Recherche et innovation

L’IRD contribue à 5,14% de la production scientifique camerounaise

Lors de sa visite de travail au Cameroun, la Présidente-directrice générale de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), dont le siège est à Marseille en France, est revenue sur les principaux axes de la coopération entre les deux pays.

Par Nadège Christelle BOWA

Vous avez assisté à la cérémonie de remise de la médaille du travail à 6 agents de l’IRD à Yaoundé. Que pensez-vous justement de ce personnel ?

J’ai eu la joie et le plaisir de rencontrer les agents de l’IRD au Cameroun et assisté à la remise des médailles à certains d’entre eux pour leur engagement et leur ancienneté (15 à 25 ans à l’IRD), des mains de la Ministre camerounaise de la Recherche Scientifique et de l’Innovation Dr. Madeleine Tchuinté. C’est une grande fierté et je tiens une nouvelle fois à féliciter chacune et chacun d’entre eux pour leurs décorations qui saluent des décennies d’engagement pour la recherche pour le développement.

Les agents de l’IRD au Cameroun sont très engagés auprès de l’IRD à la fois dans les fonctions administratives et scientifiques, sur le terrain. Nous avons pu longuement échanger entre nous  et c’est important pour moi de pouvoir avoir ces moments de  rencontres, de discussions ouvertes sur les conditions de travail ici au Cameroun afin de pouvoir y porter les améliorations souhaitées.

L’IRD, collabore déjà depuis 75 ans avec le Cameroun. Ces dernières années, les défis dus au changement climatique avec des maladies émergentes et réémergentes sont de plus en plus prégnants. Allez-vous changer de paradigme ? Si oui, quels sont vos nouveaux chantiers ?

Le Cameroun est un écosystème particulier en Afrique qui, à lui seul, concentre de nombreux enjeux. Nous avons donc ensemble des défis importants de recherche à relever, notamment dans le domaine de l’environnement et de la santé. Effectivement, l’IRD travaille avec ses partenaires au Cameroun depuis plus de 75 ans et célèbre par ailleurs cette année ses 80 ans.  Nous allons continuer de nous impliquer dans la recherche pour le pays, en nous appuyant sur nos partenaires camerounais qui nous témoignent de leur intérêt et confiance.

Nous devons construire ensemble des réponses notamment face à l’émergence des maladies. L’IRD, de par ses collaborations avec l’ANRS-MIE, est très impliqué dans la lutte contre le VIH au Cameroun. Nous avons investi depuis très longtemps avec nos partenaires camerounais dans la recherche, la formation et nous pouvons nous appuyer sur l’expertise des chercheurs pour mieux comprendre l’évolution des maladies émergentes et réémergentes. Nous allons poursuivre nos efforts et continuer à investir ensemble dans les projets de recherche, notamment à travers le développement de Plateforme de recherche internationale en Santé Mondiale (PRISME), qui a pour objectif de développer des projets de recherche, renforcer la formation à la recherche clinique, renforcer les capacités humaines, techniques et scientifiques, avec une attention particulière vers les jeunes.

Lors de ma visite, j’ai été reçue par le 1er ministre Joseph Dion Ngute, par la ministre de la Recherche Scientifique Dr. Madeleine Tchuinté et par le Ministre des Forêts et de la Faune Jules Doret Ndongo. Ensemble, nous avons évoqué les pistes de travail pour renforcer davantage notre coopération bilatérale.

Quels sont les projets qui ont enregistré de bons résultats au Cameroun ?

Je commencerai par évoquer le fait que sur la période 2018-2022, avec 545 publications, l’IRD contribue à 5,14% de la production scientifique camerounaise, ce qui fait de l’IRD le 2ème partenaire français du pays en termes de publication.

Le travail de l’IRD dans le pays a évolué au fil du temps, et les programmes de recherche actuels sont centrés principalement sur la santé et l’environnement au sens large, y compris sur les systèmes alimentaires, ainsi que dans le champ des sciences humaines et sociales (systèmes de santé, patrimoine, archéologie).

En santé, je citerai le projet AFRICAM, coordonné par l’IRD et le Cirad, qui vise à prévenir l’émergence de zoonoses via la construction de socio-écosystèmes résilients et de systèmes de surveillance durables et économiquement viables sur les maladies zoonotiques.

Les programmes régionaux Ariacov et Afroscreen ont également été cruciaux dans la lutte face à la pandémie de Covid-19 ces dernières années.

L’IRD a beaucoup travaillé sur les maladies dites négligées, qu’en est-il aujourd’hui ?

Le groupe MTN de l’unité TransVIHMI a été à l’origine d’avancées majeures pour le contrôle des filarioses en Afrique Centrale (RDC, Congo, Cameroun). Dans le sillage de projets soutenus par la Fondation Gates, différentes stratégies d’élimination sont évaluées, en partenariat avec l’Institut Supérieur de Recherche Scientifique et Médicale. Le projet ERC (MORLO), financé par l’Union Européenne, étudie les complications cliniques liées à la loase. Un projet ANR soutient un essai thérapeutique visant à évaluer des stratégies préventives et thérapeutiques chez les personnes souffrant d’onchocercose et de la loase.

Par ailleurs, l’UMR INTERTRYP travaille historiquement sur la Trypanosomose Humaine Africaine (THA), (ainsi que sur la TAA, Trypanosomose Animale Africaine) qui restent endémiques en Afrique centrale. L’IRN TROUVE (« Trypanosomose-Onchocercose : le microbiome pour une lutte antivectorielle sur THA et onchocercose »), qui associe le Cameroun, le Burkina Faso et la Guinée, a débuté en 2023. Le projet propose une stratégie novatrice, fondée sur une lutte contre les vecteurs de la maladie par suppression de la compétence vectorielle induite par des bactéries intestinales. Elle doit conduire à l’élimination de la maladie sans élimination des vecteurs, donc en préservant la biodiversité de l’écosystème, Ainsi, le projet scientifique de l’IRN TROUVE, en intégrant santé humaine, santé animale et santé environnementale, est parfaitement en phase avec le défi « One Health ». Il va permettre une nouvelle dynamique du partenariat dans ce domaine, en stimulant également des collaborations Sud-Sud.

Quelques nouveaux chantiers au Cameroun…

J’ai visité le site de Nkolbisson qui hébergera le futur Centre en Biogéosciences de l’Environnement (CBE). Ce site permettra de développer le potentiel scientifique et d’innovation du Cameroun pour l’étude et la protection des écosystèmes forestiers du bassin du Congo, en lien avec le LMI DYCOFAC et dans le cadre de l’initiative One Forest Vision.

Le CBE, projet phare porté par le MINRESI est une excellente illustration du partenariat avec l’IRD. Il contribuera au renforcement des sciences de l’environnement au Cameroun et dans la sous-région. Il offrira ainsi aux chercheurs et universitaires camerounais, français et internationaux des plateaux techniques de standard international pour contribuer à l’étude des grands écosystèmes et cycles du bassin du Congo, et leur évolution liée au changement climatique.

Ce déplacement a aussi été l’occasion de participer à la cérémonie de lancement du projet INTEGRES-TB en partenariat avec l’Initiative. Ce projet, déployé grâce au soutien d’Expertise France, vise à renforcer les systèmes de santé afin d’améliorer le diagnostic de la tuberculose chez les enfants au Cameroun.

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