Maladies tropicales négligées : L’éradication est-elle possible au Cameroun à l’horizon 2030
Dr Earnest Njih Tabah
« Un dépistage précoce et un traitement adéquat évitent les complications »
Maladie bactérienne affectant la peau, les nerfs et les membres, la lèpre est à l’origine de handicap important en absence de traitement précoce. Les avancées et défis de la prise en charge avec Dr Earnest Njih Tabah, secrétaire permanent du Comité national de lutte contre le pian, la leishmaniose, la lèpre et l’ulcère de Buruli au Minsanté.
Quel est l’état des lieux de la lèpre au Cameroun ?
Nous avons réduit de manière considérable le fardeau de la lèpre au Cameroun. Si je m’en tiens à ces statistiques des années 85 où nous recensions plus de 25000 cas, à ce jour, nous sommes en dessous de 200 cas nouveaux cas par an. En 2021 par exemple nous avons recensé 178 cas de lèpre au Cameroun. L’écart est très grand.
Quel est le niveau de prise en charge dans notre pays ?
Au Cameroun, la prise en charge se fait essentiellement dans les formations sanitaires. En principe, toutes les formations sanitaires sont censées prendre en charge les cas de lèpre. Toutefois cela est coordonné à partir du Programme national de lutte contre le pian, la leishmaniose, la lèpre et l’ulcère de Buruli au ministère de la Santé publique. Nous mettons en place les stratégies, donnons les orientations et mettons à disposition les médicaments et autres intrants nécessaire pour la prise en charge de la lèpre dans toutes les formations sanitaires du Cameroun. Ces médicaments sont donnés aux malades gratuitement. La prise en charge de la lèpre est gratuite.
Comment détecter la lèpre ?
La lèpre commence par des taches sur la peau. Une ou plusieurs à la fois. Elles peuvent apparaître sur n’importe quelle partie de la peau. La particularité de cette tâche est qu’elle a perdu sa sensibilité. Si la personne est détectée à ce moment-là, et traitée de manière adéquate, elle va être guérie et toutes les complications liées à la lèpre seront évitées. Sinon, la maladie va progresser pour arriver au stade de complication où les gros troncs nerveux sont atteints et on commence à avoir les problèmes comme les griffes des mains, les plaies qui peuvent évoluer jusqu’aux amputations. Ce sont ces dégâts physiques qui entraînent la stigmatisation. Parce que la plupart de nos populations continuent de croire que la lèpre, ce sont ces amputations. En fait, quand ces personnes ont le traitement correct, elles ne peuvent plus transmettre la lèpre. Cependant, les complications sont irréversibles. Aussi, il faut un dépistage précoce et un traitement adéquat pour éviter les complications.
Quelles sont les difficultés liées à la prise en charge des cas par le Programme ?
Le Programme fait face à des difficultés qui sont conjoncturelles. Si nous avons tous les moyens à notre disposition, je crois que d’ici trois ou quatre ans, on peut en finir avec la lèpre. Nous n’y arrivons pas jusqu’ici parce qu’il nous manque les moyens dont nous avons besoin, à savoir : sensibiliser la population, et votre travail en tant que médias participe déjà à cette sensibilisation, je vous remercie. Mais est-ce que tous les 25 millions de camerounais sont atteints par ce message ? non, nous avons donc besoin d’aller un peu partout au Cameroun pour sensibiliser afin que les derniers cas qui sont en communauté puissent être détectés et traités. Ceci permettra d’éradiquer la lèpre. Nous avons besoin de moyens pour former le personnel de santé, les agents de santé communautaire pour le dépistage précoce et le suivi jusqu’à la guérison.
Propos recueillis par
Nadège Christelle BOWA