Santé mentale: Une question préoccupante de santé publique négligée
Les problèmes de santé mentale constituent 5 des 10 principales causes d’incapacité. C’est pourtant le parent pauvre de la santé au Cameroun. À peine 1% du budget de la santé alloué à ce secteur. Plein feu sur cette thématique à la faveur des deuxièmes journées camerounaises de santé mentale ouvertes ce mardi à Yaoundé.
Le témoignage de Joel Achille Mbakop fait pleurer. Surtout lorsqu’il raconte sa prise de conscience après une crise en plein marché Mokolo à Yaoundé. « Je me suis retrouvé nu en plein marché. Cela a suscité beaucoup de commentaire allant dans tout les sens tant dans le public que sur les réseaux sociaux. C’est quand la police a intervenu que j’ai commencé à prendre conscience. Quand j’ai vu les images et les commentaires, c’était horrible! […]je me battais pas avec une personne ». en ce qui la concerne, Julienne Namata, enseignante a commencé à présenter des troubles de comportement après l’enlèvement de son époux par les sécessionnistes dans la localité de Batibo. L’histoire a défrayé la chronique. Certains ont surement ri mais pour elle, découvrir son mari, sous-préfet, homme respectable et respecté sur les réseaux sociaux à moitié nu à été un choc émotionnel difficile à gérer.
Des cas comme celui de Joel Achille Mbakop ou Dame Julienne Namata sont légions. et peuvent survenir à n’importe quel moment et concerner chacun. Ce n’est pas de la sorcellerie ! Encore moins une malédiction ! « La maladie mentale est comme le diabète, l’hypertension. Comme on a des familles de diabétiques, on a aussi des familles de malades mentaux », renseigne Dr Justine Laure Menguene Mvena, sous directeur de la santé mentale au ministère de la Santé publique. Ce mal clinique pourrait être une conséquence des problèmes de santé mentale qui touchent les Camerounais de tout âge et quelques soit sa condition sociale.
« Quand on parle de problème de santé mentale (mal être) tout le monde est concerné. Si un responsable, un leader ne tient pas compte du bien être de ses employés (stress professionnel, conflit avec les collègues ou hiérarchies, mauvaises conditions de travail, faible rémunération, etc.) la productivité, le développement ne sera pas au Rdv », explique ce médecin en service à l’Hôpital Jamot de Yaoundé. Aussi, « On gagnerait à l’intégrer dans la gestion des hommes si on veut qu’ils nous donnent le meilleur d’eux-mêmes », recommande-t-elle. Différente de la maladie, la santé mentale est « un état de bien être qui permet à l’individu de se réaliser, de faire face aux stress de la vie quotidienne, d’être productif et utile à la communauté. C’est parce qu’un individu est dans un état de bien être qu’il pourra travailler afin de contribuer au développement de la société. Vous comprenez que c’est le bien être qui fait en sorte que l’individu soit utile à la société ». Dr Menguene ajoute également que tout le monde connaît, a déjà connu ou connaîtra les problèmes de santé mentale. Cependant tout le monde ne fera pas la maladie mentale qui est un peu le stade ultime d’un problème de santé mentale.
Beaucoup d’amour
Comme toute autre problématique de santé publique, en santé mentale, les facteurs de risque de morbidité sont nombreux. Ils se recrutent dans le registre socioculturels (mariage précoces, consommation des drogues…) ; économique (chômage, pauvreté, Insatisfaction professionnelle) ; politique (conflits armés, crise sociale) ; environnementale (catastrophe naturelles et technologiques) ; infectieuses et parasitaires. On n’oublie pas les facteurs génétiques et biologiques. Selon des études réalisées à l’hôpital Jamot de Yaoundé, les affections généralement rencontrées sont : bouffées délirantes (21,25%) ; dépressions (20,05%) ; délires chroniques (16,90%) ; troubles anxieux 16,42%) ; épilepsie (11,81 %) ; schizophrénies (5,40%)…
Seulement, alors que 12% des affections parmi les problèmes de santé sont liées à la santé mentale, moins de 1% du budget de la santé publique est accordée à ce secteur. En attendant une meilleure prise en compte de cette thématique dans la santé publique, les spécialistes de cette discipline conseillent des mesures d’hygiène mentale indiquées pour éviter les psychoses (folies), les névroses, les troubles de l’humeur qui touchent près de 800 000 Camerounais selon l’Oms ; les accès maniaques, etc. « Il faut établir ses priorités, il faut communiquer, faire du sport et avoir une bonne alimentation. Et surtout distiller beaucoup d’amour », insiste Dr Menguene. Pris en charge médicalement, Joel essaie de vivre une vie normale. peut-être fera-t-il une autre crise. Si vous passez par là, contactez la police. tandis que de son côté, « je remercie Dr laure qui m’a permis de remonter la pente en me faisant comprendre que malgré tout, on avait encore besoin de moi. mes enfants, mes élèves, la société ».
La santé mentale est très tabou. Il est beaucoup plus facile de parler et se faire traiter pour une maladie physique. Merci d’avoir fait découvert votre réalité au Cameroun.
Merci à vous.