Un rapport indique que 98% des océans du monde sont exposés
Les dirigeants interpellés à la veille de la Conférence des parties des Nations Unies sur la biodiversité COP16 qui s’ouvre ce lundi 21 octobre 2024 à Cali en Colombie après la phase protocolaire du dimanche. Les signaux sont au rouge. Seulement 2,8 % des océans du monde sont protégés « efficacement » selon cette étude intitulée, « Sur la bonne voie ou hors de sa trajectoire ? L’évaluation des progrès vers l’objectif 30x30 dans l’océan révèle que les pays sont nettement en deçà de cet engagement. Les gouvernements sont loin de s’être engagés à conserver 30 % de l’océan d’ici 2030.
Rédigé par Metabolic Consulting avec le soutien du Bloomberg Ocean Fund et développé en partenariat avec Campaign for Nature, le Marine Conservation Institute et SkyTruth. « Sur la bonne voie ou hors de sa trajectoire ? » Assessing progress towards the 30×30 target in the ocean », avertit que la définition large des Aires marines protégées (AMP) n’est pas appliquée de manière cohérente par les pays, ce qui laisse place au « blue washing ». De nombreuses AMP permettent la poursuite d’activités incompatibles avec la conservation efficace de la biodiversité, telles que la pêche à l’échelle industrielle et les méthodes de pêche nuisibles, l’extraction de pétrole et de gaz, l’exploitation minière, le dragage et le déversement. Même lorsque les pays déclarent l’objectif d’une protection élevée ou complète, il se peut que la AMP ne soit pas mise en œuvre ou qu’elle ne dispose pas de ressources suffisantes d’une manière susceptible d’y parvenir. Le rapport est basé sur une analyse menée par le Marine Conservation Institute, avec des données partagées par des experts océaniques du monde entier qui évaluent les AMP dans leurs pays.
Ils ont évalué près de 90 % de la superficie mondiale des AMP et ont constaté que seulement 2,8 % sont mises en œuvre et « entièrement » ou « hautement » protégées – les niveaux définis comme une protection « efficace » par une norme mondiale appelée The MPA Guide. Beth Pike, directrice de l’Atlas de la protection marine au Marine Conservation Institute, a déclaré : « Deux ans après l’augmentation ambitieuse de l’objectif mondial de conservation à 30 % de notre océan d’ici 2030, la qualité continue d’être inférieure à la quantité : moins de 3 % des zones marines sont véritablement protégées. L’écart entre l’engagement et l’action est vaste, et sans une protection urgente et significative, l’objectif 30×30 ne sera pas atteint. Le moment est venu de transformer les engagements en changements réels et significatifs, car notre océan ne peut pas attendre ». Convenu lors de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité COP15 en 2022, l’objectif « 30×30 », est l’engagement de conservation le plus ambitieux jamais pris. Cependant, le rapport constate que la zone marine mondiale sous une forme ou une autre de protection n’a augmenté que de 0,5 % depuis lors. À ce rythme de progrès, seulement 9,7 % de l’océan sera protégé d’ici 2030.
L’Objectif 30×30 menacé
Dans un avant-propos au rapport, John Kerry, ancien secrétaire d’État américain, et José María Figueres, ancien président du Costa Rica, appellent les gouvernements à « agir ensemble de toute urgence » pour atteindre l’objectif 30×30. Selon eux : « La protection et la conservation d’au moins 30 % des océans du monde sont essentielles pour sauvegarder la biodiversité marine et les milliards de personnes qui en dépendent pour leurs moyens de subsistance et leur sécurité alimentaire. Il est également essentiel de préserver la capacité de l’océan à agir en tant que notre meilleur allié climatique en absorbant des milliards de tonnes d’émissions de carbone chaque année ». Pour Melissa Wright, responsable de la Bloomberg Ocean Initiative chez Bloomberg Philanthropies, « L’objectif 30×30 est une opportunité historique d’assurer un avenir durable à l’océan. Malgré quelques points positifs et quelques progrès dans la campagne de ratification du traité sur la haute mer, ce nouveau rapport montre que non seulement les progrès ont été presque inexistants depuis 2022, mais qu’il est peu probable que la majorité des aires marines protégées existantes et nouvelles offrent une protection significative à la biodiversité marine ». Heureusement, poursuit-elle, « les gouvernements ont encore le temps de tenir leur engagement s’ils agissent de toute urgence. La conférence COP16 sur la biodiversité est l’occasion d’annoncer de nouvelles contributions et de financer 30×30 et de rester sur la bonne voie. Avec l’élan croissant en faveur de la protection des océans, il est temps d’agir ».
Il est attendu que les gouvernements ratifient au plus tôt le Traité sur la haute mer, afin de mettre en place un cadre juridique pour l’établissement d’AMP dans les eaux internationales. La haute mer représente les deux tiers de l’océan mondial, mais seulement 1,4 % d’entre eux sont sous une forme de protection, et seulement 0,8 % sont susceptibles d’être efficacement protégés. Le cadre du Guide des AMP fournit une mesure pour normaliser les rapports sur la qualité des AMP et devrait être appliqué aux niveaux national et régional pour mieux comprendre les progrès réalisés à cette échelle. Ici aussi se pose la problématique de l’implication des peuples autochtones assortie à celle du financement- Les pays développés doivent tenir leur engagement de verser au moins 20 milliards de dollars par an aux pays en développement d’ici 2025 et 30 milliards de dollars d’ici 2030- et de reporting. « Il est essentiel que les données 30×30 soient accessibles, transparentes et faciles à utiliser afin que toutes les parties prenantes puissent voir clairement le chemin parcouru et comment accélérer l’élan vers la protection de la biodiversité mondiale. Lorsque tout le monde a accès à la même information, nous pouvons prendre des décisions collectives sur la façon d’aller de l’avant d’une manière inclusive et efficace. Ce rapport montre que nous avons encore un long chemin à parcourir », affirme Jason Schatz, directeur technique de SkyTruth, une organisation à but non lucratif de technologie de conservation qui a créé le 30×30 Progress Tracker.
Nadège Christelle BOWA
Depuis Cali (Colombie)