Péril sur la santé des jeunes au Cameroun
Tabac et drogues
C’est une jeunesse quasiment brisée que le chef de l’Etat appelle à la construction du Cameroun de demain. C’est ce que révèle l’état des lieux sur la santé sexuelle des adolescents au Cameroun ainsi que la situation relative à la consommation des drogues et stupéfiants.
Le 11 février dernier, la fête de la Jeunesse 2018 a été célébrée sous le thème « Jeunesse, multiculturalisme, paix et unité Nationale ». À la veille de cette 52e édition, le chef de l’Etat dans son traditionnel discours à la jeunesse de son pays, s’est adressé à cette catégorie de la population : « …je vous invite à participer activement à notre grand projet qui vise à accéder à l’émergence à l’horizon 2035 », a exhorté Paul Biya, qui au regard des statistiques disponibles officiellement convie ainsi une population « malade ». C’est du moins ce que laisse entrevoir la note informative relative à la santé des jeunes au Cameroun produite par le Centre pour le Développement des Bonnes Pratiques en Santé (Cdbpsh) à l’occasion de la célébration de la fête de la Jeunesse. Il convient de relever que cette unité de recherche œuvre pour la promotion de la prise de décision éclairée par les données probantes de santé.
L’état des lieux sur la santé sexuelle des adolescents au Cameroun ainsi que la situation relative à la consommation des drogues et stupéfiants publiés par cette structure permet de cerner l’ampleur du problème. D’après le Rapport de l’enquête d’opinions et connaissances des adolescents sur la sante sexuelle en milieu scolaire dans la ville de Yaoundé réalisé par le Bureau Central des Recensements et des Etudes de Population (Bucrep) en 2015 cité dans la note informative, une proportion importante d’élèves (40,9%) a déjà eu un rapport sexuel. Ce pourcentage est plus élevé chez les garçons que les filles. Les relations sont précoces. L’âge moyen est estimé à 15,4 ans. Soit : plus élevé chez les filles (16,1 ans) que chez les garçons (14,7 ans). La rencontre avec le premier partenaire sexuel intervient plus souvent au quartier de résidence. Dans la majorité des cas, le premier rapport sexuel est consenti. 5,8% des élèves déclarent avoir déjà eu une infection sexuellement transmissible (Ist). Les grossesses non désirées sont importantes. En effet, 24% ont reconnu être déjà tombées enceintes. Et 46,7% des grossesses contractées par ces adolescentes se sont soldées par une naissance vivante ; 33,3% par un avortement et 20% par une fausse couche. Beaucoup n’ont aucune connaissance en matière de contraception. La principale source d’acquisition des connaissances en matière de santé sexuelle et reproductive est l’établissement scolaire où l’éducation sexuelle est une réalité. Notamment dans le sous-système Anglophone. Cependant, la peur et la honte sont des obstacles à l’accès aux conseils en matière de santé sexuelle et reproductive chez les jeunes.
Du tabac aux drogues dures
Pour ce qui est des drogues, leur circulation et consommation en milieu jeune ont atteint la cote d’alerte au Cameroun. Selon les derniers chiffres du Ministère de la Santé Publique (2016), 60% des jeunes âgés entre 20 à 25 ans ont déjà, au moins une fois, consommé la drogue. Les plus prisées sont l’alcool, le tabac -principale porte d’entrée à la consommation des drogues dures d’après la Coalition Camerounaise contre le tabac (C3t)- le cannabis, le tramadol, la cocaïne, etc. Des jeunes scolarisés, âgés de 13 à 15 ans consomment du cannabis, qui est la drogue dure la plus consommée par la jeunesse, devant le tramadol.
Ces chiffres ont explosé au cours des deux dernières décennies. Au début des années 2000, 20% de drogués étaient des enfants de la tranche d’âge de 17 à 20 ans. D’où, « l’effritement du tissu social porté par une franche de notre jeunesse dont la vulnérabilité et la dépendance à ces stupéfiants les exposent à l’accomplissement d’actes qui déstructurent les socles familiaux sur lesquels reposent la stabilité et la cohésion de la société », relèvent les rédacteurs du Centre pour qui, « Il apparaît donc bien difficile de dissocier la consanguinité qui unit le trafic et la consommation des stupéfiants aux autres fléaux sociaux que sont la prostitution, le terrorisme ». Desquels naissent l’insécurité, les échecs scolaires (faible niveau d’éducation dû à l’abandon de l’école ou de toute autre formation) ; les grossesses non désirées. En outre observent-ils, l’exposition des jeunes au trafic et à la consommation des stupéfiants crève les budgets familiaux de santé, du fait des séjours dans les hôpitaux ou dans les services de répression ; Contribuent à gonfler la démographie des inadaptés sociaux dont la prise en charge s’impose à l’Etat, déjà en proie lui-même aux difficultés de trésorerie.
Au plan sanitaire, que cette consommation soit épisodique ou chronique, les victimes connaissent une dégradation rapide de leur structure mentale qui influe sur leurs comportements avec comme symptômes majeurs, la paresse, la somnolence, les violences, les troubles de mémoire, l’exposition aux maladies cardiovasculaires, les affections sexuellement transmissibles et notamment, le Vih Sida, lorsque ces stupéfiants sont consommés par voie d’injection avec des seringues non aseptisées. Ces chiffres alarmants appellent à un renforcement des actions de sensibilisation et de prise en charge par les décideurs, les éducateurs et le personnel de santé. Sinon Paul Biya parle comme qui dirait, « en vain ».
Nadège Christelle BOWA