SANTE

Lutte contre le paludisme : Le Cameroun veut mobiliser 101 milliards de Fcfa

LE MESSAGER n° 5974 du lundi 14 mars 2022

C’est l’objectif avouée de la campagne « Stop malaria » lancée le 10 mars dernier à Yaoundé en présence de nombreux partenaires qui vise une plus grande mobilisation financière et humaine pour éliminer la saignée causée par le paludisme au Cameroun.

Un bébé de 17 mois, orpheline à cause du paludisme. Sa maman, une journaliste de 34 ans est passée de vie à trépas à cause de cette vilaine maladie qui a tué 3 863 camerounais en 2021(voir Le Messager N° 5972 du 10 mars 2022). Mais que nombreux camerounais ont tendance à banaliser encore aujourd’hui. « Donnons un sens à la mort d’Annie Laure et à toutes les victimes du paludisme comme elle, en sauvant plusieurs autres vies. Permettons à sa petite fille Ladouce de ne pas voir le paludisme emporter sa grand-mère ; consoler mon cœur de mère : stop malaria », plaide la maman d’Annie-Laure en larmes. Le témoignage poignant de cette victime du paludisme pourrait-il interpeller les leaders et décideurs ; les communautés elles-mêmes ? Il le faut ! Au regard du poids social de cette maladie sur les vies humaines et sur l’économie nationale voire mondiale. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), chaque année au moins 6 millions de cas de paludisme et environ 11 500 décès sont enregistrés au Cameroun.

Pour faire face à cette explosion de maladies endémiques, une politique nationale de santé publique fortement appuyée par les partenaires du Cameroun à l’international et certains acteurs locaux a été menée par le gouvernement. En appui aux différents Plans stratégiques de lutte contre le paludisme, l’OMS recommande aux pays à très haut fardeau comme le Cameroun l’approche « High Burden High Impact » qui a porté ses fruits dans les autres pays à fort impact du paludisme. « Malgré les efforts de lutte contre le paludisme et l’appui des partenaires au développement, l’incidence épidémiologique aujourd’hui impose la mobilisation de ressources additionnelles pour promouvoir l’atteinte des objectifs des principales interventions du Plan stratégique national de la lutte contre le paludisme de 2019 à 2023 », a déclaré le ministre de la Santé publique à la faveur du lancement de la campagne « Stop malaria », le 10 mars 2022 à Yaoundé.

Argent et actions

Conçue sous le modèle « High Burden High Impact », cette campagne vise de manière spécifique d’ici 2023 à « renforcer le dialogue politique au niveau national sur la lutte contre le paludisme ; contribuer à mobiliser au moins 75% du gap de 100 milliards de FCFA pour l’atteinte des objectifs du Plan stratégique national de lutte contre le paludisme (Psnlp) 2019-2023 ; obtenir l’engagement des leaders à poser des actes concrets dans la lutte contre le paludisme chacun dans son domaine de compétence », précise Olivia Ngou, directrice exécutive de l’Ong Impact santé Afrique, une organisation partenaire du gouvernement dans la mise en œuvre de cette campagne. Selon qui l’un de ces actes fort est une augmentation du budget de l’Etat allouée à la lutte contre le paludisme de 2% par an. Les défis sont nombreux. « Nous devons tout faire pour prendre en compte tous les malades surtout les plus démunies ; Prendre en compte les agents de santé communautaire qui font un travail remarquable pourtant on n’a jamais précisé leur statut ; mobiliser les ressources domestiques. », propose Elise Pokossy Doumbe. La députée et membre de la taskforce des parlementaires pour la lutte contre le paludisme estime aussi qu’une augmentation de l’enveloppe budgétaire est indispensable.

Il est attendu une forte implication des maires aussi. « Ils pourraient par exemple organiser le soutien aux agents de santé communautaire dans leurs localités, aider les formations sanitaires de leurs localités en les appuyant sur divers aspects en intrants, en formation, un personnel qualifié, le champ est tellement vaste pour ces élus-là », détaille Dr Marcellin Ateba, secrétaire permanent adjoint du Programme national de lutte contre le paludisme. Pour le Pr Rose Leke, professeure d’immunologie et de parasitologie, cette riposte passe également par la « débanalisation » de la maladie au sein des communautés. « Nous devons cesser de sous-estimer le paludisme. Arrêtons de dire ce n’est qu’un petit paludisme, ça va passer. Arrêtons aussi de nous auto-prescrire les médicaments », conseille-t-elle. Transmise à l’homme par la piqûre d’un moustique : l’anophèle femelle, le paludisme est une maladie parasitaire fébrile qui se manifeste par les maux de tête et les douleurs articulaires. Dans certains cas (chez les enfants), des nausées, des vomissements, et la diarrhée. Dès l’apparition de ces symptômes, il est conseillé de se rendre immédiatement dans une formation sanitaire pour une prise en charge immédiate et appropriée. Mais en cas de forte température, si on est éloigné d’une formation sanitaire, Wilfried Mbatcham, professeur de biotechnologie de la santé publique, recommande d’utiliser de l’eau froide pour baisser la température qui lorsqu’elle est trop élevée, peut endommager d’autres systèmes de l’organisme.

