMI devraient envisager la conversion de la dette pour le financement du climat et conclure avec la nécessité pour les deux agences de financement du développement de soutenir le renforcement des capacités des parlementaires dans des domaines connexes comme un véhicule vers une responsabilité et une surveillance solides. Interprétant la vision d’Ajay Banga, la coordinatrice mondiale de Big Shift, Sophie Richmond, pense que celle-ci ne peut devenir réalité si l’on ne s’attaque pas à la cause du changement climatique, à savoir les combustibles fossiles. « Et le gaz est un combustible fossile. L’avenir est aux énergies renouvelables propres, abordables et durables. La Banque doit s’éloigner des énergies sales du passé et soutenir la transition vers une planète plus saine, durable et vivable », a-t-elle recommandé.
Changer la donne
Au cours de ces assises, dix banques multilatérales de développement (Multilateral Development Banks, MDBs) ont publié une déclaration commune dans laquelle elles s’engagent à renforcer leur collaboration afin de catalyser les financements et stimuler l’action climatique. Le président de la Banque mondiale, Ajay Banga, avait donné le ton de ce partenariat lors de son allocution précédente en déclarant que la Banque mondiale « travaillait aux côtés des MDBs pour coordonner l’action mondiale, catalyser le changement et multiplier l’impact ». Par ailleurs, l’Afrique subsaharienne a obtenu un troisième siège, ce qui renforce sa position. Et le groupe des 20 pays vulnérables (V20) pourrait être reconnu au FMI, aux côtés du G7, du G20 et du G24, ce qui permettrait aux pays vulnérables sur le plan climatique d’avoir davantage voix au chapitre dans les processus du FMI. De l’avis de l’économiste Tunisien Fadhel Kaboub, Président du Global Institute of Prosperity, ces retombées ne sont points satisfaisants. « La Banque mondiale et le FMI ont été créés en 1944, alors que la majeure partie de l’Afrique était encore colonisée. L’architecture financière mondiale néocoloniale a fait exactement ce pour quoi elle avait été conçue, à savoir : extraire des matières premières bon marché pour le Nord mondial ; créer de vastes marchés de consommation pour la production industrielle du Nord mondial ; et externaliser des technologies obsolètes et des produits manufacturés à faible valeur ajoutée vers le Sud mondial. Cette architecture financière mondiale néocoloniale a échoué sur le plan économique et écologique, et nous ne pouvons donc pas nous attendre à ce que ce soit la même architecture qui résolve nos problèmes aujourd’hui », argue-t-il.
Ces institutions poursuit-il « …n’ont manifesté aucun intérêt pour la décolonisation des économies africaines ou pour l’élimination des causes de nos problèmes de dette extérieure. Nous n’avons entendu aucune annonce concernant la priorité à donner aux investissements stratégiques dans la souveraineté alimentaire et l’agroécologie, ni aux investissements dans les infrastructures d’énergie renouvelable et les technologies de cuisson propres à déployer en Afrique, ni aux investissements dans l’industrialisation panafricaine à forte valeur ajoutée ». Fadhel Kaboub indexe aussi l’attitude méprisante des dirigeants de la Banque mondiale et du FMI qui n’ont pas daigné honorer les panels parrainés par la société civile. « Ce qui témoigne d’un mépris total et d’un manque de respect à l’égard de toute critique constructive et de toute proposition de politique alternative », relève l’économiste avant de conclure que : « Cela devrait galvaniser les efforts des pays du Sud pour mettre en place des institutions financières alternatives qui remettraient en cause l’hégémonie des architectures commerciales, financières et d’investissement mondiales, et rendraient la Banque mondiale et le FMI redondants, des institutions qui doivent être soit radicalement transformées, soit démantelées ». Quoi qu’il en soit, « L’horloge tourne maintenant – avec des crises mondiales qui s’accélèrent et une fenêtre politique limitée, les gouvernements doivent utiliser les six prochains mois pour transformer l’élan de ces réunions en solutions qui changent la donne et qui sont nécessaires pour relever les défis générationnels auxquels le monde entier est confronté », observe Amy Dodd, directrice des politiques à la campagne ONE.
Nadège Christelle BOWA