Une histoire nouvelle s’écrit-elle pour les forêts tropicales à Brazzaville
Sommet des trois bassins
Les attentes sont nombreuses, les enjeux colossaux. 1,5 milliards de personnes vivent dans ces écosystèmes tandis que les 8 milliards d’habitants sur cette terre en ont besoin pour y préserver la vie. Marquant sa présence à ses assises, en dépit des difficultés à s’inscrire à l’événement, la société civile, dans une déclaration, appelle les Chefs d’Etat à une réorientation des centres d’intérêt qu’elles veulent voir orienter davantage vers les droits des peuples autochtones et des communautés forestières tandis que les menaces qui pèsent sur les forêts tropicales s’aggravent.
Le ministre Soudan Nonault prononçant son allocution de circonstance. Crédit photo Alwihda Info
Un avant ! Un après ! C’est le vœu que formule Arlette Soudan-Nonault, ministre de l’environnement, du développement durable et du bassin du Congo, coordinatrice technique de la commission climat du bassin du Congo dans son discours d’ouverture du Sommet des trois bassins des Écosystèmes de Biodiversité et des Forêts Tropicales qui se tient à Brazzaville sur le site de Kintélé, ce jeudi 26 octobre 2023 à Brazzaville. « Certaines journées, certains sommets comptent plus que d’autres parce qu’ils marquent l’histoire plus que d’autres et j’ose croire qu’il y aura un avant et un après sommet des trois bassins [surtout que] 1,5 milliard de personnes vivent dans nos écosystèmes ou de nos écosystèmes, et les 8 milliards d’habitants sur cette terre ont besoin de nos écosystèmes pour y préserver la vie », a-t-elle laissé entendre avant d’inviter les milliers de participants à investir et s’investir « dans les 26 side events et les 5 panels de ce sommet, dans les expressions libres au sein de l’agora des peuples autochtones, de la jeunesse et de la société civile, construisons ensemble de manière inclusive et progressive l’histoire ici à Brazzaville ».
Les trois écosystèmes mondiaux représentent 80% des forêts tropicales et 2/3 de la biodiversité terrestre, et assurent le rôle vital de régulateur mondial de l’équilibre carbone et de la vie sur terre.
Lee White, Ancien ministre de l’Environnement de la République du Gabon, dans son allocution a apporté son expertise et son soutien en tant que champion du climat et de la biodiversité pour les Trois Bassins des Écosystèmes et des Forêts Tropicales, soulignant l’urgence d’agir pour protéger ces écosystèmes vitaux. Introduite par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), la présentation de l’état de l’Art des Trois Bassins Tropicaux des Tourbières et des Mangroves a fourni une vue d’ensemble des tourbières et des mangroves dans les Trois Bassins. Un focus a suivi, présenté par la Commission des Forêts d’Afrique centrale pour le Bassin du Congo, l’Organisation du Traité de Coopération Amazonienne pour le Bassin Amazonien, et l’Asian Forest Cooperation pour le Bassin Bornéo Mékong Asie du Sud-Est. Ces présentations ont mis en évidence l’importance de ces écosystèmes pour la planète et la nécessité de les protéger. En effet, les trois écosystèmes mondiaux représentent 80% des forêts tropicales et 2/3 de la biodiversité terrestre, et assurent le rôle vital de régulateur mondial de l’équilibre carbone et de la vie sur terre.
Établir une gouvernance mondiale efficace
La vision centrale du Sommet pour la préservation et la restauration des trois poumons écologiques de la planète repose sur les objectifs suivants : Promouvoir la coopération scientifique et technique, renforcer les capacités et accroître l’influence dans les forums multilatéraux en faveur de la défense de l’environnement ; Établir une gouvernance mondiale efficace pour gérer les défis environnementaux et climatiques à l’échelle planétaire ; Élaborer une stratégie commune visant à stimuler les projets d’investissement pour lutter contre le changement climatique et préserver la biodiversité. « Les menaces qui pèsent sur les forêts tropicales s’aggravent : c’est pourquoi les droits des peuples autochtones et des communautés forestières doivent être au cœur de l’initiative des Trois Bassins », écrivent une cinquantaine d’organisations nationales dont le Aceh Wetland Foundation (Indonesie) ; le Centre Africain pour le Développement Durable et l’Environnement (CADDE) au Gabon, le Centre d’Actions pour le Développement (CAD) en République du Congo ; le Centre pour le Développement et l’Environnement (CED) et Forêts et Développement Rural (FODER) du Cameroun. Soutenue par une quinzaine d’organisations internationales telles Earth Insight, Greenpeace Africa, Rainforest Action Network, elles interpellent les chefs d’Etats des pays de l’initiative du Sommet des Trois Bassins.