Nadège Christelle BOWA

Des acteurs réagissent

Hon. Pokossy Doumbe, membre de la taskforce des parlementaires

« Nous devons renforcer l’hygiène et la salubrité »

La lutte contre le paludisme est un problème multisectoriel donc le ministère de la Santé seul ne peut pas. On a beau mobilisé tous les chercheurs, tous les professeurs de médecine, si nous ne prenons pas soin de notre environnement, la lutte contre le paludisme ne pourra jamais évoluer. Nous devons renforcer l’hygiène et la salubrité. Il faut sensibiliser les populations sur les dangers de l’insalubrité et surtout accompagner les maires qui sont plus proches des populations. Sensibiliser les communautés ; faire en sorte que la lutte contre le paludisme soit un problème national ; rendre public le taux de décès du paludisme comme on l’a fait pour covid-19. Egalement, il faut une sensibilisation plus didactique. C’est-à-dire, dire aux populations ce qu’il faut faire en cas de fièvre…il faut éduquer, sensibiliser, informer les populations. Les parlementaires s’engagent pour mobiliser les ressources contre le paludisme. Dans la mesure des possibilités de l’Etat, nous allons travailler auprès du gouvernement pour que le budget soit vu à la hausse.

Patrick Kamdem, directeur Département institutionnel Fosun Pharma  

« La contribution du secteur privé représente 50% des fonds alloués »

Le secteur privé notamment l’industrie pharmaceutique joue un rôle fondamental en contribuant au programme de chimio-prévention recommandé par l’OMS à travers la mise en place des médicaments préqualifiés. Surtout la CPS (chimio-prévention du paludisme saisonnier), un médicament distribué par le laboratoire Fosun Pharma, leader mondial de lutte contre le paludisme. Grâce à la recherche, l’Artésunate injectable qui est le traitement aujourd’hui de 1ere intention dans la forme sévère du paludisme, nous avons un rabais du nombre de morts. Les exemples sont nombreux. Pour ce qui est du vaccin, c’est une option thérapeutique qui doit encore faire ses preuves. En dépit de belles annonces, un travail important doit encore être fait grâce à l’industrie pharmaceutique mais aussi grâce à l’accompagnement des bailleurs au niveau international. De façon globale, la contribution du secteur privé en terme de médicaments et moustiquaires imprégnée représente 50% des fonds alloués à la lutte contre le paludisme. Soit la moitié du milliard de dollars investi. Mais le gap reste important. Même s’il y a un apport consistant du secteur privé dans cette lutte, celui-ci n’est pas le seul acteur qui peut amener à la disparition totale du paludisme.

Olivia Ngou, directrice exécutive de l’Ong Impact santé Afrique

« Il faut combler les gaps afin d’éviter les décès liés au paludisme »

Je suis fière d’annoncer que la campagne « stop malaria » a été effectivement lancée. C’est une initiative du ministère de la Santé publique précisément du Programme national de lutte contre le paludisme que nous accompagnons dans le plaidoyer pour pouvoir mobiliser les leaders et les décideurs afin qu’ils s’engagent et posent des actes concrets pour la mobilisation des ressources qui manquent à la lutte. Il y a beaucoup de défis : des populations ont besoin de recevoir des outils efficaces ; de centres de santé qui ont besoin de traitement ; de districts de santé qui n’ont pas assez d’agents communautaires. Au vu de ces gaps, il faut mobiliser ceux qui décident à prendre des actions et mobiliser les ressources qu’il faut pour combler les gaps afin d’éviter les décès liés au paludisme. En effet, le budget du PSNLP 2019-2023 est de 232 milliards de FCFA, seulement 50% de ce montant est disponible soit un gap de 101 milliards pour financer les outils et interventions de la lutte.

Rassemblée par

Nadège Christelle BOWA

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