Dans le bassin du Congo, les blocs pétroliers et gaziers prévus chevauchent plus de 32 millions d’hectares, soit 39 %, de forêts tropicales intactes, qui abritent plus de 17 000 lieux habités, y compris des communautés autochtones et tributaires de la forêt. En Asie du Sud-Est, Les blocs pétroliers et gaziers désignés pour la production ou l’exploration couvrent plus de 34,8 millions d’hectares, soit près de 20 %, de forêts tropicales intactes.
Ces organisations de peuples autochtones, environnementales et autres organisations qui travaillent en première ligne, se disent inquiètes quant à la direction prise par cette initiative, en particulier le manque d’attention à l’égard des impacts négatifs des industries extractives et autres industries sur les forêts tropicales, y incluant l’engagement de la société civile et des détenteurs de droits dans ce processus. « Alors que l’objectif déclaré du Sommet est de préserver et de restaurer les trois grands bassins de forêts tropicales de la planète, une nouvelle recherche montre que, en réalité, plusieurs pays des trois bassins avancent des plans qui vont dans la direction contraire », relèvent ces dernières. Par exemple, en Amazonie, ces organisations notent que les blocs pétroliers et gaziers existants ou prévus chevauchent aujourd’hui environ 65 millions d’hectares, soit 13 %, de forêt tropicale intacte et plus de 31 millions d’hectares de territoires autochtones abritant plus de 500 nationalités indigènes. Dans le bassin du Congo, les blocs pétroliers et gaziers prévus chevauchent plus de 32 millions d’hectares, soit 39 %, de forêts tropicales intactes, qui abritent plus de 17 000 lieux habités, y compris des communautés autochtones et tributaires de la forêt. En Asie du Sud-Est, Les blocs pétroliers et gaziers désignés pour la production ou l’exploration couvrent plus de 34,8 millions d’hectares, soit près de 20 %, de forêts tropicales intactes.
Une note aigre-douce de la société civile
En Indonésie, plus de 99 000 lieux habités, comprenant un grand nombre d’autochtones et de personnes tributaires de la forêt, se trouvent à l’intérieur des blocs pétroliers et gaziers. Tandis que se posent ces préoccupations « profondes » au regard de la société civile, « l’initiative des Trois Bassins semble plus concernée par les marchés du carbone que par les droits humains des peuples autochtones et d’autres personnes en première ligne de la déforestation et de la dégradation des forêts. Entre-temps les acteurs de la société civile regrettent des difficultés à s’inscrire à l’événement, sans parler d’en influencer le contenu. Cette marginalisation ne fera qu’aboutir à de nouvelles interventions imposées d’en haut, extractives et inefficaces qui ont si souvent laissé tomber les populations et les forêts ». De ce fait, la société civile interpellent les gouvernements des trois bassins à s’engager sur un certains nombres de points plus important à leur avis que cette question de marché du carbone.
Il s’agit notamment de : Accroître la protection juridique fondée sur le droit, la démarcation et la reconnaissance des terres et territoires des communautés forestières comme condition préalable à une protection plus efficace des forêts ; Défendre leur droit à participer pleinement et effectivement à la prise de décision concernant tout développement prévu dans ces zones ; respecter le droit des populations autochtones à un consentement libre, préalable et éclairé, de même que la protection de personnes vivant dans un isolement volontaire, ainsi que assurer la protection des personnes vivant dans un isolement volontaire ; Renforcer et protéger les populations autochtones et les autres défenseurs de l’environnement et des droits humains en première ligne, notamment en améliorant l’accès à la justice ; Arrêter et inverser la perte et la dégradation de tous les écosystèmes naturels dues à l’agriculture à grande échelle, l’exploitation minière, extractive et à d’autres industries, notamment par un moratoire mondial sur les activités industrielles dans les forêts primaires ainsi que dans les forêts prioritaires, etc. Pour leur part, la communauté internationale et les gouvernements des pays du Nord devront entre autres : Réduire la consommation de produits dont la production détruit les forêts et le climat ; Canaliser des investissements plus importants et de meilleure qualité vers les efforts de protection des forêts dans les trois bassins, y compris vers les fonds dirigés par les autochtones dans ces régions.
Nadège Christelle BOWA